Merci Mme la présidente. Il convient peut-être d'ajouter que, depuis 2007, je dirige un organisme de formation des élus présidé par le maire de Châteldon, dans le Puy-de-Dôme.
Je suis particulièrement sensible à votre invitation qui me permet d'évoquer mon engagement bénévole à la coordination Eau bien commun France.
Vous avez évoqué la différence entre les différents modes de gestion, principalement entre la famille de la gestion publique et les délégations dites de service public, que j'appellerai les délégations au privé.
Si le temps me le permet, j'aimerais également pouvoir évoquer avec vous la question de la tarification différenciée en fonction des usages, car, en l'état actuel du droit français, la libre administration des collectivités en la matière n'est pas forcément sécurisée par des textes réglementaires.
Enfin, alors que Mme Danielle Mitterrand aimait à rappeler que : « trois minutes sans air et nous sommes morts, trois jours sans eau et nous sommes morts », certains usagers remettent en question les taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) appliqués en matière d'eau potable (5,5 %) et d'assainissement des eaux usées (10 %). Il serait possible d'envisager qu'une TVA à taux zéro s'applique dans ce domaine vital.
Notre association d'usagers a pour référence la gestion publique, et non la gestion déléguée aux entreprises privées. Tout d'abord, dans la mesure où les régies publiques ont une durée de vie illimitée, la comptabilité publique permet d'amortir techniquement et financièrement sur une longue durée les investissements dédiés à la distribution d'eau potable et au traitement des eaux usées.
Ce cadre comptable public permet chaque année d'amortir des ouvrages de plusieurs dizaines de millions d'euros en appliquant une tarification bien plus faible aux usagers que celle appliquée par les opérateurs privés. En effet, ces derniers doivent non seulement amortir leurs investissements, mais aussi engranger une rémunération avant le terme du contrat, dont la durée ne peut depuis 1995 excéder une durée de 20 ans.
Par ailleurs, si les fontainiers, les électromécaniciens, les grutiers, les techniciens, les ingénieurs, les agents administratifs sont dans tous les cas de figure indispensables à la bonne marche d'un service de l'eau ou d'un service d'assainissement, la gestion publique est plus sobre en emploi, sans conduire à du low cost. En effet, les stratégies et les projets locaux d'accès à l'eau et à l'assainissement de qualité n'ont pas besoin de directeurs régionaux, de directeurs commerciaux ou de directeurs financiers pour atteindre des objectifs fixés par des conseils d'administration ou des assemblées générales d'actionnaires.
Par ailleurs, au titre des charges, les comptes d'exploitation des filiales des groupes membres de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) démontrent que les entreprises privées répercutent à l'État les impôts et taxes qu'ils acquittent. Le fait que les régies publiques ne soient pas soumises à cette fiscalité est un autre élément contribuant à limiter le coût répercuté aux usagers.
Je souhaite également souligner que les différentes expressions utilisées dans les comptes annuels de résultat d'exploitation des délégataires privés, par exemple les « contributions aux organismes centraux et à la recherche », sont une habile manière d'évoquer les remontées financières à une maison-mère. Or ce type de ponction sur le porte-monnaie des usagers n'existe pas dans le cadre des régies publiques.
Il convient par ailleurs d'attirer l'attention du législateur sur la question de la recherche, souvent mentionnée dans les rapports annuels des délégataires privés. En effet, dans le cadre du principe « l'eau paie l'eau », les factures, ou les charges récupérables dans l'habitat collectif dépourvu de compteurs individuels, s'appliquent à un service fait. Si ce dernier porte sur des activités de recherche, l'usager doit savoir avec précision dans quelle mesure il a bénéficié de l'activité de recherche répercutée sur sa facture. Or après vingt ans d'engagement associatif et vingt-cinq ans de mandats locaux, je ne suis pas en mesure de préciser dans quelle mesure, en matière de chauffage, de déchets, de transports et d'eau, les usagers ont bénéficié d'une activité de recherche.
Enfin, dans le cadre d'une délégation à des opérateurs privés, les délégataires répercutent l'impôt sur les sociétés, qui n'est pas acquitté par les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). En outre, l'excédent dégagé au terme d'un exercice s'évapore et ne se retrouve jamais au titre des recettes. A contrario, dans le cadre de la comptabilité publique, l'excédent d'un EPIC constaté en fin d'année est inscrit en report et est affecté au titre des recettes de l'année suivante.
J'ai souhaité pointer le plus précisément possible ces différences notables afin de prouver que mon discours n'est pas hors sol, mais qu'il est le fruit d'une expertise citoyenne qui s'est développée en accompagnant de nombreux territoires et de nombreuses régies. Il est possible de démontrer que, à périmètre et à compétences constants, en apportant un niveau de service équivalent, voire supérieur, les régies publiques sont toujours moins chères que des délégations au secteur privé. Enfin, alors que ces dernières sont censées donner lieu à des négociations transparentes, ces délégations au secteur privé ne sont jamais décidées dans le cadre de mises en concurrence par appel d'offres.