Le modèle de la régie doit être privilégié au regard de l'intérêt général et de l'intérêt des citoyens, puisqu'il permet d'offrir un service à un prix mesuré sur la durée.
À titre d'exemple, sous l'influence du délégataire, le SEDIF a choisi d'adopter la technologie d'osmose inverse basse pression (OIBP). Or une régie n'aurait sans doute pas fait un choix comparable. En effet, cette technologie, également utilisée pour dessaler l'eau de mer, consiste à faire transiter de l'eau sous pression à travers une membrane afin de capter toutes les particules. Au cours des dernières années, une amélioration de la qualité des membranes a permis de déployer cette technique dans le cadre de basses pressions. Le SEDIF disposera ainsi d'une eau débarrassée du chlore et du calcaire.
Le problème est que ce projet est extrêmement coûteux, puisque son coût sera sans doute compris entre 1 et 1,5 milliard d'euros et représentera environ 30 % du prix de l'eau. Surtout, ce projet impactera les services de l'eau de l'ensemble de la région parisienne. En effet, dans la mesure où l'eau pure n'est pas potable, il sera nécessaire de mélanger l'eau produite à une autre source avant d'être distribuée. Par ailleurs, cette eau très particulière pourra créer des problèmes au niveau des réseaux. Enfin, l'eau produite, dépourvue de chlore, pourra difficilement être offerte en secours à d'autres opérateurs en cas de difficulté.
De plus, cet investissement important, destiné à éliminer les micro-particules, les micro-polluants, les perturbateurs endocriniens, les pesticides et les résidus médicamenteux, engage l'avenir. Or il existe des alternatives, notamment déployées par Eau de Paris, visant à appliquer un « juste traitement » permettant d'obtenir une « juste qualité de l'eau », c'est-à-dire à ne pas dépasser certains seuils concernant la teneur en chlore ou en calcaire, au moyen de techniques traditionnelles. Ces dernières peuvent bénéficier d'amélioration, par exemple en utilisant des charbons actifs. Car, bien évidemment, l'objectif n'est pas de refuser le progrès, mais de lutter contre la « sur-technique » et la sur-qualité.
À mes yeux, ces choix ne sont pas faits par hasard. En effet, en faisant la promotion de l'OIBP, un délégataire privé privilégiera une technologie complexe et nécessitant des investissements importants afin de créer en France un équipement de référence utile à son développement international. Est-ce bien le rôle d'un service public de l'eau, alors que d'autres types d'investissements permettraient de baisser le prix de l'eau ?