Intervention de Jacques Tcheng

Réunion du jeudi 25 mars 2021 à 12h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Jacques Tcheng :

Je milite pour un changement rapide du modèle de l'eau. Le nouveau modèle devrait être plus inclusif, alors que le dispositif actuel exclut les usagers de la gouvernance et de la fixation du prix de l'eau, qui connaît de fortes variations selon les territoires.

Le futur modèle devrait ensuite promouvoir la sobriété au niveau des investissements et la durabilité au niveau des achats. Or il est actuellement prévu d'investir entre un et deux milliards en Île-de-France pour traiter une eau de parfaite qualité selon la direction générale de la santé et l'agence régionale de la santé. Ces investissements, qui généreront des investissements complémentaires, des coûts d'entretien et qui devront être renouvelés dans une vingtaine d'années, me semblent excessifs au regard de la situation économique de la France. Or dans le même temps, le syndicat concerné a différé les travaux de renouvellement du réseau dans certaines zones du territoire du Grand Paris, alors que l'investissement induit était bien moins important.

Ces éléments démontrent un problème au niveau de la gestion des priorités. En effet, les investissements programmés permettront surtout aux majors de se doter d'une vitrine technologique au niveau mondial. Le syndicat concerné vient d'ailleurs de se doter d'une section internationale. Je m'interroge concernant la légitimité de ces ambitions, alors que l'intérêt public commande de desservir au mieux un territoire. Or les ressources alimentant le Grand Paris sont gérées de manière indépendante par les opérateurs. Pire, les opérateurs publics ont adopté des comportements inspirés par les opérateurs privés. Ces travers ont été sanctionnés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a prononcé des condamnations pour abus de pouvoir ou abus de position dominante. Malheureusement, ces pratiques commerciales et techniques se poursuivent, alors même que le rapport d'inspection du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) stipulait que les changements induits par la loi NOTRe ne devait pas provoquer d'entraves à la solidarité entre territoires et, surtout, ne pas générer des dépenses inutiles.

Enfin, en matière de gouvernance, il me semble que les statuts de la métropole du Grand Paris devraient être identiques à ceux des autres métropoles. Par ailleurs, la coordination des producteurs d'eau, en vue d'une utilisation sobre, raisonnable et organisée en cas de crise. En effet, alors que les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) démontrent clairement que Paris sera impacté par les variations climatiques, il est indispensable d'améliorer la coordination et la régulation. En la matière, il convient de respecter le principe de libre administration des collectivités locales, mais en évitant que son application s'oppose à un objectif de régulation acceptable par tous. En effet, aucun élément ne justifie qu'une famille pauvre parisienne paie son eau à un prix différent de celui appliqué à une famille pauvre grenobloise.

Ma dernière proposition concerne la mission d'appui du partenariat public-privé (MAPPP), qui a pour mission de rapprocher les intérêts privés et les intérêts des collectivités locales organisatrices, et qui dans les faits contribue à renforcer la force commerciale des grands groupes. Je propose pour ma part d'élargir les missions confiées à la MAPPP, qui dépend de la direction du Trésor, à l'appui aux partenariats public-public. En effet, au sein de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), j'ai participé à la création de France Eau Publique. Cette organisation, qui repose sur la solidarité entre collectivités, est très efficace. Cependant, elle repose sur le volontariat, alors que la MAPPP, qui bénéficie du travail de fonctionnaires de la direction du Trésor de qualité, soutient les intérêts privés.

Enfin, je considère que les sociétés publiques locales (SPL) constituent un modèle pour l'avenir. En effet, ces structures ne mobilisent pas de fonds privés et permettent aux petites collectivités locales, qui ne peuvent financer le recours à de l'ingénierie privée, de porter des projets cohérents. La seule contrainte est que les SPL, qui regroupent au moins deux autorités organisatrices, afin de ne pas constituer une régie, doivent nommer un seul président, ce qui implique parfois de se doter d'une gouvernance tournante.

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