Intervention de Hervé Paul

Réunion du jeudi 1er avril 2021 à 13h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice :

Je vais commencer par le dernier point. En tant que représentants de collectivités, nous sommes spectateurs de cette manœuvre que Veolia a lancée. D'une manière générale, les collectivités voient toujours d'un mauvais œil le fait que la concurrence ne s'exerce pas. Aujourd'hui en France, trois opérateurs principaux s'imposent, dont deux qui ont une importance majeure dans le monde. Passer de deux leaders à un ne va pas dans le sens de l'exercice de la concurrence. Si la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier » a été votée, si l'obligation de raccourcir les délais des contrats et la mise en concurrence ont été votées, c'est aussi parce que la concurrence ne s'exerçait pas toujours de façon très active ou très virulente. Le fait de supprimer un opérateur ne va pas aller dans ce sens. Le risque est que face à la diminution de l'offre et de la concurrence qui s'exerce réellement pour gagner des marchés, une dérive s'installe, dans un premier temps sur l'augmentation du prix du service, dans un deuxième temps sur une perte de l'expertise et des avancées technologiques de recherche et développement (R&D). Les vicissitudes connues par la Société d'aménagement urbain et rural (SAUR) à travers ses différents fonds d'investissement ne sont pas pour les collectivités de bon augure quant à la capacité demain de Suez, en ayant été déconnecté de sa dimension internationale, à mener à bien les missions attendues. Plus l'émulation est présente, plus la recherche et la volonté de gagner des marchés est forte. Nous pouvons dire que ce n'est pas une bonne nouvelle pour le monde de l'eau et de l'assainissement.

Sur le point des propriétés, je peux évoquer le cas de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart qui est aujourd'hui en train de récupérer les installations de production du transport d'eau. C'est également le cas de la source dans les Alpes-Maritimes qui est exploitée et dont l'eau est vendue par Veolia. Ce n'est pas une grande ligne de production. Je n'ai pas de liste exhaustive de tous ces éléments. Mais ce principe même de privatiser la production d'eau et la vente à des services publics interroge le modèle de la disponibilité de l'eau. Sur Lille, cela a été le cas également. Il a fallu que la collectivité rachète les installations alors qu'elles sont bien souvent déjà amorties par le prix de l'eau.

Concernant la question des moyens d'accompagnement de l'État et notamment du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), il faut rappeler qu'auparavant, dans chaque département, des services décentralisés apportaient une expertise technique aux collectivités. Ces services n'existent plus aujourd'hui. Certains départements ont pallié la suppression de ces services en organisant des services départementaux de soutien aux collectivités. Certains départements ont même organisé des syndicats départementaux d'eau et d'assainissement pour mutualiser les moyens. Mais cette compétence eau et assainissement n'étant pas une compétence obligatoire, certains départements ont fait le choix de se désengager de ces compétences, et les services d'eau se retrouvent orphelins, sans l'appui de l'État, sans le département, sans les aides financières et cela pose des problèmes de décalage entre les différents territoires. Dans les grandes collectivités, les choses sont différentes, comme c'est le cas chez Eau d'Azur. Si vous n'avez pas un minimum d'expertise en interne pour rédiger un cahier des charges, il est difficile d'identifier vos attentes vis-à-vis du bureau d'étude. Dans ce cas, c'est le bureau d'études qui va tenir la plume de la collectivité ou des services d'eau dans les petites structures. Il pourra alors se poser la question de l'indépendance de certains bureaux d'études, notamment lors de la passation de gros marchés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.