Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du jeudi 1er avril 2021 à 13h00

Résumé de la réunion

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  • FNCCR
  • canal
  • expertise
  • métropole
  • régie
  • tarification
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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Jeudi 1er avril 2021

La séance est ouverte à treize heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de M. Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), maire de Saint–Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur, M. Daniel Belon, directeur-adjoint de la FNCCR, et M. Régis Taisne, chef du département cycle de l'eau de la FNCCR.

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Nous entamons aujourd'hui notre quatrième session d'auditions de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences.

En premier lieu, nous allons entendre les représentants de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), qui regroupent plus de 800 collectivités locales françaises qui organisent les services publics locaux en réseau : M. Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice, M. Daniel Belon, directeur-adjoint de la FNCCR, M. Régis Taisne, chef du département cycle de l'eau de la FNCCR.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.

Je vais vous passer la parole pour une intervention liminaire d'environ cinq minutes chacun, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses. Vous pouvez d'ores et déjà dans cette intervention liminaire nous expliquer quelle différence vous faites entre une gestion déléguée et une gestion en régie publique de l'eau. Vous pourrez compléter vos déclarations par écrit.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Messieurs Paul, Taisne et Belon prêtent serment.

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

La FNCCR est une association qui regroupe de nombreuses collectivités dans le domaine de l'énergie, de l'eau, du numérique et des déchets auprès des pouvoirs publics et toutes les autres parties prenantes. C'est un lieu d'échange qui a pour but de contribuer à l'amélioration du service public en assistant les collectivités par le partage d'expériences.

Les valeurs fondatrices de la FNCCR sont la solidarité territoriale, la solidarité sociale, la solidarité amont-aval sur le grand cycle de l'eau, la mutualisation des moyens, la proximité du territoire et la maîtrise d'ouvrage locale avec la décentralisation. Le but est de défendre l'intérêt général et la représentativité de la FNCCR. Cette dernière regroupe 90 % de la population dans le domaine de l'eau.

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Observez-vous que l'accompagnement au niveau de l'État est suffisant ou non pour aider les collectivités ?

Parmi les ouvrages financés par le prix de l'eau qui étaient maintenant réclamés par des acteurs privés, vous avez cité Paris et les Alpes-Maritimes. Avez-vous une liste exhaustive de ces ouvrages ou pouvez-vous nous citer ceux que vous connaissez ?

Concernant l'offre publique d'achat (OPA) de Veolia sur Suez et ses conséquences, vous êtes-vous éventuellement positionné ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Je vais commencer par le dernier point. En tant que représentants de collectivités, nous sommes spectateurs de cette manœuvre que Veolia a lancée. D'une manière générale, les collectivités voient toujours d'un mauvais œil le fait que la concurrence ne s'exerce pas. Aujourd'hui en France, trois opérateurs principaux s'imposent, dont deux qui ont une importance majeure dans le monde. Passer de deux leaders à un ne va pas dans le sens de l'exercice de la concurrence. Si la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier » a été votée, si l'obligation de raccourcir les délais des contrats et la mise en concurrence ont été votées, c'est aussi parce que la concurrence ne s'exerçait pas toujours de façon très active ou très virulente. Le fait de supprimer un opérateur ne va pas aller dans ce sens. Le risque est que face à la diminution de l'offre et de la concurrence qui s'exerce réellement pour gagner des marchés, une dérive s'installe, dans un premier temps sur l'augmentation du prix du service, dans un deuxième temps sur une perte de l'expertise et des avancées technologiques de recherche et développement (R&D). Les vicissitudes connues par la Société d'aménagement urbain et rural (SAUR) à travers ses différents fonds d'investissement ne sont pas pour les collectivités de bon augure quant à la capacité demain de Suez, en ayant été déconnecté de sa dimension internationale, à mener à bien les missions attendues. Plus l'émulation est présente, plus la recherche et la volonté de gagner des marchés est forte. Nous pouvons dire que ce n'est pas une bonne nouvelle pour le monde de l'eau et de l'assainissement.

Sur le point des propriétés, je peux évoquer le cas de la communauté d'agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart qui est aujourd'hui en train de récupérer les installations de production du transport d'eau. C'est également le cas de la source dans les Alpes-Maritimes qui est exploitée et dont l'eau est vendue par Veolia. Ce n'est pas une grande ligne de production. Je n'ai pas de liste exhaustive de tous ces éléments. Mais ce principe même de privatiser la production d'eau et la vente à des services publics interroge le modèle de la disponibilité de l'eau. Sur Lille, cela a été le cas également. Il a fallu que la collectivité rachète les installations alors qu'elles sont bien souvent déjà amorties par le prix de l'eau.

Concernant la question des moyens d'accompagnement de l'État et notamment du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), il faut rappeler qu'auparavant, dans chaque département, des services décentralisés apportaient une expertise technique aux collectivités. Ces services n'existent plus aujourd'hui. Certains départements ont pallié la suppression de ces services en organisant des services départementaux de soutien aux collectivités. Certains départements ont même organisé des syndicats départementaux d'eau et d'assainissement pour mutualiser les moyens. Mais cette compétence eau et assainissement n'étant pas une compétence obligatoire, certains départements ont fait le choix de se désengager de ces compétences, et les services d'eau se retrouvent orphelins, sans l'appui de l'État, sans le département, sans les aides financières et cela pose des problèmes de décalage entre les différents territoires. Dans les grandes collectivités, les choses sont différentes, comme c'est le cas chez Eau d'Azur. Si vous n'avez pas un minimum d'expertise en interne pour rédiger un cahier des charges, il est difficile d'identifier vos attentes vis-à-vis du bureau d'étude. Dans ce cas, c'est le bureau d'études qui va tenir la plume de la collectivité ou des services d'eau dans les petites structures. Il pourra alors se poser la question de l'indépendance de certains bureaux d'études, notamment lors de la passation de gros marchés.

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Quel est le mode de gestion le plus adapté, entre la régie ou la délégation de service public (DSP) ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Si je répondais oui ou non, je ne serais pas le représentant d'une fédération qui regroupe autant de services en délégation que de régies. Je pense que c'est aux élus de faire le choix localement en fonction de la qualité des services, des enjeux, de la volonté qu'ils ont d'organiser le service. Il n'existe pas de bon ou mauvais mode de gestion. De très bons contrats de délégation de services publics peuvent être passés si la collectivité maîtrise le sujet et contrôle le délégataire. A contrario, il existe aussi des services en régie qui dysfonctionnent parce que les moyens ne sont pas réunis. Nous avons quand même aujourd'hui de plus en plus de grandes collectivités qui ont fait le choix de passer en régie pour maîtriser la qualité du service, le prix de l'eau et les priorités dans ce service. Elles ont ainsi la main sur les investissements.

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C'est bien ce que j'avais ressenti dans vos propos. Vous avez quand même une préférence pour la régie ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

En tant que représentant de la FNCCR, je parle au nom de l'ensemble des collectivités. Maintenant je ne suis pas bicéphale. Et comme je préside moi-même le conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice Côte d'Azur, je peux vous dire pourquoi nous, nous avons fait le choix de la régie. Mais je comprends que d'autres fassent le choix de la DSP. Je ne pense pas qu'il existe une hiérarchie de valeurs entre les choix de mode de gestion. Le plus important selon moi est que la collectivité garde la maîtrise de son service et assure le contrôle de l'atteinte des objectifs qu'elle s'est fixé.

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Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de bien pouvoir contrôler le délégataire. Pourriez-vous nous indiquer ce qui dysfonctionne : données financières non intelligibles, expertise qui se perdre lors de la délégation ? Comment, en cas de délégation de services, s'assurer que le délégant garde l'expertise et la maîtrise financière et technique ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

D'abord il faut vérifier que la collectivité garde des moyens en interne pour assurer le contrôle et l'expertise de son service, puis le pilotage du contrat. Si le contrat est revu tous les 12 ans, ce n'est pas le compte annuel d'exploitation qui va permettre à la collectivité de faire des choix stratégiques. Il faut donc des moyens humains.

Parfois, il ne faut pas avoir peur de faire appel à des expertises externes comme des bureaux d'études, qui sont très performants, et possèdent des outils d'analyse. De plus, ils bénéficient souvent d'une analyse comparative par rapport à d'autres services. Il faut éviter de penser qu'en cas de délégation de service, la collectivité est tranquille jusqu'à la fin du contrat.

Pour remettre en concurrence un contrat de DSP, il est nécessaire de donner à l'ensemble des candidats potentiels les données de base du service, sinon vous donnez l'avantage au sortant, avec peu de chance d'avoir une vraie concurrence. En effet, dans l'incertitude et dans le doute, les opérateurs qui vont répondre vont prendre une marge de sécurité et rendre leur offre inopérante d'un point de vue financier.

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Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous, vous avez fait le choix de passer en régie ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Lorsque la métropole de Nice a été créée, elle a été la fusion d'une communauté urbaine et de trois communautés de communes. La volonté au moment de la création de cette métropole était d'assurer la solidarité entre les communes de montagne et la bande littorale. Évidemment pour la solidarité en eau, ce sont les communes de montagne qui alimentent en eau le littoral. En revanche, au niveau financier, c'est la bande littorale qui alimente financièrement le haut pays. La volonté première a été de reprendre la gouvernance générale de la gestion de l'eau et la maîtrise du prix de l'eau. Puis nous avons voulu mettre en place les conditions nécessaires pour assurer une meilleure solidarité entre les communes de montagne et du littoral. Et enfin, retrouver une légitimité économique pour favoriser les investissements locaux et l'emploi local. Lors de la création de la métropole, certains services avaient déménagé : pour exemple, le servie paie à Montpelier, le service clientèle à Lyon ou de l'autre côté de la Méditerranée. Nous avons voulu un service local de qualité, pour tous, au prix le plus bas possible. Cet objectif passait par la volonté de remonter le niveau de service dans le haut pays, car chaque village avait sa régie, avec parfois des coupures d'eau, des problèmes bactériologiques, du pastoralisme en montagne. Il fallait investir, installer des compteurs, supprimer des branchements et par conséquent, la métropole a investi 5 millions d'euros par an pendant six ans, soit 30 millions d'euros, alors même que les services du haut pays n'étaient pas au petit équilibre, c'est-à-dire que nous n'arrivions pas à couvrir les charges d'exploitation avec les factures d'eau. Cet investissement a servi à relever la qualité de service. Aujourd'hui, le fait d'avoir mis des compteurs, une tarification spécifique pour le haut pays (le prix de l'eau hors taxe (HT) est de 1,01 euro versus 1,41 euro sur le littoral), nous a permis de diminuer de 30 % les volumes mis en distribution. En définitive, grâce à cette solidarité, nous n'avons plus de problèmes d'alimentation en eau dans le haut pays. Un autre exemple, le 2 -3 octobre, quand la tempête Alex a dévasté le haut pays, la population recevait le lendemain des bouteilles d'eau, car la régie a mis en place des hélicoptères pour leur amener de l'eau. Dans d'autres vallées, non pourvue de l'organisation en régie, la population a attendu une semaine pour la livraison d'eau et ils ne comprenaient pas pourquoi l'État avait livré de l'eau dans nos vallées et pas dans les vallées en DSP. Tout simplement, car ce n'est pas l'État qui a livré l'eau, mais notre régie, notre système d'organisation. Au bout de 10 jours, l'eau était rétablie à 80 % pour la population sédentaire dans les vallées. Ailleurs, certains n'ont toujours pas l'eau potable. Ce n'est pas la même mutualisation ni la même solidarité qui s'exerce. En tant qu'organisateur du service, nous avons cette réactivité, cette volonté de mobiliser des moyens forts.

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En 2019, les habitants de six communes de la métropole ont appris une hausse de 84 % du prix du mètre cube d'eau qui est passé de 0,46 à 0,85 euro, que la société du canal de la rive droite du Var a justifié par le « constat d'importantes fuites dans l'ouvrage », mais également au « transfert à venir » du canal à la métropole et au rapprochement du prix de l'eau avec les tarifs de la régie. Pourquoi les réparations n'ont pas été provisionnées ? Le prix de l'eau était-il trop peu élevé ? Qui en était responsable ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Pour rappel, cette concession est une concession d'État qui a été signée en 1905 entre l'État et la société du canal de la rive droite du Var pour alimenter toute la zone de la rive droite du Var jusqu'à Saint-Laurent-du-Var et Cagnes-sur-Mer. À l'époque ces terrains avaient principalement une vocation agricole. Ce canal était un canal gravitaire qui a été géré à la petite semaine. L'eau a été envoyée sans se soucier de rénover, d'entretenir ce canal. Aujourd'hui, ce canal dessert 4 000 abonnés et les terrains autrefois agricoles, se sont peu à peu construits. Ce canal ne sert donc plus uniquement à l'irrigation, mais aussi à l'alimentation en eau potable. Le canal est conçu de telle sorte qu'il est très difficile de faire des travaux structurants. La société du canal n'a pas proposé de travaux et l'État n'a pas vérifié le fonctionnement de sa délégation. C'est un bon exemple où l'État a donné les clés à la société du canal en 1905. Puis en arrivant à la fin de la concession, il fait l'état des lieux. La situation aujourd'hui est la suivante. La société du canal pompe 6,5 millions de mètres cubes d'eau par an. 1,3 million de mètres cubes d'eau sont vendus. Cela veut dire que quand elle met 100 litres dans le canal, 20 sont facturés et 80 passent dans les fuites. Alors que la loi impose un rendement minimum de 80 %. Dans ce cas, c'est une perte minimum de 80 %.

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Vous avez indiqué que pour faciliter les contrôles, cela pourrait se faire au niveau des intercommunalités ou voire des regroupements d'intercommunalités au niveau des syndicats. Pensez-vous qu'il faudrait aller jusqu'à la création d'une agence nationale en charge du contrôle des délégations de service public ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Je suis toujours pour que le local prenne le pas sur l'organisation nationale. Les situations locales sont très différentes et l'organisation d'un système au niveau national va imposer des outils et des critères impossibles à décliner au niveau local. Il faut prévoir la formation des élus pour attirer leur attention sur les enjeux à piloter leur service d'eau et faire de la transparence. Le contrôle doit se faire au niveau local.

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Quel bilan tirez-vous des expérimentations de tarification sociale de l'eau mises en place depuis 2013 ? Soutenez-vous les dispositifs de chèque-eau, de tarification progressive, de plafonnement de la facture par rapport au revenu ? Quels sont les plus légitimes et les plus efficaces ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

L'expérimentation a été menée à son terme. Les résultats ont été présentés chaque année au Comité national de l'eau, sans grand enthousiasme à mettre en place ces mesures. Le vrai débat se situe au niveau de qui assure la solidarité et la péréquation. Soit ce sont les abonnés, qui payent leurs factures d'eau, qui doivent payer ceux qui ne la payent pas ou qui ne peuvent pas la payer, soit le service d'eau doit émettre des factures par rapport à la consommation et, quand une famille est en difficulté, c'est la solidarité qui s'exerce à l'échelle de l'impôt par le centre communal d'action sociale (CCAS), les aides de l'État… Aujourd'hui le chèque eau consiste à prélever une partie des recettes du service d'eau pour aider ceux qui ne peuvent pas payer leur facture. Finalement le prix de l'eau est augmenté pour ceux qui payent. Moi je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Les caisses d'allocations familiales (CAF) disposent de suffisamment de données pour que nous puissions, à travers les outils qu'elle développe, aussi bien apporter une aide pour le logement à travers le fonds de solidarité pour le logement (FSL). Il ne faut pas confondre tarification et solidarité pour l'accès à l'eau pour tous. Là aussi il existe des outils de tarification qui sont incitatifs. Sur la régie Eau d'Azur, nous avons choisi de mettre en place une tarification progressive. Un abonnement est en vigueur avec différents prix en fonction de la consommation. Les 60 premiers mètres cubes sont considérés comme une consommation incompressible. Dans cette tranche, le prix a été baissé de 20 % par rapport au délégataire présent auparavant. De 60 à 120 mètres cubes, nous considérons qu'il s'agit de l'eau utilisée par une famille avec une baisse sur le tarif de 10 %. Au-delà de 120 mètres cubes d'eau, le prix est majoré de 7,5 %. En définitive, le prix de la facture d'eau est réduit de 14,2 % pour les 120 mètres cubes, hors taxes et redevances, soit de 8 % de la facture toutes taxes comprises (TTC), sans diminuer les recettes du service, car l'intérêt n'est pas d'avoir l'eau la moins chère de France, comme c'est le cas de certaines DSP low cost, à bas prix, où aucun fonds financier n'est prévu pour le renouvellement des canalisations. Le prix de l'eau doit couvrir le coût d'exploitation, mais aussi le coût d'investissement pour maintenir le patrimoine en bon état ainsi que pour anticiper les adaptations aux changements climatiques. La tarification sociale et la tarification progressive sont deux choses différentes.

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Avez-vous connaissance de faits actuels, spécifiques et précis, constitutifs de financiarisation, de prédation, de corruption, que vous pourriez détailler devant la commission d'enquête ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Non pas du tout. Je n'ai aucun commentaire à faire sur ce point. Je n'ai aucune information. Si j'en avais eu connaissance, évidemment j'aurais saisi la justice.

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Pouvez-vous détailler le regard que vous portez sur les Assises de l'eau de 2018 et leurs suites ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Les Assises de l'eau se sont déroulées en deux séquences. La première était centrée sur le renouvellement des canalisations. C'était un champ très précis. Dans le deuxième cycle, tous les sujets ont été abordés. Un vrai débat s'est installé, sans tabou, avec tous les partenaires présents autour de la table (associations de consommateurs, bureaux d'études, collectivités…). Il en ressort qu'aujourd'hui les services d'eau sont face à un immense défi qui est celui de l'adaptation aux changements climatiques, de l'amélioration de la qualité du service de l'eau en métropole, mais aussi en outre-mer où le service n'est pas toujours rendu. Si les conditions de la reprise en main du pilotage des services par les élus ne sont pas réunies, le patrimoine commun (les outils de production et de distribution) et la qualité du service vont continuer à se dégrader. La protection de la ressource a été un volet important de ces Assises durant lesquelles nous avons considéré que la meilleure façon d'avoir de l'eau potable n'est pas de la traiter, mais d'arrêter de trop la polluer en amont. Un des points forts portés lors de ces Assises est que sur les aires de protection des champs captants, il fallait que le service d'eau puisse avoir un droit de préemption prioritaire sur les terrains pour garantir que l'utilisation qui sera faite de ces terrains ne vienne pas contrevenir à l'intérêt de la protection de la masse d'eau. Tout le monde abondait dans ce sens. Il y a quelques jours, ce projet a été démonté suite à une incompréhension avec les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER). Le poids des agriculteurs venus appuyer les SAFER n'a pas permis d'atteindre cet objectif. Il n'est pas question pour nous de sacraliser ou de figer ces terrains, mais de faire en sorte que l'utilisation qui en est faite ne vienne pas dégrader les masses d'eau à l'endroit même où se fera la captation en eau potable. Il semble incongru de venir jeter des engrais ou produits chimiques très puissants au point de captage de l'eau, de la pomper, puis de la traiter. Certes, cela fait du « business » pour les fabricants d'engrais, de pesticides, pour ceux qui dépolluent l'eau, mais c'est absurde. Dans la plupart des cas, cela se passe bien, mais à certains endroits, cela n'a pas pu aboutir. Et à ces endroits, nous pensons que le droit de préemption doit être mis en œuvre. Mais le projet de décret est arrêté.

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La FNCCR entend monter un club sur les économies d'eau. Quel contrôle pourrait être mis en place afin de rendre effectif la réduction des prélèvements ou de la consommation en eau ?

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Hervé Paul, vice-président référent cycle de l'eau de la FNCCR, maire de Saint-Martin-du-Var, président du conseil d'administration de la régie Eau d'Azur de la métropole de Nice

Le club des bonnes pratiques que j'anime avec tout le soutien du cycle eau de la FNCCR et avec IdealCO qui nous accompagne pour la plateforme numérique, est un lieu pour le partage des bonnes pratiques. Des tas de territoires ont mis en place des recettes qui fonctionnent. Cela pourrait servir de base modèle à suivre en fonction de son territoire.

Le club a pour vocation de réfléchir ensemble à un usage plus économe de l'eau, avec plus de sobriété sur l'eau gaspillée et non pas sur l'eau consommée. L'eau est gaspillée dans les services publics avec de mauvais rendements de réseau, et avec des abonnés qui ont des consommations inappropriées, comme c'est le cas dans l'industrie et dans l'agriculture. Il faut que tous ceux qui utilisent les masses d'eau se mettent autour de la table. Un contrôle des prélèvements existe déjà. En effet, tout prélèvement doit être déclaré ou autorisé et fait l'objet d'une obligation de comptage et d'une obligation d'acquitter une redevance prélèvement auprès des agences de l'eau. Malheureusement, l'État qui est en charge de ces contrôles ne les exerce pas avec beaucoup d'acuité et de véhémence. Partout sur le territoire national, des personnes utilisent de l'eau sans aucune déclaration, sans aucun paiement à l'agence de l'eau et lorsque les prélèvements sont mal réalisés, ils se voient la possibilité de créer une source de pollution à travers ces points de prélèvement. La nécessité que l'État assure le contrôle de ces prélèvements est un point qui a fait l'objet d'attention lors de ces Assises. Il s'agit davantage de prévention, de pédagogie, d'appropriation des enjeux que de répression punitive.

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Merci M. Paul, de vos réponses précises et précieuses pour cette commission. Je vous remercie d'avoir pris le temps de nous répondre. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé il y a quelques jours pour préparer cette audition et vous souhaite une bonne journée.

L'audition s'achève à quatorze heures.