Un mot également sur mon parcours. Les membres de la commission pourraient s'interroger sur la présence d'un bureau d'études privé au sein de l'Observatoire. Je souhaite préciser que j'ai commencé ma carrière en 1998 au ministère en charge de l'Environnement à la direction de l'eau avec pour feuille de route de répondre à des questions grandissantes à l'époque sur le prix de l'eau et avec comme livre de chevet un rapport de la Cour des comptes de 1997 sur la gestion de l'eau et de l'assainissement qui dénonçait déjà un certain nombre de dérives. Cela m'a conduit à deux reprises à intervenir devant votre Assemblée. En 2000, au cours d'une mission d'évaluation et de contrôle qui portait déjà sur le financement de la gestion de l'eau, dont le rapporteur général de l'époque était M. Didier Migaud et en 2001 sur un projet de loi portant réforme de la politique de l'eau porté par Mme Dominique Voynet et qui était l'une des premières moutures de ce qu'est devenue la loi n° 2006-1772 sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006. Depuis 2002, je suis consultant en gestion de service public sur le petit cycle de l'eau et je travaille au sein d'un cabinet qui s'interdit de travailler pour le privé. Notre mission consiste à accompagner les collectivités territoriales.
Mon rôle au sein de l'Observatoire est d'apporter un regard de praticien, puisqu'au cours de ma carrière, j'ai pu auditer et renégocier un peu plus de 200 contrats de DSP de toute taille, en métropole comme en outre-mer et notamment en Guadeloupe. Mon parcours m'a permis de mieux comprendre le modèle de la DSP et d'essayer d'en combattre les dérives. Parmi les dérives qui ont été constatées, que ce soit par les chambres régionales de comptes (CRC) ou les juges intervenus parfois sur ces contrats, je peux citer des contrats déséquilibrés, trop longs, avec trop peu d'objectifs pour des marchés essentiellement captifs avec peu de risques (le risque étant limité à des baisses de facturation ou à la gestion d'une crise), et des contrats avec trop peu de transparence de gestion. Heureusement, dans les années 1990, le législateur est intervenu à maintes reprises pour essayer de cadrer ces dérives avec la loi n) 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public dite « loi Mazeaud » et la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier ». Notons aussi la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques. Le législateur a imposé des mises en concurrence régulières. Il a limité la durée des contrats, supprimé les droits d'entrée qui généraient beaucoup de dérives également, et encadré le devenir des provisions de renouvellement du patrimoine qui malheureusement sortaient parfois du cycle de l'eau.
Le marché concurrentiel s'est certes resserré avec la disparition de certains petits opérateurs et le taux de reconduction du sortant peut être jugé trop élevé (85 à 90 %), mais localement je constate que la bataille pour le maintien de marchés existants ou la conquête de marchés nouveaux est une réalité depuis quelques années, y compris entre les trois entreprises majeures. Plus récemment, la directive européenne 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession est venue cadrer un peu plus ces procédures de remise en concurrence, avec une durée qui doit s'adapter aux investissements confiés aux délégataires avec une valeur guide de durée de contrat à cinq ans, et l'obligation pour les procédures formalisées d'avoir des critères de choix du délégataire qui soient plus précis que par le passé. Il est un peu tôt pour tirer les enseignements du nouveau texte de la directive, mais nous sommes maintenant dans un contexte de relations contractuelles qui sont plus équilibrées avec davantage de transparence et des indicateurs de suivi qui ont été normalisés, tout mode de gestion confondu. Toutefois, nous regrettons dans certains contrats de délégation, des clauses de sorties de contrat qui sont largement perfectibles pour faciliter un éventuel changement d'opérateur, que ce soit privé ou public.
J'ajouterai un mot sur la remunicipalisation des services qui a été une réponse aux abus du passé sur la DSP et quelques retours médiatiques et réussis avec une réappropriation des services par les collectivités. Ces points ont fait de la régie un concurrent sérieux et crédible à la DSP. Cette délégation a réagi et s'est beaucoup réorganisée depuis deux décennies, parfois avec un peu de casse sociale, pour essayer de rechercher des gains de productivité afin de maintenir des marges malgré une pression concurrentielle évoquée.
Pour une bonne délégation, il faut un bon délégant. La collectivité doit définir des objectifs, des besoins, les négocier et surtout les contrôler. Prendre acte une fois par an des informations dans le rapport annuel des délégataires est la seule obligation inscrite au code général des collectivités territoriales (CGCT), mais ce n'est pas suffisant. Dans les comptes rendus annuels des résultats d'exploitation, seule apparaît une vision globale de l'économie du contrat avec des méthodes de répartition des charges qui sont propres à l'entreprise. Pour comprendre les coûts, la construction du prix, il faut investiguer davantage la comptabilité.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur la pratique des avenants sur lesquels il faut rester vigilant puisqu'ils peuvent être une source de rattrapage des prix. La directive du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession a là aussi cadré un peu plus les possibilités, ce qui me semble être une bonne chose.
Un mot sur le rapport prix et qualité de services qui oblige toutes les collectivités à se pencher une fois par an au moins sur la gestion de leur service, tout mode de gestion confondu, avec des indicateurs supplémentaires sur l'investissement et la dette. Malheureusement, je constate que ces rapports sont assez peu consultés. De même, la commission de suivi financier prévue dans le CGCT à l'article R. 2222-1, dès lors que vous avez un contrat de DSP avec certains volumes de recettes, est très faiblement mise en place.
Enfin, un mot de gouvernance sur les commissions consultatives des services publics locaux. À part dans des contextes très particuliers, suite à un scandale ou à un problème de pollution, je constate à mon échelle que beaucoup de collectivités ont du mal à mobiliser des associations d'usagers ou de citoyens autour de ces thématiques d'eau potable.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions sur le financement de l'eau, la tarification ou les questions d'impayé.