Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du jeudi 1er avril 2021 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • DSP
  • assainissement
  • délégataire
  • observatoire
  • régie
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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Jeudi 1er avril 2021

La séance est ouverte à quatorze heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition des auteurs de l'enquête de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement – Impacts des procédures de mise en concurrence dites « loi Sapin » : M. Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité, Mme Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / unité mixte de recherche Gestion de l'eau, acteurs, usages et M. Cédric Duchesne, consultant chez A Propos.

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Nous poursuivons nos auditions en entendant les auteurs de l'enquête de l'Observatoire des services publics d'eau et d'assainissement intitulé Impacts des procédures de mise en concurrence dites « loi Sapin » : M. Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité ; Mme Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / unité mixte de recherche (UMR) G-EAU – vous nous avez également fait savoir que vous animez le programme de recherche de la chaire Eau pour tous, co-financée par Suez et l'Agence française de développement (AFD) ; et M. Cédric Duchesne, consultant chez A Propos.

Madame, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.

Je vais vous passer la parole pour une présentation liminaire de votre rapport, d'une quinzaine de minutes, qui précédera notre échange sous forme de questions et réponses.

Je vous remercie également de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.

Auparavant, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, Madame, Messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Madame Colon et Messieurs Brejoux et Duchesne prêtent serment.

Je vous remercie, vous avez la parole.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

En préambule, je souhaite préciser que pendant une vingtaine d'années, j'ai travaillé au contact des collectivités locales en ingénierie publique dans des services déconcentrés du ministère de l'Agriculture, dont je suis issu. J'ai particulièrement assisté pendant huit ans des collectivités dans la dévolution de délégation de contrat de service public.

Le décret n° 2019-1580 du 31 décembre 2019 a créé l'OFB, mais lui a aussi demandé de reprendre les missions précédemment exercées par l'Agence française pour la biodiversité (AFB), dont celles de l'ancien l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) au titre de la coordination et de l'animation technique du système d'information sur l'eau dans lequel se trouve un dispositif particulier appelé le système d'information des services publics de l'eau et d'assainissement (SISPEA). Un observatoire des services publics d'eau et d'assainissement avait été mis en place à l'Onema, visant trois objectifs : la transparence des données auprès de tous et notamment les usagers, la performance des services et apporter un appui aux politiques de l'eau. Deux outils phares permettent d'atteindre ces objectifs : la base de données nationale SISPEA et l'Observatoire « loi Sapin ». Une réflexion est en cours sur la façon de faire converger ces outils.

La délégation de service public a été renommée « concession » depuis une ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession. Un contrat de concession de service est un contrat par lequel une ou plusieurs autorités concédantes soumises au présent code des commandes publiques confient la gestion d'un service à un ou plusieurs opérateurs économiques, à qui est transféré le risque lié à l'exploitation du service, en contrepartie du droit d'exploiter le service, assorti d'un prix à l'usager. L'exploitant doit gérer le risque économique et technique. La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché. Dans certains contrats, il est dévolu au concessionnaire le droit de construire des ouvrages nécessaires au fonctionnement de service. Les coûts de construction et d'exploitation dans le cadre du contrat vont être supportés par l'usager.

La loi dite « loi Sapin » est la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Cet Observatoire « loi Sapin » est une action qui n'est pas réglementaire ; aucun texte ne demande de réaliser cette mission. C'est un attribut de plus dans l'Observatoire monté au sein de l'OFB pour pouvoir acquérir de la connaissance autour des services d'eau et d'assainissement. Cet Observatoire a débuté ses travaux à la fin des années 2000. C'était une bonne occasion d'observer les conséquences de cette loi sur la façon dont les contrats étaient conclus. La démarche a été initiée en 1999. Nous disposons aujourd'hui d'une chronique de vingt années investiguées de 1998 à 2017. Au départ, il était sous la responsabilité du ministère de l'Environnement qui avait confié cette mission au laboratoire de gestion de l'eau et de l'assainissement (GEA) de l'École nationale du génie rural, des eaux et des forêts (ENGREF). En 2005-2006, le ministère a choisi TNS-SOFRES, sous forme d'un marché public, pour cette prestation d'observatoire. Par la suite, elle est revenue à l'Onema, puis à l'AFB et enfin à l'OFB. Lorsqu'elle relevait de l'Onema, nous avons contracté avec AgroParisTech pour être appuyés dans cette démarche. Cet Observatoire est macroscopique. Il s'intéresse à tout ce qui se passe à l'échelle de la France. Ce n'est pas un outil fin de connaissance des contrats. Il déduit des résultats statistiques et des tendances. Le délai entre le moment où les données sont publiées et celui où les données sont collectées est de deux ans et demi.

Les services publics d'eau et d'assainissement sont des services des collectivités locales. 18 000 autorités organisatrices ont compétence pour l'eau ou l'assainissement, collectifs ou non collectifs. Ce sont 29 500 services dont 12 000 en eau potable, 14 500 en assainissement collectif et 3 000 en assainissement non collectif. Parmi ces 30 000 services, 7 200 sont des concessions de services.

L'Observatoire s'intéresse aux services qui distribuent l'eau ou qui collectent l'assainissement collectif, derrière lesquels les usagers sont des clients directs des gestionnaires délégataires. Nous avons une vision exhaustive de toutes les délégations de services publics qui sont publiées sur une année. Cela fluctue entre 450 et 750 procédures scrutées chaque année. Sont exclues les procédures non abouties où la collectivité décide finalement de revenir en régie, ainsi que tous les marchés de prestations de services qui ressemblent à des délégations de service public (DSP), mais qui n'en sont pas dans la mesure où il n'y a pas de responsabilité forte du délégataire. Le retour aux questionnaires est de 20 à 25 % de réponses complètes et exploitables.

Le questionnaire papier est maintenant en ligne pour faciliter la saisie par les collectivités. Les questions sont assez réduites, mais stables. C'est la condition pour se faire une idée sur vingt ans du champ des questions posées. L'enquête interroge sur le nombre de candidats pour la procédure lancée par une collectivité, le nombre d'offres, la durée de l'ancien contrat qui va être renouvelé et du nouveau contrat qui est passé avec le délégataire, les tarifs aux usagers avant et après la procédure et le recours ou non à un conseil pour le suivi de cette procédure et son coût.

L'Observatoire peut restituer des courbes interannuelles, avec vingt ans de recul, du nombre de procédures par an, des courbes qui indiquent la durée des contrats avant et après la procédure, des informations sur la rémunération des délégataires avant/après, et l'évolution sur le nombre de candidats et d'offres.

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

Je souhaite préciser que, tout comme mon collègue Eric Brejoux, je suis aussi un ancien agent des services de l'ingénierie publique de l'État, en tant qu'assistante à maîtrise d'ouvrage pour appuyer les collectivités dans leurs DSP.

Je souhaitais mettre en lumière quatre résultats principaux tirés de ce qui fait la force de cet Observatoire, à savoir les vingt ans de données cumulées sur les procédures.

Premier résultat : la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », a contribué à créer les conditions pour les réajustements plus fréquents des prix et des niveaux de services. La durée des contrats tend à diminuer au fil des années.

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Deuxième résultat : les procédures de DSP ont stimulé la concurrence, mais de manière inégale. Globalement sur vingt ans, la part moyenne revenant aux délégataires, pondérée au volume, a baissé d'environ 14 %. Mais ce chiffre masque de grandes disparités entre des territoires et des services assez attractifs et d'autres qui le sont moins et qui ne reçoivent qu'une offre. Par ailleurs, la baisse de la part du délégataire permet aux collectivités d'ajuster leur part pour dégager une marge pour l'investissement.

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Troisième résultat : au fil des années, l'oligopole – Veolia, Suez et Société d'aménagement urbain et rural (Saur) – a été renforcé et de moins en moins d'indépendants arrivent à décrocher un contrat. Nous constatons encore un net avantage au sortant, avec une fois sur dix, un changement de délégataire à l'issue de la procédure de DSP.

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Quatrième résultat : la pratique d'apporter des critères de performances assorties de pénalités semble se généraliser dans les contrats. Le visage de l'assistance à maîtrise d'ouvrage a nettement changé. En 1998, 90 % des collectivités se faisaient appuyer par un assistant à maîtrise d'ouvrage issu des services de l'ingénierie de l'État. Aujourd'hui, seules 6 % des collectivités, et en majorité de petites collectivités, se font accompagner par un conseil public qui est représenté par les assistants techniques départementales.

Je souhaitais souligner quelques points de vigilance. L'Observatoire a été fragilisé par la disparition de l'ingénierie publique de l'État qui nous appuyait grandement pour améliorer la qualité d'échantillons à étudier. Aujourd'hui, l'observation se limite à 20 % des procédures. Ce fait nous amène à être prudents sur nos dires et nos conclusions. Cet Observatoire a des limites dans les conclusions tirées. Il ne dit rien de l'évolution des contenus des contrats, ni de l'évolution de la qualité du service, ni du lien entre concurrence prix et performance, ni de l'évolution de la part délégataire le long de la vie du contrat. Enfin la pérennité de l'Observatoire nous paraît représenter un problème puisqu'il n'a jamais été institutionnalisé. Il ne perdure que parce que leurs pilotes sont convaincus de l'intérêt public de cet outil. Il n'a jamais été rattaché de manière formelle à SISPEA et il nous semblerait judicieux, dans le cadre des réflexions qui sont menées suite aux Assises de l'eau de 2018 sur le SISPEA, que cet état soit remédié. Il s'agirait également de savoir ce que les politiques veulent faire de ces outils et systèmes d'informations et à quelle question ces outils doivent répondre. Je passe la parole à Cédric Duchesne qui nous appuie dans cette mission pour un développement plus général.

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Un mot également sur mon parcours. Les membres de la commission pourraient s'interroger sur la présence d'un bureau d'études privé au sein de l'Observatoire. Je souhaite préciser que j'ai commencé ma carrière en 1998 au ministère en charge de l'Environnement à la direction de l'eau avec pour feuille de route de répondre à des questions grandissantes à l'époque sur le prix de l'eau et avec comme livre de chevet un rapport de la Cour des comptes de 1997 sur la gestion de l'eau et de l'assainissement qui dénonçait déjà un certain nombre de dérives. Cela m'a conduit à deux reprises à intervenir devant votre Assemblée. En 2000, au cours d'une mission d'évaluation et de contrôle qui portait déjà sur le financement de la gestion de l'eau, dont le rapporteur général de l'époque était M. Didier Migaud et en 2001 sur un projet de loi portant réforme de la politique de l'eau porté par Mme Dominique Voynet et qui était l'une des premières moutures de ce qu'est devenue la loi n° 2006-1772 sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006. Depuis 2002, je suis consultant en gestion de service public sur le petit cycle de l'eau et je travaille au sein d'un cabinet qui s'interdit de travailler pour le privé. Notre mission consiste à accompagner les collectivités territoriales.

Mon rôle au sein de l'Observatoire est d'apporter un regard de praticien, puisqu'au cours de ma carrière, j'ai pu auditer et renégocier un peu plus de 200 contrats de DSP de toute taille, en métropole comme en outre-mer et notamment en Guadeloupe. Mon parcours m'a permis de mieux comprendre le modèle de la DSP et d'essayer d'en combattre les dérives. Parmi les dérives qui ont été constatées, que ce soit par les chambres régionales de comptes (CRC) ou les juges intervenus parfois sur ces contrats, je peux citer des contrats déséquilibrés, trop longs, avec trop peu d'objectifs pour des marchés essentiellement captifs avec peu de risques (le risque étant limité à des baisses de facturation ou à la gestion d'une crise), et des contrats avec trop peu de transparence de gestion. Heureusement, dans les années 1990, le législateur est intervenu à maintes reprises pour essayer de cadrer ces dérives avec la loi n) 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », la loi n° 95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public dite « loi Mazeaud » et la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier ». Notons aussi la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques. Le législateur a imposé des mises en concurrence régulières. Il a limité la durée des contrats, supprimé les droits d'entrée qui généraient beaucoup de dérives également, et encadré le devenir des provisions de renouvellement du patrimoine qui malheureusement sortaient parfois du cycle de l'eau.

Le marché concurrentiel s'est certes resserré avec la disparition de certains petits opérateurs et le taux de reconduction du sortant peut être jugé trop élevé (85 à 90 %), mais localement je constate que la bataille pour le maintien de marchés existants ou la conquête de marchés nouveaux est une réalité depuis quelques années, y compris entre les trois entreprises majeures. Plus récemment, la directive européenne 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession est venue cadrer un peu plus ces procédures de remise en concurrence, avec une durée qui doit s'adapter aux investissements confiés aux délégataires avec une valeur guide de durée de contrat à cinq ans, et l'obligation pour les procédures formalisées d'avoir des critères de choix du délégataire qui soient plus précis que par le passé. Il est un peu tôt pour tirer les enseignements du nouveau texte de la directive, mais nous sommes maintenant dans un contexte de relations contractuelles qui sont plus équilibrées avec davantage de transparence et des indicateurs de suivi qui ont été normalisés, tout mode de gestion confondu. Toutefois, nous regrettons dans certains contrats de délégation, des clauses de sorties de contrat qui sont largement perfectibles pour faciliter un éventuel changement d'opérateur, que ce soit privé ou public.

J'ajouterai un mot sur la remunicipalisation des services qui a été une réponse aux abus du passé sur la DSP et quelques retours médiatiques et réussis avec une réappropriation des services par les collectivités. Ces points ont fait de la régie un concurrent sérieux et crédible à la DSP. Cette délégation a réagi et s'est beaucoup réorganisée depuis deux décennies, parfois avec un peu de casse sociale, pour essayer de rechercher des gains de productivité afin de maintenir des marges malgré une pression concurrentielle évoquée.

Pour une bonne délégation, il faut un bon délégant. La collectivité doit définir des objectifs, des besoins, les négocier et surtout les contrôler. Prendre acte une fois par an des informations dans le rapport annuel des délégataires est la seule obligation inscrite au code général des collectivités territoriales (CGCT), mais ce n'est pas suffisant. Dans les comptes rendus annuels des résultats d'exploitation, seule apparaît une vision globale de l'économie du contrat avec des méthodes de répartition des charges qui sont propres à l'entreprise. Pour comprendre les coûts, la construction du prix, il faut investiguer davantage la comptabilité.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur la pratique des avenants sur lesquels il faut rester vigilant puisqu'ils peuvent être une source de rattrapage des prix. La directive du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession a là aussi cadré un peu plus les possibilités, ce qui me semble être une bonne chose.

Un mot sur le rapport prix et qualité de services qui oblige toutes les collectivités à se pencher une fois par an au moins sur la gestion de leur service, tout mode de gestion confondu, avec des indicateurs supplémentaires sur l'investissement et la dette. Malheureusement, je constate que ces rapports sont assez peu consultés. De même, la commission de suivi financier prévue dans le CGCT à l'article R. 2222-1, dès lors que vous avez un contrat de DSP avec certains volumes de recettes, est très faiblement mise en place.

Enfin, un mot de gouvernance sur les commissions consultatives des services publics locaux. À part dans des contextes très particuliers, suite à un scandale ou à un problème de pollution, je constate à mon échelle que beaucoup de collectivités ont du mal à mobiliser des associations d'usagers ou de citoyens autour de ces thématiques d'eau potable.

Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions sur le financement de l'eau, la tarification ou les questions d'impayé.

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Pour vous faire réagir, je voudrais vous citer une phrase de Marc Laimé, journaliste et sociologue qui s'intéresse beaucoup aux questions de l'eau : « La "loi Sapin" est l'instrument d'appropriation des marchés publics par le privé à hauteur de 100 milliards d'euros par an, tous secteurs confondus. » Que pensez-vous de cette phrase ? Avez-vous une idée du montant financier de ces marchés ?

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

L'esprit de la loi Sapin, à l'époque était de combattre les dérives évoquées par Cédric Duchesne, à savoir des dérives en termes de pratiques pour la dévolution de ces contrats. C'est quand même mieux d'avoir une procédure bien cadrée, qui fixe les choses, qui impose des critères de jugement que de ne rien avoir comme cela a été le cas pendant des décennies. Le cadre de cette loi a fait progresser le secteur. Elle a été remaniée à plusieurs reprises dans le bon sens.

Concernant le montant, je n'ai pas d'éléments et cela dépend de ce qui est pris en compte. Un délégataire encaisse pour le compte de la collectivité dans le cadre de ses contrats. Cela dépend donc de la notion du chiffre d'affaires, du résultat brut ou net, ou de la part spécifique pour le délégataire.

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Étudiez-vous les cas de passage de DSP en régie ? Quelles sont vos conclusions ? Étudiez-vous les cas de passage de régie en DSP ? Les raisons de passage d'un modèle à l'autre sont-elles analysées ?

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Je vais répondre au nom de l'observatoire et du dispositif SISPEA. Malheureusement, ce genre de questions est d'un niveau trop fin. Nous gérons une échelle macroscopique et nous ne sommes pas capables au cas par cas de pouvoir répondre. Peut-être Cédric Duchesne pourrait-il mieux répondre que moi sur ce sujet ?

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Effectivement, ce n'est pas suivi au niveau de l'Observatoire. De mon expérience, j'ai pu assister à la fin de contrats de délégation et au montage de services qui ont fait ce choix de revenir à internaliser la gestion du service. Comme je l'évoquais, il s'agira principalement de négocier cette condition avec des contrats un peu flous sur ces clauses de sortie de contrat. Cela nécessite de rédiger des avenants de sortie ou des protocoles de sortie pour vérifier que les engagements sont bien tenus, que le personnel adéquat est récupéré et protégé par le code du travail. Les premières expériences ont été très douloureuses, mais les délégataires se plient à l'exercice suite aux expériences passées.

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Monsieur Duchesne, vous avez parlé de votre expérience à la Guadeloupe. Pouvez-vous nous en dire plus ? Peut-être dans le cadre de délégataire à régie ou d'autres expériences.

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Je suis intervenu en Guadeloupe en tant que conseil de trois collectivités entre 2011 et 2019. Tout d'abord pour contrôler la Compagnie générale des eaux de Guadeloupe, filiale de Veolia, pour le Syndicat Nord Grande-Terre, contrat de délégation qui a été transféré à la communauté d'agglomération Nord Grande Terre, qui à la fin des contrats a fait le choix de créer une régie. Je suis intervenu plus récemment pour la communauté d'agglomération du Nord Basse-Terre pour assister à la fin des derniers contrats de délégation qui existaient encore sur l'île, et pour négocier les intérêts de la collectivité sans que le délégataire ne parte sans remplir ses obligations. À mon sens, il voulait partir un peu vite en laissant les clés du service à la collectivité. J'ai œuvré pour le retenir un maximum et surtout obtenir des moyens financiers importants pour que le service puisse continuer à être assuré. J'ai déploré pendant ces huit années, d'année en année, une dégradation du service avec des problématiques de dégradation de la continuité de service et une montée en puissance des impayés.

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À votre avis, à quoi est due cette dégradation durant les huit ans de votre observation ?

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

De nombreux facteurs expliquent cette dégradation. Parmi eux, nous pouvons noter le prix de l'eau, le manque de moyens pour renouveler le patrimoine, des charges de fonctionnement assez élevées, des fuites de tuyaux non réparées. Il faut savoir que sur un mètre cube en entrée, seule une faible partie est distribuée au robinet, d'où une problématique de tours d'eau qui a généré un consentement à payer de plus en plus difficile de la part de l'usager. Le délégataire qui avait le monopole à l'époque a également sa part de responsabilité, car avec son changement de logiciel de facturation, les factures n'ont pas été émises en temps et en heure, faisant entrer les usagers dans un cycle infernal.

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Mme Colon, souhaitez-vous compléter la réponse ?

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

Concernant le passage d'un mode de gestion à un autre, l'Observatoire s'est posé effectivement la question. Malheureusement, nous sommes confrontés à des problèmes méthodologiques, car dès l'origine de l'Observatoire, le choix a été fait de n'étudier que l'effet de la procédure sur la base d'un contrat qui vient à échéance et est renouvelé. En revanche, il est possible de conduire des études complémentaires pour investiguer, car c'est un sujet intéressant. Je précise que nous lançons des travaux sur la création de nouvelles régies, la mise en place d'outils de pilotage des régies. À travers cela, nous observons les processus de construction des régies, les différences entre gestion privée et gestion publique, les apports et les objectifs. Ces nouvelles régies sont pluriculturelles avec des agents issus du privé ou d'autres collectivités. Il est intéressant de se pencher sur ces nouveaux acteurs, d'analyser ces formes hybrides qui commencent à poindre comme les sociétés publiques locales et les société d'économie mixte à opération unique (SEMOP) et d'essayer de comprendre ce que cela peut apporter comme opportunités aux collectivités.

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Pouvez-vous nous en dire plus sur ces formes hybrides ? Pensez-vous que ce soit la solution ou est-ce des cas isolés ?

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

Pour l'instant, il me semble que ce sont des options qui restent marginales. Je n'ai pas lu d'étude ni conduit de recherche sur ce sujet. Je n'aurais pas d'avis tranché, mais c'est un sujet à investiguer. Ce sont des formes d'organisation qui sont plus courantes dans d'autres pays comme l'Allemagne où cela semble fonctionner. L'enjeu est de trouver des formes d'organisation qui conviennent à notre contexte institutionnel, et cela serait intéressant de tirer des conclusions de ces expériences.

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Étudiez-vous les avenants en cours de marché ? Remettent-ils en cause l'équilibre économique de l'offre initiale ?

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Pas dans le cadre de l'Observatoire, puisque nous intervenons uniquement à l'échéance des contrats. Avec mon expérience de terrain, la pratique de l'avenant peut être une source de dérive mais la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession est venue encadrer les possibilités. Il faut prouver que la modification n'est pas substantielle.

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Faut-il mieux encadrer, et de quelle manière, les procédures de passation des contrats de concession, des contrats d'affermage, des contrats de régie intéressée et des avenants aux contrats initiaux ?

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Eric Brejoux

La chose la plus importante est la prise de conscience des collectivités. Les outils sont effectifs et l'encadrement est bien stabilisé. Il faut qu'en amont les collectivités se saisissent du sujet. Mon rôle pour le compte des collectivités a été de leur donner les éléments pour appréhender le sujet pour qu'elle soit motrice et actrice de leur propre destin. Chaque élu a sa façon d'appréhender les choses. Il est essentiel, dans le rapport de force, que les collectivités reprennent le sujet et montrent aux potentiels candidats qu'elles sont les autorités organisatrices.

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Vous constatez le recours quasi généralisé au conseil privé dans ces procédures. Avez-vous l'occasion d'analyser ce marché ? Le secteur du conseil aux collectivités est-il sain et indépendant des prestataires ?

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

Avec la disparition de l'ingénierie publique, une offre d'ingénierie privée s'est largement développée. C'est un marché foisonnant avec une qualité d'offres assez variables. En ce qui concerne l'indépendance et la qualité des prestations, ce n'est pas quelque chose qui a été étudié. L'Observatoire ne permet pas de le dire. Pourtant, c'est un point clé dans la réussite et la bonne gestion des relations avec le privé. Il est fondamental d'avoir des collectivités qui sont en mesure de savoir définir leurs besoins, savoir conduire des procédures avec un minimum d'expertise. La loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », visait à créer des collectivités qui atteignent une taille permettant de se doter de compétences techniques. La taille n'est pas le seul critère, mais contribue à la capacité à être un territoire attractif pour attirer des compétences. J'ai l'impression que, depuis ces dernières années, les collectivités se saisissent de plus en plus de ce sujet de DSP en faisant moins confiance et en exigeant plus de transparence. Les collectivités sont plus regardantes et prennent plus au sérieux ce rôle de contrôle. Même si des progrès restent à faire sur certains territoires. L'enjeu clé est d'arriver à trouve le moyen de développer cette expertise au sein des collectivités.

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Le prix moyen de l'eau a augmenté plus rapidement que l'indice des prix à la consommation : 6,6 % entre 2012 et 2017 contre 3 % pour les prix à la consommation. Dans cette évolution du prix de l'eau, quels sont selon vous les principaux facteurs explicatifs ?

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

Ils sont très nombreux. Il faut comprendre que le prix de l'eau comprend la part des collectivités et la part qui revient au délégataire quand on est dans le cadre d'un service délégué. L'évolution des prix dans un contrat est prévue, avec une formule d'actualisation qui permet de faire en sorte qu'une partie de la rémunération du délégataire varie en fonction de l'inflation. Des avenants peuvent également conduire à une augmentation de la part délégataire allant au-delà de l'inflation. Si un avenant est proposé, c'est à cause d'un changement dans le périmètre de la mission confiée au délégataire. Quant à la part collectivité, elle a toute latitude, au fil des années, lors du vote du budget, de proposer une augmentation de tarif qui va suivre ses besoins en investissement. Des augmentations de tarifs peuvent être provoquées par une politique d'investissement renouvelée au sein de la collectivité.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

J'ai eu l'occasion de participer activement à la première phase des Assises de l'eau sur la problématique de renouvellement des réseaux d'eau et d'assainissement. Les conclusions soulignaient les besoins en investissements et les moyens pour y faire face. L'un des exercices était de trouver les moyens d'abonder ce budget de l'eau, mais inévitablement, au niveau des collectivités, vient le recours à l'augmentation du tarif pour couvrir tout ou partie de ce mur d'investissements qui s'impose à elle du fait d'un réseau mal entretenu. Le risque est d'arriver, dans dix ou quinze ans, à une catastrophe patrimoniale.

Pour l'assainissement, l'augmentation peut s'expliquer de façon objective. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est passée de 5 à 10 % d'un coup. Nécessairement, le prix de l'eau a augmenté de 5 %. Les enquêtes SISPEA ont retrouvé cet impact de l'augmentation de la TVA lors des bilans des tarifs de l'eau sur une base de 120 mètres cubes.

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En dehors des besoins d'investissement en infrastructures, notamment pour l'assainissement, la recherche de profits des entreprises du secteur joue-t-elle un rôle significatif selon vous dans l'augmentation des prix ? Les délégations à des acteurs privés ne conduisent-elles pas à augmenter le prix de l'eau, davantage que dans le cadre d'une régie ?

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

À travers l'Observatoire, la tendance est à la diminution des parts délégataires à l'issue des procédures. Année après année, les délégataires ont plutôt rogné sur leur marge pour pouvoir remporter des contrats. Malgré cette quête de profit structurelle, nous observons que sur les tarifs, face à la concurrence entre opérateurs et le modèle de la régie qui est de plus en plus crédible, les opérateurs se doivent de rester compétitifs. Ils savent que les collectivités vont être de plus en plus enclines à aller vers ce modèle si elles étaient déçues par leur opérateur. Une stratégie des opérateurs se met en place pour s'aligner au niveau des offres qu'ils proposent aux collectivités.

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Étudiez-vous l'état des réseaux en fin de contrat ?

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

À l'échéance du contrat, s'agissant de réseaux enterrés, les investigations sont difficiles au-delà des indicateurs qui vont être publiés dans les rapports du délégataire. Il est quand même possible de suivre des éléments techniques sur le nombre de réparations, de fuites qui ont pu arriver et sur les moyens qui ont été alloués. Si le contrat a bien été suivi pendant toutes les années de son exécution, la collectivité est bien plus outillée pour savoir dans quel état elle va récupérer le patrimoine en fin de contrat. Cela n'empêche pas, à l'échéance, de demander des investigations complémentaires, de demander des comptes et éventuellement la restitution de sommes provisionnées pour l'entretien de ce patrimoine si elles n'ont pas été affectées à cela.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Depuis 2012, les collectivités ont l'obligation de mettre en place un descriptif détaillé des réseaux. Ce dernier est matérialisé par un indicateur présent dans le dispositif SISPEA. Dans les observations faites année après année, ce descriptif traduit la matérialisation de la connaissance des réseaux sur divers aspects techniques (taille, diamètre, positionnement, etc.). Cette connaissance s'améliore, que ce soit pour les régies ou les DSP. Si le descriptif détaillé n'est pas formalisé, si l'indicateur est en dessous d'un certain seuil, l'agence de l'eau peut appliquer une pénalité financière. C'est un moteur, mais cela ne pourrait justifier un prix de l'eau plus élevé que le cours de la vie. Les collectivités ont pris conscience que le premier pas à franchir pour faire en sorte que les réseaux soient pérennes est d'abord d'en avoir une connaissance.

Je réponds sur votre question précédente concernant le passage de DSP à régie et vice et versa. L'Observatoire « loi Sapin » ne permet pas en effet d'observer cela, car nous sommes dans la continuité de contrat de délégation. En revanche, notre outil SISPEA nous a conduits en 2015 – ce point figure dans le rapport national consultable sur le site du SISPEA – à observer le passage régie/délégation ou délégation/régie. Nous avons dénombré les contrats passés avec des collectivités, regardé le nombre de contrats passant de délégation à régie et de régie à délégation, en distinguant l'eau potable, l'assainissement, et l'assainissement non collectif. La conclusion est que nous n'observons pas de tendance forte. Les contrats sont assez équilibrés, même si une légère tendance est au basculement des régies vers les DSP. Mais ce n'est pas une lame de fond.

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A-t-on une idée des conditions financières de fin des contrats ? Qu'advient-il des provisions pour investissements faites ? Les pénalités concernant l'état de remise des installations et informations utiles à la gestion sont-elles appliquées ?

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

C'est du cas par cas. Il suffit que le contrat soit bien ficelé, que les engagements soient précis, que le tableau d'exploitation prévisionnel soit établi, avec des tableaux d'amortissement sur des investissements confiés aux délégataires. Évidemment s'ils n'ont été réalisés, il faut demander des comptes et la restitution des provisions. Grâce à la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, ce programme de renouvellement est suivi annuellement. Les collectivités se doivent de demander la restitution et éventuellement l'application de pénalités si le contrat le prévoit. Cela doit être la norme. C'est une volonté politique de donner les moyens de bien contrôler la fin de contrat.

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Certaines auditions ont fait apparaître que, dans le cadre d'une délégation, les durées d'amortissement se fondant sur la durée du contrat, parfois 20 ans, alors même que la durée de vie du matériel est plus longue, pouvaient perturber les capacités dans le cadre des DSP au renouvellement des investissements, alors que sur la régie, la durée des amortissements était sur une plus longue période, correspondant à la durée de vie des investissements réalisés. Avez-vous observé ce phénomène ?

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

La règle est d'amortir les investissements confiés au délégataire sur la durée du contrat. La tendance est à la réappropriation de tout ce volet investissement patrimonial par les collectivités, même celles en DSP. Les contrats d'exploitation confiés à ce jour ne prévoient qu'exceptionnellement des investissements au délégataire. Les collectivités se réapproprient le renouvellement des réseaux. Les investissements peuvent concerner la mise en place des télérelevés des compteurs. Ils s'amortissent bien sur un contrat relativement court. Je ne vois pas de dérive potentielle par rapport à ce volet d'investissement.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Avec la limitation des DSP à un maximum de 20 ans, les collectivités ont pris conscience qu'il était préférable de reprendre à leur compte les investissements et de laisser dans le cadre de la DSP, la seule exploitation à l'exploitant.

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Confier l'investissement au délégataire sera toujours un surcoût. Le taux de financement par ces entreprises des investissements que vous leur confiez se négocie autour de 3 à 5 %. Une collectivité qui va voir son banquier aura un taux bien préférable à ces taux. Le délégataire pousse à ces investissements en vous garantissant surtout un calendrier d'exécution et un certain confort, mais il faut savoir que le surcoût est manifeste.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

En outre, les collectivités ont des financements publics dont les délégataires ne bénéficient pas. Comptablement, les collectivités peuvent amortir leurs subventions. Ces mécanismes ont donc vocation à réduire le prix de l'eau, même si le renouvellement de l'équipement est toujours à prévoir, mais cette échéance peut être dans une dizaine d'années dès lors qu'il s'agit de gros ouvrages.

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Vous conseillez très largement aux délégants de garder systématiquement les investissements de plus de 20 ans ?

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Je suis à l'OFB. Ce n'est pas ma vocation de conseiller. Mon collègue Cédric Duchesne, prestataire privé pour le compte de collectivités, sera plus apte à répondre. Objectivement, l'intérêt pour les collectivités est évident. Mais je ne suis pas dans un rôle de conseil.

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Je confirme que ma préconisation envers les collectivités est de se réapproprier ce volet patrimonial et d'investissement, de gérer avec ses propres ressources financières, accès aux subventions et comptabilité publique pour éviter les dérives.

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Avez-vous d'autres observations à formuler ou des documents à transmettre à la commission d'enquête concernant vos travaux ?

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

J'ai une observation sur les redevances pour prélèvements des agences de l'eau. Elles votent un taux sur les mètres cubes prélevés selon la nature du milieu et l'usage fait. Je constate des dérives par rapport à cette redevance appliquée sur la facture de l'usager faute de cadrage par le législateur ou la réglementation. Les pratiques sont diverses. La technique des opérateurs est de tenir compte du rendement des réseaux et des impayés pour appliquer un taux supérieur au taux voté par l'agence pour être certain de récupérer les montants qui seront reversés à l'agence de l'eau. Mais sans autre forme de contrôle, j'ai pu constater quelques dérives par le passé. Cela mériterait sans doute d'être mieux encadré.

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

Je souhaitais revenir sur cette idée que l'Observatoire constitue un outil pertinent et que le développement des systèmes d'information sur l'eau nous permettra de mieux éclairer les politiques sur l'impact de choix de gestion. J'insiste sur le fait de réfléchir au devenir de ses outils et au fait de veiller à leur maintien. À l'origine, à la fin des années 1990, ces outils avaient été pensés à l'époque où une réflexion politique sur la régulation du secteur était en cours. Il me semble qu'il serait opportun de relancer ces discussions et réfléchir sur les objectifs de ces outils.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Suite aux Assises de l'eau, 14 mesures ont été édictées fin août 2019. Une concernait le dispositif SISPEA et demandait que ce dispositif soit rénové. Des travaux ont été engagés avec la direction de l'eau et de la biodiversité le 25 février 2020. Durant la période de la Covid-19, nous n'avons pas énormément avancé sur le sujet, mais, en amont de cette audition, nous avons estimé qu'il était possible de marier les bases de cet Observatoire « loi Sapin » et donner un plus de sens et de légitimité au dispositif SISPEA.

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Pour revenir à la présentation de votre rapport, pourquoi avoir supprimé les questions sur les pénalités ?

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

Nous avons procédé à la suppression de questions au fil des ans, notamment lors du questionnaire de 2016. En effet, nous nous sommes aperçus du nombre trop insuffisant de réponses pour que cela soit significatif et que nous soyons en capacité de tirer des conclusions. C'est la problématique autour de cet outil. Il est de plus en plus difficile de prendre du temps aux collectivités qui sont très sollicitées pour leur soumettre un énième questionnaire, surtout quand ils ne sont pas obligatoires. Nous avons tenté de l'alléger pour le recentrer sur des questions essentielles sur lesquelles nous avons l'habitude d'avoir un bon taux de retour et ainsi augmenter les chances d'avoir une bonne qualité de réponse sur les sujets indispensables. Je ne dis pas que la question des pénalités n'est pas une question inintéressante. De toute façon, dans la pratique, imposer des pénalités se généralise. À la lecture des contrats, les collectivités sont plus exigeantes qu'elles ne l'étaient auparavant. Je ne suis pas sûre que l'Observatoire soit le meilleur outil pour mesurer cela. Sur les enquêtes 2014-2015, dans lesquelles figuraient encore ces questions, le retour était d'une trentaine de réponses sur notre échantillon de 150 procédures. Ce n'était pas significatif. Nous pouvons vous transmettre le bilan des questions que nous avons dû malheureusement retirer de notre questionnaire, car trop peu renseigné et donc peu significatif. Encore une fois, cela peut être complété par des études complémentaires.

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J'ai bien entendu vos alertes sur la pérennité de l'Observatoire et sur ses moyens. Pouvez-vous nous détailler comment les rapports produits tous les trois ans par l'Observatoire sont financés ? Et quels les acteurs qui y participent ?

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Ils sont financés par vous au travers de votre facture d'eau puisque les agences de l'eau financent à 80-90 % l'OFB, lequel finance ses travaux. Une convention sur 3 ans a été conclue avec AgroParisTech qui nous assure une grande partie du travail. AgroParisTech a passé lui-même une convention de sous-traitance avec le cabinet de Cédric Duchesne. Nous assumons 100 % du financement. Cela ne grève pas le budget de l'OFB. C'est un outil parmi d'autres au sein de l'Observatoire, qui n'est pas réglementaire, car il n'apparaît nulle part dans les textes. Cela le rend fragile.

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Il y a eu de nombreuses polémiques survenues depuis quelques années sur le manque d'objectivité des rapports d'assistance à maîtrise d'ouvrage qui accompagnent les procédures loi Sapin. Qu'en pensez-vous ? Que préconisez-vous pour améliorer ce processus.

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

La question de la satisfaction d'assistance à maîtrise d'ouvrage a été posée aux collectivités à travers l'Observatoire. Leurs retours sont plutôt satisfaisants. En revanche, les retours manquent de précision. Nous ne connaissons pas les motifs de satisfaction ou d'insatisfaction. Cédric est peut-être plus en relation avec les collectivités et a pu avoir des échos qui pourraient permettre d'illustrer cela. Pour ma part, je peux vous rechercher les chiffres du dernier rapport si vous le souhaitez.

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour répondre à votre question. Quand j'étudie la question du mode de gestion, tout dépend de la posture des élus. Certains font appel à des assistances à maîtrise d'ouvrage tout en sachant déjà qu'ils ont envie de reconduire le mode de gestion passé. Auquel cas, nous sommes simplement chargés de rédiger un rapport qui va motiver ce choix politique. Certains élus sont plus ouverts et nous accueillent en mettant tout sur la table, souhaitent un état des lieux précis et prennent le temps de bien étudier la sortie du contrat. La difficulté est que le politique doit bien définir ses objectifs et ses besoins pour lui proposer des critères de choix qui soient pertinents et qui le conduisent vers la bonne voie. Nous avons parfois du mal à cerner leurs volontés, simplement par leur méconnaissance du sujet. Cela peut passer par une phase d'appropriation de la connaissance, de formation, d'animation d'ateliers pour comprendre le mode de gestion, la construction du prix.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

À l'époque où j'étais en charge auprès des élus de les aider pour ses dévolutions de contrat, je passais une ou deux demi-journées à leur expliquer les choses, à venir avec un modèle de cahier des charges, à faire de la pédagogie pour que les élus aient un minimum de compétences pour se frotter ensuite aux candidats délégataires.

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Vous avez évoqué la question des sociétés d'économie mixte à opération unique (SEMOP). Elles sont présentées par certains comme une manière d'avoir plus de contrôle sur l'entreprise à qui on délègue le service, et par d'autres comme un nouvel outil des partenariats publics-privés avec notamment un argument fort qui soutient que jamais un actionnaire minoritaire n'a imposé sa volonté à un actionnaire majoritaire. Avez-vous des observations sur cette question des SEMOP ? Avez-vous des alertes éventuelles à formuler ?

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Pas de remarque particulière. Les SEMOP sont cadrées par la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », et la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II ». Les sociétés publiques locales (SPL) peuvent être également un outil intéressant. Dans ce cas, au moins deux collectivités peuvent s'associer pour mettre en place un dispositif, quitte à aller chercher un gestionnaire privé et préparer avec lui un contrat de type DSP. Nous sommes dans une logique où ce sont les collectivités qui décident et qui choisissent comment elles vont fonctionner en mode de gestion. Nous avons prévu de rajouter une question sur les SEMOP dans la prochaine édition, ne serait-ce que pour les détecter. À ce jour, nous dénombrons les contrats de concession au sens large, sans rentrer dans les détails, mais il faut aller plus loin et détecter ces nouveaux dispositifs.

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Avez-vous constaté dans les travaux que vous avez menés une différence de niveau d'investissement dans les réseaux entre DSP et régie publique ?

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

La question sera tranchée dès lors que la collectivité a décidé que c'était elle qui investissait. Certains parlent d'investissement quand il s'agit de renouvellement lourd. Un renouvellement lourd couvrira des dépenses très importantes qui ne sont pas forcément équilibrées immédiatement dans le budget. Cela va donc se traduire par une augmentation importante du prix. Les programmes d'investissement sont préparés par les collectivités. Ce sont les collectivités qui sont dans le registre de l'investissement. Quand c'est un investissement ponctuel demandé par une collectivité dans le cadre d'une DSP, le terme pour le définir était « îlot concessif », la petite part de concession. Maintenant, les raisons objectives à garder ses investissements dans les collectivités sont évidentes. Les investissements des délégataires dans les contrats seront plutôt des renouvellements de petits matériels.

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

La majorité des contrats sont des contrats dits d'affermage, où seule l'exploitation est confiée. Le renouvellement des réseaux est porté par la collectivité. Cela ne dédouane pas l'exploitant de faire son maximum pour réparer les réseaux, mais au titre de l'exploitation. Lorsque cela atteint certaines limites, une discussion peut se tenir sur le partage de responsabilités. Le meilleur moyen d'obliger les exploitants, notamment privés, à s'intéresser à cette question est de fixer des objectifs quantifiés en matière de rendement et d'indicateurs plus pointus d'indice linéaire de perte. Tous les contrats de délégation fixent des objectifs chiffrés qui sont négociés au cours de ces procédures, et assortis de pénalités qu'il faut évidemment contrôler par la suite. Quant aux moyens qui sont mis en œuvre pour l'atteinte de ces objectifs, c'est aux entreprises elles-mêmes, au moment de l'élaboration de leurs offres, de les quantifier correctement.

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Marine Colon, enseignante-chercheuse à AgroParisTech / UMR G-EAU

La comparaison entre gestion publique et gestion privée est un sujet à développer à l'avenir. De la même façon que nous disposons d'un Observatoire de DSP, un Observatoire des régies pourrait être aussi intéressant pour approfondir cette question. Le sujet de l'investissement est un sujet fondamental dans notre secteur du fait des besoins en investissement très fort. Qui portera ces investissements ? Est-ce que le mode de gestion influe sur la manière de les porter ? Dans les DSP, l'investissement est majoritairement porté par les collectivités et c'est la responsabilité de la collectivité de s'engager dans une vraie gestion patrimoniale. Le défi des collectivités gestionnaires de réseaux est d'arriver à développer leur politique de gestion patrimoniale et trouver des moyens de la financer. Dès lors qu'un service délégué est mis en place, c'est de la responsabilité de la collectivité de vérifier que le minimum est fait pour que le délégataire laisse au bout de 5 à 10 ans des infrastructures au moins dans un état équivalent à l'état initial.

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

Pour élargir sur le débat public-privé, nous avions élaboré pour le compte de M. Pierre-Alain Roche, alors membre du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), sur demande de Mme Ségolène Royal, alors ministre de l'Environnement, un rapport sur le prix de l'eau paru en 2016. Il avait interrogé de façon très large tous les acteurs et opérateurs. Il nous avait passé commande d'essayer de définir quels étaient les déterminants du prix de l'eau. C'est un serpent de mer que personne n'a jamais réussi à résoudre. Nous avions intégré le mode de gestion. Ce dernier ne ressortait pas comme étant un facteur déterminant du prix de l'eau. Une multitude de facteurs s'équilibrait. Être en DSP ou en régie n'est pas déterminant. Le prix n'est pas un indicateur de performance, mais de résultat.

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Juste avant vous, nous avons auditionné la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) qui évoquait les concessions low cost – à bas prix. Cela vous évoque quelque chose ? Donner le prix le moins cher possible, mais au détriment parfois de ces questions d'investissement. Utilisez-vous ce terme ou non ?

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Eric Brejoux, chef du service Eau et milieux aquatiques de l'Office français de la biodiversité (OFB)

En balayant les résultats, nous pourrions dire que toutes les dévolutions sont à low cost, puisque chaque année, une baisse de prix semble brutale. Les collectivités sont responsables de leur destin. C'est un peu comme un usager qui prend un avion low cost. Certains services ne sont pas proposés, mais il le sait en amont. Pour une collectivité, c'est assez facile de détecter du prix excessivement bas dans l'offre d'un candidat. Quand j'étais au contact des collectivités, cela tournait toujours autour des mêmes entreprises. J'ai rarement vu des candidats arriver de nulle part, sans compétences avérées.

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Cédric Duchesne, consultant chez A Propos

Effectivement, nous pouvons assister à des offres qui peuvent être assez basses par rapport aux évaluations. Charge à nous d'éclairer les élus pour les guider dans la négociation vers le juste prix. Leur position peut être difficile face à la pression des usagers, qui sont par ailleurs des administrés, sur leur facture d'eau et leur mécontentement si le prix de l'eau est trop élevé. Les élus vont évidemment accorder une oreille attentive à une offre plus basse par rapport à une autre. Il faut veiller à ce que l'offre ne soit pas trop basse. Ce n'est jamais bon signe. Un exploitant qui n'a pas les moyens d'équilibrer son contrat pourra tenir deux ou trois ans, mais sur la durée d'un contrat plus long, il dégradera forcément la qualité de service. Il sera toujours possible, si le contrat est bien ficelé, d'appliquer des pénalités, mais ce ne sera pas une relation de confiance saine. Je rejoins le point de vigilance de la FNCCR sur ce volet.

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Merci à vous d'avoir pris le temps de répondre à nos nombreuses questions. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit au questionnaire qui vous a été envoyé il y a quelques jours pour préparer cette audition.

L'audition s'achève à quinze heures trente.