Notre problématique est liée à l'utilisation par l'homme d'une eau naturelle qui s'infiltrait auparavant dans une zone d'une quarantaine de kilomètres carrés, appelée l'impluvium de Volvic. Ces eaux de pluie percolent au travers de séries volcaniques, s'infiltrent dans un goulet qui entaille l'escarpement de Limagne et alimentaient ensuite les sources dites sources de Volvic, mais qui ne se situent pas à Volvic. En effet, l'eau ne sort pas au niveau de Volvic, mais en aval, au lieu-dit Saint-Genest-l'Enfant dans la commune de Malauzat. Cela alimentait une pisciculture historique à cet endroit, classée monument historique.
Je me suis intéressé à ces questions par plusieurs biais différents. Il y a quelques années, une conférence publique a été donnée à Clermont-Ferrand par un hydrogéologue du groupe Danone. Il affirmait doctement que le groupe Danone ne prélevait que ce que la nature pouvait lui donner et que les eaux utilisées pour la mise en bouteille provenaient de réservoirs différents de celui qui alimentait les sources locales. Ces affirmations m'ont tout de suite posé un petit problème et je l'ai interpellé publiquement. Il m'a répondu que ce sujet était très compliqué et que seuls des géologues pouvaient le comprendre. Comme je suis géologue, cela m'a donné envie de creuser la question.
L'association PREVA – Protection des entrées sur les volcans d'Auvergne, dont je fais partie, a essayé, depuis trois ans, de rencontrer toutes les parties prenantes dans le secteur de l'eau dans la zone, qui est considérée comme le pays de l'eau depuis le Moyen-Âge. Nous avons rencontré les représentants de l'État en région, les agences de l'eau, les collectivités territoriales, les maires, les syndicats de l'eau potable, les associations, les industriels, les citoyens. Nous nous sommes aperçus qu'un flou était soigneusement entretenu sur les causes et les effets des problèmes rencontrés dans le secteur de Volvic depuis quelques années. Il faut donc démêler cet écheveau assez complexe.
Par exemple, la Société des eaux de Volvic dit, à juste titre, qu'elle fait beaucoup d'efforts pour protéger l'impluvium. Cela est vrai – il faut dire que cela représente un intérêt pour l'entreprise. Dans le secteur amont, ils ont ainsi signé des conventions avec les agriculteurs pour éviter les intrants et les pesticides, ainsi qu'avec la ligue de protection des oiseaux et le conservatoire des espaces naturels. Cela constitue un élément de communication important pour le groupe.
Nous constatons en revanche un silence – presque une omerta – sur tout ce qui se passe en aval de la zone de prélèvements. Ce silence est entretenu par les défauts de communication ou bien par les incohérences de communication des différents intervenants. Tout le monde ne parle pas exactement le même langage. Il existe par ailleurs une tendance à sélectionner les données en fonction de ce que l'on veut prouver, que l'on appelle le biais de confirmation. Par exemple, devant les problèmes d'alimentation en eau, la Société des eaux de Volvic a commencé par incriminer les changements climatiques.
Dans un effort louable pour faire le point à ce sujet, le préfet du Puy-de-Dôme a organisé en décembre dernier une réunion réunissant 70 participants à Mozac. L'ensemble des partenaires étaient invités : Météo France, le BRGM, les représentants de l'État et des collectivités territoriales, les maires, la Société des eaux de Volvic. Un ingénieur de Météo France y a expliqué que l'on constatait une dérive minime de la pluviométrie dans le secteur, qui ne modifie pas substantiellement les quantités d'eau disponibles. Il n'y a donc pas de variation notable : il existe seulement une variation dans la répartition de la pluviométrie au cours des mois. Les pluies ne tombent pas forcément aux mêmes moments que par le passé, elles sont moins régulières et plus imprévisibles. À la suite de cela, Danone a légèrement modifié son point de vue.
La question est compliquée car la quantification nécessite des outils de mesures. Comme madame Darmendrail l'a montré, il existe huit piézomètres de référence – mais ceux-ci sont extrêmement mal placés. Ils sont placés dans la chaîne des Puys au niveau du bassin hydrologique et non à l'endroit où se situent les prélèvements, qu'il s'agisse de la galerie du Goulet pour l'eau potable ou des forages effectués par la Société des eaux de Volvic. Nous avons donc un problème : nous ne disposons pas d'outils de suivi. PREVA a demandé aux deux précédents préfets d'installer des piézomètres juste en amont et juste en aval des forages, ainsi que plus loin en aval au niveau des sources de résurgence de Saint-Genest-l'Enfant. Cela permettrait d'obtenir de vraies données, qui constitueraient un réel juge de paix.
L'obscurité est également absolument totale s'agissant des débits prélevés. Les débits de sortie des eaux atteignaient 450 litres à 600 litres par seconde par le passé ; la moyenne annuelle s'élève désormais à 150 litres par seconde, descendant parfois jusqu'à zéro litre – des sources sèches pendant plusieurs mois à la saison estivale est inédit depuis le Moyen-Âge.
La Société des eaux de Volvic dispose d'une autorisation de prélèvement de 89 litres par seconde. La Société pratique à ce sujet l'autocontrôle et l'État ne vérifie pas les données. Les syndicats de l'eau potable prélèvent entre 140 litres et 180 litres par seconde. Cela constitue un total de 300 ou 350 litres par seconde. Par rapport au minimum de 450 litres par seconde qui représente la capacité de l'impluvium, il manque 100 à 150 litres par seconde.
Nous ne savons pas où ces litres d'eau sont passés. Pourquoi ne s'y intéresse-t-on pas ? Pourquoi des études ne sont-elles pas diligentées sur la question ? Sommes-nous certains que la Société des eaux de Volvic ne prélève pas plus que ce dont elle a l'autorisation ? Il manque 100 litres par seconde. Toutes les dix secondes, un mètre cube d'eau disparaît. Est-il embouteillé ? Où va-t-il ? L'association PREVA s'est rendue compte qu'il était très difficile d'obtenir des données et d'accéder aux informations. Cette analyse devrait être conduite par les services de l'État, qui sont en charge de la protection de ce bien commun qu'est l'eau.