COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences
Jeudi 8 avril 2021
La séance est ouverte à neuf heures quarante cinq.
(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)
La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à la table ronde, ouverte à la presse, sur l'état et l'évolution du bassin aquifère de Volvic réunissant Mme Dominique Darmendrail, directrice du programme scientifique GESTEAU - Eaux souterraines et changement global du Bureau de recherches géologiques et minières, MM. Jean-François Beraud et Robert Durand, hydrogéologues, et M. François Dominique de Larouzière, géologue des systèmes volcaniques.
Notre cinquième session d'auditions de la commission d'enquête sera entièrement consacrée à l'étude de la situation de la nappe dans le bassin aquifère de Volvic.
L'impluvium de Volvic est situé sur le site de la chaîne des Puys, faille de Limagne. D'une superficie de 38 kilomètres carrés, ce territoire recueille les eaux de pluie et de fonte des neiges qui traversent six couches de roches volcaniques sur une durée de cinq ans pour constituer une masse d'eau souterraine. Cependant, son état et son évolution concentrent les inquiétudes sur la pérennité de cette ressource en eau.
Avant de débuter l'audition, je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, madame, messieurs, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
Mme Dominique Darmendrail, MM. Jean-François Beraud, Robert Durand et François Dominique de Larouzière prêtent serment.
Je représente le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), opérateur pour le compte de l'État du réseau piézométrique.
Comme je l'avais évoqué lors de la première audition du BRGM, le réseau piézométrique suit des nappes dans le secteur. Nous collectons à leur sujet des données qui sont présentes sur le portail national d'accès aux données sur les eaux souterraines (ADES). Nous disposons de huit piézomètres dans le secteur de Volvic, issus de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Tous ces piézomètres sont situés en amont de la masse d'eau sur laquelle prélèvent une grande partie des forages du bassin de Volvic. Le choix de les situer en amont a été opéré pour évaluer l'état écologique, chimique et quantitatif de la masse d'eau.
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Les écoulements dans cette nappe vont de l'ouest vers l'est. Deux de ces piézomètres montrent les évolutions piézométriques depuis 1996 et 2014 respectivement. Concernant le piézomètre situé au nord, les évolutions montrent la cyclicité annuelle des niveaux piézométriques avec quelquefois de brusques variations, pouvant aller jusqu'à 4 mètres. Cependant, il n'y a pas de tendance de fond d'évolution à la baisse ou à la hausse sur le long terme dans cette nappe. En effet, le piézomètre situé au nord est alimenté par les eaux de surface. Au contraire, le piézomètre situé au sud montre un certain nombre d'évolutions. Sur ce captage, des décrochages apparaissent de façon plus significative, en particulier en période d'étiage ou de sécheresse.
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Pour finir, cette masse d'eau comprend plusieurs bassins versants. L'on constate des évolutions analogues avec des étiages assez prononcés depuis 2018 dans d'autres bassins versants, et en particulier le bassin de la Veyre, situé au sud. Nous ne disposons pas de prélèvement en amont dans ce bassin. Ce constat de variations similaires sur une période relativement longue nous amène à affirmer que la baisse du niveau piézométrique est sans doute liée à une baisse de la recharge naturelle de l'aquifère, et en particulier aux périodes de sécheresse.
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Le bassin versant des sources de front de coulée, dont la superficie totale est de 42 kilomètres carrés, est divisé en deux parties. Une grande partie, située en amont, couvre 38 kilomètres carrés. La partie plus basse, juste en amont des sources concernées, occupe 4 kilomètres carrés.
La partie du Goulet, qui se situe au niveau de la ville de Volvic, est la plus est en rétrécissement. C'est dans cette zone du Goulet que sont pratiqués les prélèvements anthropiques depuis 1929 pour la galerie du Goulet et depuis 1960 pour les forages de Volvic. Dans un bassin versant comme celui-ci, la part de la pluie qui arrive à échapper à l'évaporation constitue l'apport. L'apport doit être égal aux sorties. Jusqu'en 1929 et la création de la galerie du Goulet, ces apports s'écoulaient naturellement jusqu'aux sources de front de coulée, c'est-à-dire les sources de sorties, dont deux sont utilisées par la pisciculture. Le débit de ces sources était dans ces années-là très important : il était évalué aux alentours de 450 à 600 litres par seconde. Les prélèvements de la galerie du Goulet (qui est une galerie gravitaire, c'est-à-dire qui s'enfonce directement dans l'aquifère) montrent qu'elle utilisait en net en moyenne 92 litres par seconde en 1960, puis 145 litres par seconde en 2005 (pratiquement la totalité de l'eau extraite de la galerie était réutilisée pour l'eau potable) et 135 litres par seconde en 2020. Parallèlement, en 1960, la Société des eaux de Volvic a commencé à exploiter l'eau par forages. Les prélèvements sont passés de 0 litre par seconde en moyenne en 1960 à 82 litres seconde par en moyenne en 2020, avec certaines pointes à 120 litres par seconde. Chaque prélèvement dans un bassin versant et exporté hors du bassin se fait au détriment d'autres sorties. Les sorties identifiées de ce bassin sont uniquement les sources de front de coulée. Ainsi, si 82 litres sont prélevés en moyenne par seconde, c'est autant de litres qui ne sortent pas par les sources de front de coulée.
Ce bassin versant suit un comportement hydrogéologique assez particulier. Il est constitué de différentes couches de perméabilité variable, de scories volcaniques et de couches de basalte très dures, quasiment imperméables. Lors du traçage effectué en décembre 2001, il a été injecté de l'iodure de sodium. Cet iodure de sodium est ressorti, mais – cela est curieux – les résultats diffèrent. Deux rapports ont été réalisés utilisant les résultats de ce traçage : un rapport de stage d'Alexandra Stouls et une thèse de Simon Rouquet. Les deux résultats de ce traçage sont différents. En 2009, Alexandra Stouls relate que le traceur est ressorti au niveau des sources de Saint-Genest-l'Enfant en moins de 45 jours. En 2012, Simon Rouquet affirme que le traceur se retrouve au niveau des sources du Gargouilloux en 10 ou 11 jours. J'ai demandé à accéder aux résultats bruts pour pouvoir les analyser – je ne les ai pas reçus. Habituellement, les résultats bruts des traçages sont présentés en annexe. Cette fois-ci, cela n'a pas été le cas.
Il existe probablement des périodes de déficit – les piézomètres présentés par madame Darmendrail peuvent apporter des arguments à ce sujet. Mais la baisse des débits peut être due à la hausse moyenne des prélèvements anthropiques. Cela est corroboré par la baisse de niveau observée et reconnue sur les autres bassins versants. Des calculs montrent par ailleurs une diminution de cette alimentation. Il est bien évident que si les prélèvements anthropiques pratiqués même en période de sécheresse cessaient, la nappe augmenterait.
Ce bassin versant présente de fortes scories. Toute la pluie tombant sur cette surface de scories s'infiltre en profondeur. Contrairement à ce qui vient d'être dit par le BRGM, j'ai étudié toute la climatologie de la zone : la climatologie est restée constante depuis 1922 jusqu'à nos jours. Cela a été confirmé par nos collègues de Météo France lors du dernier comité de suivi du 16 décembre 2020. Ils affirment qu'il n'y a pas d'impact climatique sur cette zone. S'il n'y a pas d'impact climatique, nous devrions donc retrouver les mêmes débits qu'à l'époque. Si l'on applique des calculs tenant compte de la surface de 42 kilomètres carrés du bassin et d'une réserve à 100 millimètres, le bassin versant devrait débiter entre 450 litres et 670 litres par seconde. Cette donnée est importante pour comprendre ce qui devrait normalement s'écouler.
Un article paru dans la revue des huitièmes journées du comité français de l'association internationale des hydrogéologues (AIH) organisées les 11 et 12 décembre 2009, explique aux pages 26 et 27 les éléments suivants : « Le fonctionnement hydrogéologique de ces systèmes est à la fois simple et complexe : la zone sommitale de la chaîne des Puys avec ses cônes de scories joue le rôle de réservoir et de régulateur vis-à-vis des épisodes pluvieux. La capacité de régulation est considérable et se traduit au niveau des résurgences par des fluctuations modestes, sans comparaison avec d'autres systèmes hydrogéologiques ». Le professeur Guy Camus et le géologue Marc Livet poursuivent dans ce même article : « Le bilan hydrologique de 16 à 18 litres par seconde par kilomètre carré en façade ouest donne un débit de 714 litres par seconde ; le bilan de 10 à 15 litres par seconde par kilomètre carré donne un débit de 525 litres par seconde ». L'on s'aperçoit donc que nous devrions avoir des débits conséquents dans les sources de front de coulée.
Tenant compte de l'impact constaté de la galerie du Goulet sur les résurgences à la création de celle-ci en 1929, il existe bien un phénomène anthropique qui diminue le débit des sources de front de coulée. Les forages de Volvic ont été réalisés en amont de la prise du Goulet. Le syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom (SMUERR) constate une baisse de débit à cette galerie du Goulet : elle est passée de 170 litres par seconde à 135 litres par seconde. D'autre part, à l'époque, le surplus de cette prise du Goulet s'écoulait dans le bassin versant de Volvic. Elle est actuellement dirigée hors du bassin versant : cela diminue encore le débit des sources de front de coulée.
Le professeur Guy Camus a fait prendre une déclaration d'utilité publique (DUP) le 23 septembre 1982 : cette DUP interdit tout nouveau forage en amont du Goulet. Or il apparaît de manière curieuse et incompréhensible que depuis 1982, l'on a non seulement autorisé la création de forages par la Société des eaux de Volvic en infraction avec cette DUP, mais l'on a encore accordé à la Société des eaux de Volvic des augmentations inconsidérées de débit sans conduire aucune étude d'impact (pourtant prévue par la réglementation) et sans se préoccuper de ce qui se passait en aval. Or la DUP de 1982 précisait bien l'obligation de vérifier le droit des tiers – à aucun moment cette obligation n'a été respectée. En tenant compte de la climatologie et des quantités d'eau pompées au niveau du Goulet et par la Société des eaux de Volvic, l'on s'aperçoit de la diminution complète des eaux des fronts de coulée.
Nous ne pouvons plus revenir en arrière. Toutes les études qui pourraient être menées aujourd'hui seront impactées par ce qui s'est d'ores et déjà passé dans la zone. Une véritable étude d'impact nécessite d'arrêter tous les prélèvements et de laisser l'aquifère revenir à un état non perturbé – cela prendra des dizaines d'années.
Notre problématique est liée à l'utilisation par l'homme d'une eau naturelle qui s'infiltrait auparavant dans une zone d'une quarantaine de kilomètres carrés, appelée l'impluvium de Volvic. Ces eaux de pluie percolent au travers de séries volcaniques, s'infiltrent dans un goulet qui entaille l'escarpement de Limagne et alimentaient ensuite les sources dites sources de Volvic, mais qui ne se situent pas à Volvic. En effet, l'eau ne sort pas au niveau de Volvic, mais en aval, au lieu-dit Saint-Genest-l'Enfant dans la commune de Malauzat. Cela alimentait une pisciculture historique à cet endroit, classée monument historique.
Je me suis intéressé à ces questions par plusieurs biais différents. Il y a quelques années, une conférence publique a été donnée à Clermont-Ferrand par un hydrogéologue du groupe Danone. Il affirmait doctement que le groupe Danone ne prélevait que ce que la nature pouvait lui donner et que les eaux utilisées pour la mise en bouteille provenaient de réservoirs différents de celui qui alimentait les sources locales. Ces affirmations m'ont tout de suite posé un petit problème et je l'ai interpellé publiquement. Il m'a répondu que ce sujet était très compliqué et que seuls des géologues pouvaient le comprendre. Comme je suis géologue, cela m'a donné envie de creuser la question.
L'association PREVA – Protection des entrées sur les volcans d'Auvergne, dont je fais partie, a essayé, depuis trois ans, de rencontrer toutes les parties prenantes dans le secteur de l'eau dans la zone, qui est considérée comme le pays de l'eau depuis le Moyen-Âge. Nous avons rencontré les représentants de l'État en région, les agences de l'eau, les collectivités territoriales, les maires, les syndicats de l'eau potable, les associations, les industriels, les citoyens. Nous nous sommes aperçus qu'un flou était soigneusement entretenu sur les causes et les effets des problèmes rencontrés dans le secteur de Volvic depuis quelques années. Il faut donc démêler cet écheveau assez complexe.
Par exemple, la Société des eaux de Volvic dit, à juste titre, qu'elle fait beaucoup d'efforts pour protéger l'impluvium. Cela est vrai – il faut dire que cela représente un intérêt pour l'entreprise. Dans le secteur amont, ils ont ainsi signé des conventions avec les agriculteurs pour éviter les intrants et les pesticides, ainsi qu'avec la ligue de protection des oiseaux et le conservatoire des espaces naturels. Cela constitue un élément de communication important pour le groupe.
Nous constatons en revanche un silence – presque une omerta – sur tout ce qui se passe en aval de la zone de prélèvements. Ce silence est entretenu par les défauts de communication ou bien par les incohérences de communication des différents intervenants. Tout le monde ne parle pas exactement le même langage. Il existe par ailleurs une tendance à sélectionner les données en fonction de ce que l'on veut prouver, que l'on appelle le biais de confirmation. Par exemple, devant les problèmes d'alimentation en eau, la Société des eaux de Volvic a commencé par incriminer les changements climatiques.
Dans un effort louable pour faire le point à ce sujet, le préfet du Puy-de-Dôme a organisé en décembre dernier une réunion réunissant 70 participants à Mozac. L'ensemble des partenaires étaient invités : Météo France, le BRGM, les représentants de l'État et des collectivités territoriales, les maires, la Société des eaux de Volvic. Un ingénieur de Météo France y a expliqué que l'on constatait une dérive minime de la pluviométrie dans le secteur, qui ne modifie pas substantiellement les quantités d'eau disponibles. Il n'y a donc pas de variation notable : il existe seulement une variation dans la répartition de la pluviométrie au cours des mois. Les pluies ne tombent pas forcément aux mêmes moments que par le passé, elles sont moins régulières et plus imprévisibles. À la suite de cela, Danone a légèrement modifié son point de vue.
La question est compliquée car la quantification nécessite des outils de mesures. Comme madame Darmendrail l'a montré, il existe huit piézomètres de référence – mais ceux-ci sont extrêmement mal placés. Ils sont placés dans la chaîne des Puys au niveau du bassin hydrologique et non à l'endroit où se situent les prélèvements, qu'il s'agisse de la galerie du Goulet pour l'eau potable ou des forages effectués par la Société des eaux de Volvic. Nous avons donc un problème : nous ne disposons pas d'outils de suivi. PREVA a demandé aux deux précédents préfets d'installer des piézomètres juste en amont et juste en aval des forages, ainsi que plus loin en aval au niveau des sources de résurgence de Saint-Genest-l'Enfant. Cela permettrait d'obtenir de vraies données, qui constitueraient un réel juge de paix.
L'obscurité est également absolument totale s'agissant des débits prélevés. Les débits de sortie des eaux atteignaient 450 litres à 600 litres par seconde par le passé ; la moyenne annuelle s'élève désormais à 150 litres par seconde, descendant parfois jusqu'à zéro litre – des sources sèches pendant plusieurs mois à la saison estivale est inédit depuis le Moyen-Âge.
La Société des eaux de Volvic dispose d'une autorisation de prélèvement de 89 litres par seconde. La Société pratique à ce sujet l'autocontrôle et l'État ne vérifie pas les données. Les syndicats de l'eau potable prélèvent entre 140 litres et 180 litres par seconde. Cela constitue un total de 300 ou 350 litres par seconde. Par rapport au minimum de 450 litres par seconde qui représente la capacité de l'impluvium, il manque 100 à 150 litres par seconde.
Nous ne savons pas où ces litres d'eau sont passés. Pourquoi ne s'y intéresse-t-on pas ? Pourquoi des études ne sont-elles pas diligentées sur la question ? Sommes-nous certains que la Société des eaux de Volvic ne prélève pas plus que ce dont elle a l'autorisation ? Il manque 100 litres par seconde. Toutes les dix secondes, un mètre cube d'eau disparaît. Est-il embouteillé ? Où va-t-il ? L'association PREVA s'est rendue compte qu'il était très difficile d'obtenir des données et d'accéder aux informations. Cette analyse devrait être conduite par les services de l'État, qui sont en charge de la protection de ce bien commun qu'est l'eau.
Monsieur Durand, vous avez affirmé que la Société des eaux de Volvic était en infraction s'agissant des autorisations de forage. Pouvez-vous détailler cette affirmation ?
Une DUP existe, qui a été effectuée à la demande du SMUERR. Un géologue officiel, le professeur Guy Camus, a établi des périmètres de protection. Il en existe trois : un périmètre immédiat, qui est celui de la prise d'eau du Goulet, qui doit être clôturé ; un périmètre rapproché et un périmètre éloigné. Le professeur Camus a demandé l'interdiction des forages pour l'ensemble de ces périmètres dès le 23 septembre 1982. Cette information est connue des services de l'État. Les différents participants aux comités de suivi (l'État, les collectivités territoriales, la Société des eaux de Volvic) en font état dans les comptes rendus des comités de suivi. L'on s'aperçoit, à la lecture des comptes rendus, que la DUP n'a pas été respectée : la Société des eaux de Volvic a procédé à des forages et a augmenté ses débits avec l'aide des services de l'État. Cette décision, de la part des services de l'État ayant connaissance de la DUP, est incompréhensible.
L'on se rend même compte que la Société des eaux de Volvic procède à des forages sans en informer les services de l'État. Dans les derniers comptes rendus de 2019, ceux-ci demandent à la Société des eaux de Volvic d'être tenus au courant. Cela est incompréhensible. La Société des eaux de Volvic aurait dû, a minima, déposer une demande d'autorisation. Cette anomalie au niveau des services de l'État du Puy-de-Dôme a d'ores et déjà été relevée par le rapport de l'inspection générale de l'environnement en date du 31 juillet 2002. S'agissant de la création d'une autoroute traversant le bassin de Volvic, le rapport note l'absence de coopération entre les services de l'État. Cela est assez étonnant.
D'autre part, une nouvelle DUP a été réalisée pour l'alimentation en eau potable de Charbonnières-les-Varennes et elle concerne deux petits forages (10 litres par seconde) pour les hameaux de Volvic. La DUP a demandé à ce que les périmètres de protection pour ces deux petits forages soient rassemblés avec les périmètres de la DUP du Goulet.
Monsieur François Dominique de Larouzière, monsieur Marc Livet, hydrogéologue, a été affirmatif : les 100 litres d'eau par seconde manquants seraient dus, pour la moitié, à l'augmentation de la température terrestre et pour environ 30 litres à une baisse de la pluviométrie, ce que certains d'entre vous ont nuancé. Qu'en pensez-vous ? Existe-t-il une divergence entre scientifiques s'agissant de la perte de la ressource ?
Il n'y a pas de divergence entre nous. Nous nous en remettons aux spécialistes : si Météo France affirme qu'il n'y a pas de dérive de la pluviométrie, je leur fais confiance. Je ne crois pas à l'argument de l'augmentation de la température et de l'évapotranspiration, qui est régulièrement mis en avant par la Société des eaux de Volvic, pour une raison très simple. Quand une goutte d'eau tombe dans l'impluvium, elle tombe sur des matériaux très poreux et très perméables. Une fois percolée dans ces scories, l'eau se retrouve à l'abri de l'évapotranspiration dès qu'elle atteint dix centimètres de profondeur. Cet argument n'est donc pas, à mes yeux, recevable.
Je dispose d'un schéma interprétatif, que je transmettrai à la commission d'enquête, qui explique pourquoi nous constatons une baisse extrêmement brutale de la quantité d'eau.
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Le fait d'avoir des forages rabat la limite entre la zone saturée (c'est-à-dire la zone où tout l'espace poreux de la roche est occupé par de l'eau) et la zone non saturée (c'est-à-dire l'espace où la roche est simplement humide). En pompant de l'eau, nous sommes en quelque sorte en train de vider la baignoire par le bas. Nous évitons les débordements. Les zones d'alimentation de l'ensemble des résurgences commencent à être hors d'eau. Elles se situent actuellement dans la zone non saturée en eau, car la limite en a été rabattue par les forages. La nappe du bassin de Volvic est une nappe glissante : l'eau qui tombe dans l'impluvium dévale naturellement environ 700 mètres de dénivelé. Il suffit donc que l'on arrête les prélèvements pour que l'ensemble des résurgences soit remis en état. Il est embêtant en revanche de constater que les filons d'alimentation des sources, lorsqu'ils sont mis hors d'eau, peuvent faire l'objet de cristallisations de minéraux qui peuvent obstruer complètement ces conduits. Dans ce cas, même si l'eau revient, les cheminements ne fonctionnent plus. Nous faisons face à un problème très sérieux.
Affirmez-vous qu'il existe de fortes chances pour que la Société des eaux de Volvic pompe davantage que ce à quoi l'entreprise est autorisée, en plus d'être en infraction avec la DUP ? Faudrait-il faire cesser séance tenante les prélèvements de la Société des eaux de Volvic ?
Je pense que la Société des eaux de Volvic se sait sous le feu des projecteurs et respecte la loi. Je ne pense pas que la Société prélève plus que ce que l'État l'autorise à prélever. Je dis que les autorisations de prélèvements accordées à Volvic par les représentants de l'État sont supérieures à la capacité de régénération de la nappe. Depuis les années 1980, il s'agit d'un système à cliquet qui ne fait qu'augmenter les prélèvements. La Société des eaux de Volvic prélève aujourd'hui 13 fois plus d'eau qu'en 1980. Cela représente 2,7 milliards de litres d'eau par an qui quittent les milieux naturels et les écoulements naturels pour être mis en bouteille et exportés. Il faut arrêter cela. L'État doit affirmer que nous sommes en période de stress hydrique important. Nous devons quitter ce système de cliquet, il faut baisser les prélèvements. Je pense que Volvic respecte la loi, mais que la préfecture est beaucoup trop laxiste sur les autorisations de prélèvements qu'elle accorde.
Cela est très difficile à dire. D'autres collègues ingénieurs ont essayé, dans le cadre de PREVA, de répondre à cette question. À la fin 2019, la Société des eaux de Volvic a cessé pendant quelques jours l'ensemble des prélèvements pour cause de remise en état de ses installations. Le niveau d'eau est alors immédiatement remonté au niveau des résurgences. Les représentants de l'État, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et la direction départementale des territoires (DDT) ont opposé une pluviométrie importante à ce moment-là. Après examen des données disponibles, nous constatons qu'une pluviométrie importante à la même période par le passé induisait tout juste une augmentation des débits de 20 litres par seconde ; alors que cette fois-ci, quelques jours après l'arrêt du pompage par la Société des eaux de Volvic, nous avons constaté une augmentation des débits de l'ordre de 120 litres par seconde. Nous établissons donc une corrélation directe entre ces deux éléments. Si l'on arrêtait l'activité, je pense que nous reviendrons en quelques semaines à des débits de l'ordre de 400 à 450 litres par seconde au niveau des résurgences.
Merci à tous d'avoir pris le temps de répondre à notre invitation. Je vous invite, si vous le pouvez, à répondre par écrit au questionnaire qui vous a été adressé pour compléter vos réponses.
L'audition s'achève à dix heures quarante.