Je reviendrai d'abord sur l'historique, puis je vous présenterai un certain nombre de constats effectués, et je rappellerai enfin les demandes que nous avons formulées à l'attention de l'État, des collectivités territoriales et de Danone.
Notre aquifère fait partie des dix aquifères nés de la période volcanique. La nappe d'eau de Volvic a été jugée exceptionnelle du fait des volumes charriés au niveau des résurgences de Saint-Genest-l'Enfant. De là est née une véritable économie dans la vallée, qui a perduré du Moyen-Âge jusqu'au XXe siècle.
Le seul usage de l'eau était alors consacré aux milieux naturels. Cet usage a dû composer avec la découverte de l'eau potable en 1927. Cela a permis, heureusement, d'amener de l'eau au robinet des personnes habitant les montagnes, jusqu'alors sans eau potable. Aujourd'hui, 62 000 personnes bénéficient de cette eau potable.
Néanmoins, en 1927, les prélèvements d'eau potable avaient déjà chahuté l'aval, au point que le ministre des finances, Étienne Clémentel, alors maire de Riom, avait créé un protocole pour que l'usage de l'eau potable s'harmonise avec l'usage de l'eau pour les milieux naturels. Ce protocole a perduré jusqu'à l'arrivée du minéralier Boussois-Souchon-Neuvesel (BSN) en 1964.
En 1964, l'arrivée du minéralier et le creusement du puits d'Arvic permettant de pomper l'eau à 100 mètres ont très rapidement révélé des conflits d'usages. Au tournant des années 1990, au fur et à mesure que les minéraliers creusaient des puits, les habitants ont constaté l'effondrement des niveaux des sources. Ces deux éléments ont été clairement mis en corrélation. L'environnement très vert se détériorait à vue d'œil. Cela a donné lieu à des manifestations très vives de colère et d'anxiété dans la population.
De là est née l'association PREVA – Protection des entrées sur les volcans d'Auvergne. Nous avons proposé aux habitants une méthode collaborative : nous allions investiguer auprès de toutes les parties prenantes pour nous faire une opinion de la situation réelle et essayer de proposer une solution de sortie à la crise opposant les usages pour l'eau potable, les milieux naturels et les minéraliers. Pendant deux ans, nous avons donc rencontré toutes les parties prenantes de l'eau dans la région : Danone, les collectivités territoriales, l'État, le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), ainsi que les hydrogéologues référents.
Ces parties prenantes avaient des comportements extrêmement différents. Je vous présenterai donc les constats de nos investigations. Notre association avait pour but de travailler sagement, de manière républicaine et citoyenne, en associant les habitants auxquels nous présentions des rapports réguliers. Nous avons dû revoir largement nos ambitions à la baisse. Rien ne se jouait si facilement ; et notamment avec les structures censées nous représenter et nous défendre – l'État et les collectivités territoriales.
Je résumerais la situation ainsi : Danone est « planqué » derrière les autorisations qui lui ont été royalement accordées par l'État, notamment par le biais de l'arrêté préfectoral de 2014. Cet arrêté prévoit pourtant des amortissements et des régulateurs. Danone applique les autorisations qui lui ont été accordées, qui s'élèvent à 2,7 milliards de litres de prélèvements d'eau annuels possibles. L'État a failli en ne conduisant aucune analyse préalable à chaque forage demandé et en ne portant aucun regard bienveillant sur les milieux naturels. L'État ne se soucie pas de la destruction des milieux naturels, voire de l'écocide qui se produit de manière extrêmement claire depuis 2017 : en témoignent les tarissements de ruisseaux, la mort des parties boisées à cause du stress hydrique et la disparition d'écrevisses et de truites dans les ruisseaux. L'État a failli et est encore défaillant de ce point de vue-là.
L'État se targue d'annoncer des programmes de gestion durable de la ressource à l'horizon 2025, comme les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Mais l'État nie la relation existant entre ces programmes de gestion durable de la ressource et les décisions qu'il prend aujourd'hui, par exemple les arrêtés sécheresse qui exonèrent la grande agriculture industrielle et Danone. Pour l'État, ces décisions sont des actes courants, naturels, qui n'interfèrent pas avec une logique de gestion durable de la ressource. L'État est défaillant car il aurait la possibilité de réguler la ressource par arrêté, mais il ne le fait pas.
De plus, l'État a autorisé Danone à pomper quand l'entreprise le veut. Cela constitue un crime à nos yeux. Danone pompe en fonction de ses marchés car l'entreprise ne stocke jamais plus d'une semaine d'eau embouteillée. Ainsi, Danone pompe très fortement en périodes chaudes et de canicule. L'été, les habitants constatent donc, ébahis, que 250 camions et trois convois de train comptant jusqu'à 27 wagons quittent chaque jour l'usine de Danone. Il est invraisemblable que l'on laisse se dérouler un tel scénario. Cela est incroyable. Danone bénéficie de nombreuses largesses de la part de l'État, sans qu'aucune étude d'impact n'ait été conduite.
Nos demandes, portées auprès de l'État, des collectivités territoriales et de Danone sont simples. Avant de distribuer un bien commun tel que l'eau, nous souhaitons qu'un véritable état des lieux de l'aquifère soit conduit. Un tel état des lieux n'existe pas à ce jour. Nous distribuons une ressource qui présente des faiblesses (en témoignent les résurgences de Saint-Genest-l'Enfant qui se tarissent pendant cinq ou six mois de l'année), y compris s'agissant de l'eau potable. Nous devons donc conduire un état des lieux extrêmement précis et transparent de la ressource, avec les citoyens.
Jusqu'à présent, aucune partie civile n'a été associée aux prises de décisions qui se font « en catimini ». Nous avons ainsi appris que les collectivités territoriales ont connecté l'eau de l'Allier avec l'eau de l'aquifère. L'eau de l'Allier peut donc dorénavant être distribuée au robinet des habitants. Cette adjonction de réseau, qui a été très coûteuse pour la collectivité, n'a absolument pas été médiatisée auprès du public. Nous l'avons découvert au détour d'une promenade en constatant la pose de tuyaux. Cela est grave. Nous demandons à l'État d'arrêter ce jeu-là.
Une fois l'investigation sur l'aquifère conduite, nous souhaitons que les usages soient redisciplinés en privilégiant l'eau potable. Nous devons garantir que cet aquifère pourra distribuer de l'eau potable au plus grand nombre. Nous devons également honorer les milieux naturels par un débit réservé, que nous avons chiffré à 250 litres par seconde. Au mieux, le débit actuel s'élève à 70 litres par seconde. Nous demandons donc un retour de l'eau pour alimenter la pisciculture et les milieux naturels. Si des moyens demeurent, nous pourrons alors enfin honorer l'embouteillage. Nous ne souhaitons pas tuer Danone. L'entreprise représente 900 emplois. Nous jugeons nécessaire de revoir le modèle économique et de réorganiser correctement les usages de l'eau, notamment en respectant la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006.