Intervention de Philippe Chopin

Réunion du jeudi 8 avril 2021 à 11h45
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme :

J'articulerai mon propos autour de trois sujets : un rappel des actions des services de l'État dans ce département, le constat de la baisse du renouvellement de l'aquifère et les leviers d'action identifiés par les services de l'État.

L'État est intervenu dans la gestion de l'aquifère de Volvic en réglementant les prélèvements, en les contrôlant et en faisant preuve de transparence vis-à-vis des usagers. Les prélèvements autorisés sur l'impluvium laissent apparaître la répartition suivante : deux tiers des prélèvements autorisés le sont en faveur de l'eau potable ; le tiers restant est consacré à l'usage industriel de la Société des eaux de Volvic, qui réalise des prélèvements dans l'aquifère depuis 1965 pour un volume maximum annuel autorisé de 2,79 millions de mètres cubes. Par ailleurs, les prélèvements pour l'alimentation en eau potable sont répartis de la manière suivante : le syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom (SMUERR) exploite la galerie du Goulet depuis 1982 pour un volume maximum annuel de 5,3 millions de mètres cubes. Il alimente ainsi deux collectivités : l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) Riom Limagne et Volcans et le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable (SIAEP) de la plaine de Riom. L'intercommunalité Riom Limagne et Volcans utilise en plus 400 000 mètres cubes d'eau par an dans cet aquifère. La réglementation prise par les services de l'État en matière de limitation des prélèvements a permis la conciliation des différents usages et a fait l'objet de contrôles rigoureux.

Au titre du code de l'environnement, le préfet de département a autorisé le 28 novembre 2014 des prélèvements pour une durée de 18 ans avec l'arrêté préfectoral autorisant la Société des eaux de Volvic à exploiter la ressource en eau minérale des forages F1 à F5 sur la commune de Volvic. Les services de l'État se sont montrés particulièrement vigilants quant à la préservation de la ressource de l'aquifère en mettant en place quatre conditions :

– une limitation des prélèvements à l'échelle journalière et mensuelle (en plus du débit maximal et moyen annuel) afin de préserver l'aquifère de prélèvements trop forts en instantané ;

– la mise en place d'un comité de suivi annuel depuis 2014, présidé par le sous-préfet de Riom ;

– la mise en place d'un dispositif de surveillance par des prélèvements en amont et en aval réalisés grâce aux huit piézomètres du BRGM ;

– et l'introduction d'un article 10 permettant une clause de révision des niveaux de prélèvements pour garantir, si besoin, la pérennité de la production destinée à la consommation humaine.

Le respect de ces différents paramètres a fait l'objet de contrôles réguliers des services de l'État. Ceux-ci ont permis de démontrer que la Société des eaux de Volvic n'a jamais enfreint les obligations prévues dans cet arrêté, y compris en période de sécheresse. Entre 2017 et 2020, elle a ainsi consommé entre 83 % et 97 % de son autorisation de prélèvements.

Enfin, l'État a pris soin d'assurer l'information du public. Ainsi, une réunion d'information a été organisée en décembre 2020, nommée le comité de la transparence. Elle a réuni plus de 100 personnes, y compris les associations.

J'en viendrai au deuxième point de mon propos. Les conditions environnementales, notamment la sécheresse, ont conduit à une baisse de la recharge de l'aquifère, sans que celle-ci ne puisse être affectée, à notre sens, par les prélèvements réalisés en aval par la Société des eaux en Volvic. En l'état de nos connaissances, les différentes études conduites ont permis de mettre en évidence une baisse de la capacité de l'aquifère. Avant 2010, la capacité de l'aquifère était de 500 litres par seconde. Elle était de 400 litres par seconde en 2020. Lors de l'étiage en 2019, sa capacité a baissé à 290 litres par seconde.

Cette baisse globale affecte en retour la répartition de la ressource entre les différents usagers. Nous n'avons pas connaissance de conflit avec les habitants, à l'exception de deux situations. Tout d'abord, le président de la communauté d'agglomération M. Frédéric Bonnichon exerce la compétence d'urbanisme et a pris la décision de limiter les permis de construire. Ensuite, nous avons un contentieux avec un pisciculteur de Saint-Genest-l'Enfant. Ce contentieux n'est pas pour l'instant jugé par le tribunal administratif.

Cette baisse structurelle ne peut être, à notre sens, imputée directement à la Société des eaux de Volvic, qui réalise ses prélèvements en aval, sans effet sur le niveau de l'aquifère. L'impact sur les sources de résurgence elles-mêmes situées en aval des prélèvements est probable. Cependant, à l'échelle saisonnière, les connaissances dont disposent les services de l'État montrent que le renouvellement de l'aquifère est de quatre ans. Si nous décidions de suspendre les prélèvements de la Société des eaux de Volvic en période de sécheresse, il faudrait donc attendre quatre ans pour que cela ait une incidence sur le niveau de l'aquifère. C'est pourquoi nous n'avons pas pour l'instant mise en œuvre cette clause prévue par l'article 10 de l'arrêté de du 28 novembre 2014. Cependant, nous avons lancé des études car d'aucuns pensent que cette durée de quatre ans est trop longue : si elle était en réalité plus courte, nous pourrions alors utiliser avec intérêt l'article 10.

Je terminerai mon propos par les dispositifs mis en place par les services de l'État depuis 2014. Nous avons mis en place un nouvel arrêté cadre « sécheresse », l'arrêté cadre n° 20210587 du 1er avril 2021 planifiant les mesures de préservation des ressources en eau en période d'étiage, qui offre un nouveau levier d'action très important. Il permet au préfet de demander aux industriels la mise en place d'un plan d'utilisation rationnelle de l'eau sur les zones sous tension. Ce plan d'utilisation rationnelle de l'eau a été demandé à la Société des eaux de Volvic et il est d'ores et déjà en cours de rédaction.

Les comités de suivi organisés depuis 2014 ont permis d'identifier les actions suivantes :

– un travail d'adéquation entre les besoins et les ressources dans le cadre d'un projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), que nous avons mis en place dès cette année ;

– la poursuite de la connaissance sur les eaux souterraines de l'aquifère afin de préciser leur temps de renouvellement ;

– la poursuite de l'accompagnement de la Société des eaux de Volvic dans les économies d'eau ;

– la poursuite de l'accompagnement des collectivités territoriales dans l'optimisation des prélèvements. Encore aujourd'hui, le taux de fuite est assez important dans le département : il est de 62 % en moyenne. Le plan de relance de l'agence de l'eau Loire – Bretagne accorde pour la première fois des subventions pour améliorer ces réseaux sujets aux fuites.

En résumé, depuis mon arrivée, j'ai présidé un comité départemental de l'eau que j'ai ouvert à trois associations environnementales nouvelles, j'ai lancé le PTGE, qui constitue un forum de l'eau, j'ai institué le comité de la transparence, qui s'est réuni pour la première fois en décembre 2020, je travaille, avec le président du département, à un syndicat départemental de l'eau et enfin, j'ai pris en mars cet arrêté cadre « sécheresse ».

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