COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences
Jeudi 8 avril 2021
La séance est ouverte à onze heures trente.
(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)
La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition en table ronde, ouverte à la presse, des représentants de l'État et des collectivités territoriales impliqués dans la gestion du bassin aquifère de Volvic réunissant M. Philippe Chopin, préfet du Puy-de-Dôme, Mme Manuelle Dupuy, directrice départementale des Territoires (DDT) du Puy-de-Dôme par intérim, accompagnée de Mme Caroline Mauduit, cheffe du service Eau, Environnement, Forêt de la DDT, M. Armand Sanséau, directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt des Pays de la Loire, ancien directeur départemental des Territoires du Puy-de-Dôme, M. Frédéric Bonnichon, maire de Châtel-Guyon, président de la communauté d'agglomération Riom Limagne et Volcans, accompagné de M. Philippe Demortière, directeur général des services, et M. Laurent Thévenot, maire de Volvic, président du Syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom.
Nous continuons nos auditions consacrées à l'étude de la situation de la nappe dans le bassin aquifère de Volvic. Dans un troisième temps, nous recevons en table ronde les représentants de l'État et des collectivités compétentes pour la gestion de cette ressource en eau.
Avant de débuter l'audition, je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle également que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
Mmes Manuelle Dupuy et Caroline Mauduit, MM. Philippe Chopin, Armand Sanséau, Frédéric Bonnichon, Philippe Demortière et Laurent Thévenot prêtent serment.
J'articulerai mon propos autour de trois sujets : un rappel des actions des services de l'État dans ce département, le constat de la baisse du renouvellement de l'aquifère et les leviers d'action identifiés par les services de l'État.
L'État est intervenu dans la gestion de l'aquifère de Volvic en réglementant les prélèvements, en les contrôlant et en faisant preuve de transparence vis-à-vis des usagers. Les prélèvements autorisés sur l'impluvium laissent apparaître la répartition suivante : deux tiers des prélèvements autorisés le sont en faveur de l'eau potable ; le tiers restant est consacré à l'usage industriel de la Société des eaux de Volvic, qui réalise des prélèvements dans l'aquifère depuis 1965 pour un volume maximum annuel autorisé de 2,79 millions de mètres cubes. Par ailleurs, les prélèvements pour l'alimentation en eau potable sont répartis de la manière suivante : le syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom (SMUERR) exploite la galerie du Goulet depuis 1982 pour un volume maximum annuel de 5,3 millions de mètres cubes. Il alimente ainsi deux collectivités : l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) Riom Limagne et Volcans et le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable (SIAEP) de la plaine de Riom. L'intercommunalité Riom Limagne et Volcans utilise en plus 400 000 mètres cubes d'eau par an dans cet aquifère. La réglementation prise par les services de l'État en matière de limitation des prélèvements a permis la conciliation des différents usages et a fait l'objet de contrôles rigoureux.
Au titre du code de l'environnement, le préfet de département a autorisé le 28 novembre 2014 des prélèvements pour une durée de 18 ans avec l'arrêté préfectoral autorisant la Société des eaux de Volvic à exploiter la ressource en eau minérale des forages F1 à F5 sur la commune de Volvic. Les services de l'État se sont montrés particulièrement vigilants quant à la préservation de la ressource de l'aquifère en mettant en place quatre conditions :
– une limitation des prélèvements à l'échelle journalière et mensuelle (en plus du débit maximal et moyen annuel) afin de préserver l'aquifère de prélèvements trop forts en instantané ;
– la mise en place d'un comité de suivi annuel depuis 2014, présidé par le sous-préfet de Riom ;
– la mise en place d'un dispositif de surveillance par des prélèvements en amont et en aval réalisés grâce aux huit piézomètres du BRGM ;
– et l'introduction d'un article 10 permettant une clause de révision des niveaux de prélèvements pour garantir, si besoin, la pérennité de la production destinée à la consommation humaine.
Le respect de ces différents paramètres a fait l'objet de contrôles réguliers des services de l'État. Ceux-ci ont permis de démontrer que la Société des eaux de Volvic n'a jamais enfreint les obligations prévues dans cet arrêté, y compris en période de sécheresse. Entre 2017 et 2020, elle a ainsi consommé entre 83 % et 97 % de son autorisation de prélèvements.
Enfin, l'État a pris soin d'assurer l'information du public. Ainsi, une réunion d'information a été organisée en décembre 2020, nommée le comité de la transparence. Elle a réuni plus de 100 personnes, y compris les associations.
J'en viendrai au deuxième point de mon propos. Les conditions environnementales, notamment la sécheresse, ont conduit à une baisse de la recharge de l'aquifère, sans que celle-ci ne puisse être affectée, à notre sens, par les prélèvements réalisés en aval par la Société des eaux en Volvic. En l'état de nos connaissances, les différentes études conduites ont permis de mettre en évidence une baisse de la capacité de l'aquifère. Avant 2010, la capacité de l'aquifère était de 500 litres par seconde. Elle était de 400 litres par seconde en 2020. Lors de l'étiage en 2019, sa capacité a baissé à 290 litres par seconde.
Cette baisse globale affecte en retour la répartition de la ressource entre les différents usagers. Nous n'avons pas connaissance de conflit avec les habitants, à l'exception de deux situations. Tout d'abord, le président de la communauté d'agglomération M. Frédéric Bonnichon exerce la compétence d'urbanisme et a pris la décision de limiter les permis de construire. Ensuite, nous avons un contentieux avec un pisciculteur de Saint-Genest-l'Enfant. Ce contentieux n'est pas pour l'instant jugé par le tribunal administratif.
Cette baisse structurelle ne peut être, à notre sens, imputée directement à la Société des eaux de Volvic, qui réalise ses prélèvements en aval, sans effet sur le niveau de l'aquifère. L'impact sur les sources de résurgence elles-mêmes situées en aval des prélèvements est probable. Cependant, à l'échelle saisonnière, les connaissances dont disposent les services de l'État montrent que le renouvellement de l'aquifère est de quatre ans. Si nous décidions de suspendre les prélèvements de la Société des eaux de Volvic en période de sécheresse, il faudrait donc attendre quatre ans pour que cela ait une incidence sur le niveau de l'aquifère. C'est pourquoi nous n'avons pas pour l'instant mise en œuvre cette clause prévue par l'article 10 de l'arrêté de du 28 novembre 2014. Cependant, nous avons lancé des études car d'aucuns pensent que cette durée de quatre ans est trop longue : si elle était en réalité plus courte, nous pourrions alors utiliser avec intérêt l'article 10.
Je terminerai mon propos par les dispositifs mis en place par les services de l'État depuis 2014. Nous avons mis en place un nouvel arrêté cadre « sécheresse », l'arrêté cadre n° 20210587 du 1er avril 2021 planifiant les mesures de préservation des ressources en eau en période d'étiage, qui offre un nouveau levier d'action très important. Il permet au préfet de demander aux industriels la mise en place d'un plan d'utilisation rationnelle de l'eau sur les zones sous tension. Ce plan d'utilisation rationnelle de l'eau a été demandé à la Société des eaux de Volvic et il est d'ores et déjà en cours de rédaction.
Les comités de suivi organisés depuis 2014 ont permis d'identifier les actions suivantes :
– un travail d'adéquation entre les besoins et les ressources dans le cadre d'un projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE), que nous avons mis en place dès cette année ;
– la poursuite de la connaissance sur les eaux souterraines de l'aquifère afin de préciser leur temps de renouvellement ;
– la poursuite de l'accompagnement de la Société des eaux de Volvic dans les économies d'eau ;
– la poursuite de l'accompagnement des collectivités territoriales dans l'optimisation des prélèvements. Encore aujourd'hui, le taux de fuite est assez important dans le département : il est de 62 % en moyenne. Le plan de relance de l'agence de l'eau Loire – Bretagne accorde pour la première fois des subventions pour améliorer ces réseaux sujets aux fuites.
En résumé, depuis mon arrivée, j'ai présidé un comité départemental de l'eau que j'ai ouvert à trois associations environnementales nouvelles, j'ai lancé le PTGE, qui constitue un forum de l'eau, j'ai institué le comité de la transparence, qui s'est réuni pour la première fois en décembre 2020, je travaille, avec le président du département, à un syndicat départemental de l'eau et enfin, j'ai pris en mars cet arrêté cadre « sécheresse ».
La communauté d'agglomération Riom Limagne et Volcans réunit 31 communes et 68 000 habitants. Ce territoire est la porte d'entrée du parc naturel régional des volcans d'Auvergne et constitue la limite de la faille de Limagne classée au patrimoine mondial de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).
La communauté d'agglomération Riom Limagne et Volcans est issue de la fusion de trois établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Nos expertises sont donc relativement récentes dans le domaine de l'eau et de l'assainissement, dont nous avons la compétence depuis janvier 2020. Pour l'essentiel, nous gérons nos réseaux en régie. Nous avons repris en régie les régies communales existantes ; d'autres communes sont adhérentes de syndicats.
Nous avons commencé par travailler sur l'historique de l'eau dans les communes : nous avons recensé les ouvrages, les éventuelles fuites, les interconnexions. Nous travaillons ainsi à la création d'un syndicat intercommunal qui gèrerait les interconnexions. Nous avons également beaucoup travaillé sur la réduction des fuites, que nous avons divisées par deux en une dizaine d'années. Partout sur le territoire, les réseaux se sont améliorés et le taux de fuite est désormais d'environ 30 %.
Nous sommes également services instructeurs d'urbanisme pour le compte des communes. Nous émettons donc un avis sur les permis de construire ; nous avons ainsi préconisé aux maires des communes de Charbonnières-les-Varennes et de Volvic de rendre un avis défavorable à une vingtaine de demandes de permis de construire. Nous devons être sûrs de pouvoir fournir suffisamment d'eau à l'horizon des quinze ou vingt prochaines années.
Le syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom (SMUERR) est issu des travaux de maires visionnaires dans les années 1930, qui avaient imaginé d'interconnecter les communes à partir des captages et des résurgences des eaux de Volvic.
Nous sommes essentiellement concernés par les émergences. Le captage public géré par les élus et le syndicat constitue une émergence : nous prenons ce que la nature nous donne et nous le distribuons. Nous n'utilisons ainsi pas l'ensemble des autorisations de distribution, car les élus ont été plutôt vertueux en travaillant sur la performance des réseaux.
Le syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom a été créé en 1982 à la suite d'un cas de pollution de l'eau. Face au danger représenté par cette pollution sur l'impluvium, il a été décidé de créer un syndicat. Le SMUERR dessert plus de 30 communes et environ 60 000 habitants. En 2020, il a distribué 4,2 millions de mètres cubes d'eau. Ce volume a diminué d'entre 800 000 et un million de mètres cubes depuis une dizaine d'années. Cette diminution est exclusivement due aux travaux d'amélioration du rendement des réseaux dans les communes distribuées. La galerie du SMUERR constitue une émergence naturelle et gravitaire qui alimente nos deux principaux usagers, RLV et le SIAEP.
Non, Madame la présidente.
Monsieur le préfet, confirmez-vous que les prélèvements de la Société des eaux de Volvic auraient été multipliés par 13 depuis 1980 ?
Je ne dispose pas sous les yeux de l'historique des prélèvements pour ces trente dernières années. En revanche, le percement des forages a été progressif jusqu'en 1993, date à laquelle la Société des eaux de Volvic dispose de cinq forages. Depuis 2006, un volume maximal est défini de manière annuelle et stabilisée. En 2017, Volvic a prélevé 2,7 millions de mètres cubes, soit 97 % des autorisations ; puis 2,65 millions de mètres cubes en 2018 ; 2,43 millions de mètres cubes en 2019 et 2,33 millions de mètres cubes en 2020. Ces prélèvements sont donc en diminution pour les quatre dernières années.
Serait-il possible de vérifier ce chiffre et de le transmettre à notre commission d'enquête ?
Quelle réponse faites-vous à l'association PREVA – Protection des entrées sur les volcans d'Auvergne – et aux hydrogéologues quant au fait que les forages réalisés par Danone outrepassent la déclaration d'utilité publique (DUP) de 1982 ?
Je ne suis pas sûre de comprendre la question car la DUP de 1982 concerne le SMUERR. L'État y a défini un volume maximum de prélèvements de l'ordre de 5,3 millions de mètres cubes par an. Ce volume a aujourd'hui baissé, à la fois car le besoin en eau a diminué grâce à l'amélioration du rendement des réseaux et car la source a baissé. Le SMUERR prélève donc aujourd'hui autour de 4,3 millions de mètres cubes par an. Les contrôles réalisés par l'État ont permis de confirmer que le SMUERR se situait bien dans l'enveloppe de son autorisation. En revanche, je n'ai pas connaissance d'élément concernant la Société des eaux de Volvic dans cette DUP de 1982.
Les associations pointaient l'interdiction de nouveaux forages et l'obligation de réaliser des études d'impact pour tout nouveau forage. Confirmez-vous ce point ?
Effectivement, je crois qu'une demande pour autoriser la création d'un nouveau forage a été faite. Il s'agit d'un forage réalisé l'année dernière en substitution d'un forage existant : il ne s'agit donc pas d'un nouveau prélèvement.
Je confirme l'information de madame Mauduit. Il ne s'agit pas d'un forage supplémentaire, mais d'un puits de substitution. Le précédent puits datait de plus de quarante ans et il s'est avéré nécessaire de le remplacer.
À quelle fréquence sont effectués les contrôles et de quelle manière ? Il nous a souvent été rapporté que Danone procédait à des autocontrôles.
L'arrêté du 28 novembre 2014 définit précisément les mesures qui doivent être prises par l'exploitant. Les données de prélèvements (telles que le volume maximal journalier, mensuel ou annuel) sont vérifiées par un contrôle administratif et font l'objet d'une analyse par un service de l'État. Ces données sont partagées lors des comités de suivi. En 2020, des contrôles de terrain ont également été réalisés pour vérifier la concordance de ces chiffres au regard des données dont nous disposions pour l'année en cours.
Vous imputez la baisse du niveau de l'aquifère au dérèglement climatique, et non aux prélèvements effectués par la Société des eaux de Volvic. Pourtant, la baisse du niveau de l'aquifère existe. Pensez-vous pouvoir maintenir les prélèvements de la Société des eaux de Volvic à leur niveau actuel ?
Vous avez également mentionné les économies d'eau réalisées. Ne justifient-elles pas une baisse des autorisations de prélèvements accordées à la Société des eaux de Volvic ?
Nous n'avons pour l'instant pas fait usage de l'article 10 de l'arrêté du 28 novembre 2014. Nous allons lancer des études ; nous avons également fait la demande à Volvic de mettre au point un plan d'utilisation rationnelle de l'eau.
Si nous avions une connaissance plus fine de la durée nécessaire à l'eau pour repasser dans le milieu, et si nous savions que diminuer les prélèvements de la Société des eaux de Volvic, en période de sécheresse notamment, pouvait avoir une incidence très rapide sur les milieux, nous ne nous priverions pas alors d'utiliser l'article 10. Pour l'instant, nous n'avons pas assez de preuves à ce sujet. Cela est très technique et très compliqué. Nous n'avons pas d'étude globale qui puisse nous apporter des certitudes absolues en la matière.
Le plan d'utilisation rationnelle de l'eau que la Société des eaux de Volvic est en train de rédiger comprend bien entendu des économies d'eau. Je ne m'interdis pas d'utiliser l'article 10. Mais je ne vais pas réduire la consommation d'eau si cela n'a aucune incidence sur le milieu naturel ; d'autant plus qu'il n'existe aujourd'hui aucun conflit d'usage entre les utilisateurs de l'eau potable – hormis avec un pisciculteur en contentieux avec l'État.
Pouvez-vous m'indiquer la profondeur du nouveau forage de substitution et celle de la profondeur de l'ancien forage ?
Je n'ai pas l'information, nous pourrons vous la communiquer par la suite.
Vous pourrez nous faire connaître cette information dès que vous l'aurez retrouvée ou bien nous la transmettre par écrit.
Le potentiel du bassin de Volvic a-t-il diminué ces dernières années, et si oui, de combien de litres par seconde, monsieur le préfet ?
Nous recherchons l'information pour vous la communiquer tout de suite.
Il est dit que les services de la préfecture procèdent à des contrôles assez légers et laissent Volvic pratiquer un autocontrôle. Le fait que vous ne disposiez pas de ces chiffres ne confirme-t-il pas cette affirmation ?
Je pense que nous parlons de deux choses différentes : il s'agit d'une part de l'usage public de l'eau, c'est-à-dire de la gestion de l'émergence par le SMUERR, et d'autre part des autorisations de forage. M. Laurent Thévenot pourra répondre quant à l'usage public de l'eau. À ce sujet, un contrôle permanent s'exerce, au jour le jour et quasiment à la minute. Nous savons à qui nous distribuons et à qui nous vendons l'eau. Nous disposons donc d'une connaissance parfaite de l'usage public de l'eau. La collectivité, en revanche, n'est pas compétente quant à l'usage de l'eau fait par la Société des eaux de Volvic et le groupe Danone.
S'agissant du jaillissement du Goulet, la DUP prévoit 167 litres par seconde. Aujourd'hui, la moyenne s'élève à 150 litres par seconde.
Je n'ai pas compris votre réponse. Le potentiel du bassin de Volvic, estimé aujourd'hui entre 450 et 500 litres par seconde, a-t-il diminué ces dernières années ?
Les données dont nous disposons sont issues d'études et de thèses réalisées ont mis en évidence un certain nombre d'éléments. La ressource présentait un débit moyen annuel de l'ordre de 450 à 550 litres par seconde dans les années de 1960 à 2010. Sur la dernière décennie, elle présente un débit moyen annuel proche de 400 litres par seconde. Jusqu'à ces trois dernières années, ce débit était relativement stable à l'étiage. Nous avons en revanche constaté une baisse assez marquée à l'étiage 2019 en raison d'une sécheresse très importante : le débit moyen s'est abaissé à 290 litres par seconde à l'étiage.
Cela constitue donc une baisse d'environ 100 litres par seconde au cours des quarante dernières années. Comment expliquez-vous cette baisse ?
Il me semble que ces informations vous ont déjà été transmises par M. le préfet.
Nous nous basons sur les informations dont nous disposons. Le delta pourrait s'expliquer en partie par une augmentation de la température, et donc de l'évapotranspiration qui peut en résulter, par une diminution des pluies efficaces et enfin par une évolution du rôle de la forêt. Ce sont les éléments de connaissance dont nous disposons à l'heure actuelle sur ce sujet.
Nous avons entendu plusieurs hydrogéologues. Selon Météo France, le volume pluviométrique n'a pas changé ces dernières années et l'évaporation liée à l'augmentation de températures est non significative. Peut-être votre collègue hydrogéologue a-t-elle un avis sur cette question.
La pluviométrie n'a pas baissé en moyenne, mais il pleut de manière différente. La pluviométrie est répartie de manière différente.
L'augmentation de la température de 1,5 degré constitue quand même une augmentation sensible. L'hydrogéologue coordonnateur du département avait estimé la perte de ressource liée à l'évapotranspiration à 50 litres par seconde. La perte d'entre 35 et 60 litres par seconde serait liée à la diminution des pluies efficaces : il ne pleut pas aux mêmes saisons que par le passé et il pleut plus fortement, sans permettre l'infiltration dans le bassin. Enfin, la perte de l'ordre de 30 litres par seconde est liée à l'évolution du rôle de la forêt. Voilà comment nous expliquons la perte de 100 litres par seconde dans les années 2000.
Pourriez-vous nous expliquer la notion de « pluie efficace » ? Météo France affirme que le volume global de pluie sur l'année n'a pas changé mais il pleut différemment, c'est bien cela ?
La pluie va être efficace pour un aquifère si elle s'infiltre pour remplir l'aquifère. En raison de la hausse des températures et des sécheresses, le sol naturel est sec et empêche l'infiltration de l'eau, qui ruisselle en surface. De la même manière, si la pluie tombe au cours de périodes fortement ensoleillées, elle subit une évapotranspiration plus importante, ce qui limite son infiltration à travers les sols.
Nous pourrons vous transmettre ces informations. Nous avions demandé à Météo France de réaliser un récapitulatif de l'efficacité des pluies sur les années passées et de présenter des éléments prospectifs à ce sujet. Ces informations ont été présentées à l'ensemble des acteurs lors de la réunion du 16 décembre 2020.
Le forage de substitution Arvic Nord descend à 80,8 mètres par rapport au sol naturel, en remplacement du forage Arvic existant d'une profondeur de 81 mètres. Ces deux forages ont donc la même profondeur. Ils interceptent un milieu aquifère entre 52,2 mètres et 74 à 78 mètres. Ces deux forages interceptent donc un milieu aquifère sur une profondeur de 20 à 25 mètres.
Selon vous, la baisse de la ressource s'explique par les températures, les pluies et les forêts. Pensez-vous que cette baisse de la ressource va continuer ? Affirmez-vous que Volvic n'a aucune incidence sur cette baisse de la ressource ?
Cela est difficile à prévoir. Nous avons déjà connu par le passé des années plus sèches et moins pluvieuses. Il est difficile de dire que le changement climatique va se poursuivre et que nous connaîtrons des étés plus secs dans le futur. Cela peut se reproduire mais nous n'avons pas de connaissance fine de la trajectoire du changement climatique. Nous ne sommes pas visionnaires en la matière.
Madame Dupuy va détailler ce que j'ai expliqué en propos liminaire et qui relève de l'état actuel de nos connaissances.
Le prélèvement se faisant en aval, il n'y a pas à notre connaissance de lien direct entre le prélèvement et la baisse de la recharge.
Je souhaiterais compléter ce qu'a expliqué M. le préfet dans son introduction. L'évolution climatique induit des pluviométries comparables en volume, certes ; mais nous recevons par exemple beaucoup moins de neige l'hiver. Cela a sûrement un impact.
La perte des régions d'élevage et une certaine déprise agricole expliquent également que des pâturages et des plaines sont devenus des forêts. Tout arbre consomme de l'eau : l'on nous dit que 10 % à 20 % de la pluie est captée par les arbres. Le cumul de ces phénomènes – hausse des températures, moindres neiges, augmentation de la forêt – peut en partie expliquer l'évolution du fonctionnement de l'aquifère.
L'une de nos grandes difficultés collectives est que nous ne connaissons pas assez cet aquifère. La réunion de décembre 2020 a surtout reconnu le besoin de mieux connaître cet aquifère. Cela éviterait de laisser cours à des fantasmes – qu'ils soient positifs et négatifs. Au contraire, quelle est la réalité du fonctionnement de ce sous-sol ? Quelle part de responsabilité peuvent projeter chacun des usagers sur cet aquifère ?
Je réaffirme également que l'ensemble des usages publics de l'eau est inférieur à celle autorisée par la DUP. La DUP prévoit 167 litres par seconde. Le cumul des usages s'élève à 150 litres par seconde. Nous sommes vertueux en n'utilisant pas le maximum de la ressource autorisée ; le reste retourne évidemment au milieu naturel.
Beaucoup des intervenants précédents ont fait part d'une situation d'autocontrôle par la Société des eaux de Volvic. Pouvez-vous nous confirmer que les services de l'État contrôlent les prélèvements opérés par Volvic ?
Il s'agit de contrôles administratifs. Nous collectons les données brutes mesurées par les débimètres des différents services d'eau, nous les analysons et nous constituons un rapport – cela s'appelle un contrôle administratif. Des contrôles peuvent aussi être réalisés par les installations classées pour la protection de l'environnement. Un préfet de département doit contrôler un grand nombre d'arrêtés. Dans le cas de Volvic, grâce au comité de suivi, nous avons mis en place un contrôle annuel depuis déjà 5 ans. Nous nous situons donc au-delà du taux de contrôle moyen que nous sommes en capacité d'exercer sur l'ensemble des industriels ou des préleveurs agricoles du département. De plus, les services de l'État pratiquent des contrôles de terrain par des relevés de compteurs.
Ces contrôles aboutissent à un résultat qui ne montre pas d'écart entre les données déclarées par Volvic et les données constatées ?
Absolument. Nous croisons ces données et nous les vérifions. En août 2020, par exemple, nous avons procédé à deux contrôles à un mois d'intervalle.
M. le préfet, je reviens sur la notion de sécheresse. Beaucoup d'associations nous ont indiqué l'occurrence d'étiages de plus en plus sévères. L'étiage contraint l'usage des eaux de surface pour les agriculteurs et les particuliers ; mais il ne concerne pas les eaux souterraines. Vous nous avez expliqué à plusieurs reprises que vous ne souhaitiez pas, pour l'instant, limiter l'usage des eaux souterraines. Pouvez-vous nous expliquer votre raisonnement ?
J'ai expliqué que nous n'étions pas sûrs que la réduction des prélèvements de la Société des eaux de Volvic aurait un impact immédiat sur la recharge du milieu naturel. En l'état de nos connaissances, il faudrait quatre ans pour que la réduction des prélèvements de la Société des eaux de Volvic ait une incidence directe sur le milieu naturel. Restreindre les prélèvements de Volvic ne présente donc aucun intérêt. Nous nous appuyons sur les connaissances existantes pour l'instant. Nous n'allons pas restreindre un industriel – qui fait vivre 900 salariés sur le territoire – si, en l'état de nos connaissances, cela ne produit aucune incidence sur le milieu.
Les hydrogéologues précédents nous ont expliqué que Volvic avait dû arrêter son exploitation pour quelques jours pour cause de travaux. Il avait alors été constaté que le potentiel du bassin avait augmenté en quelques jours. Cet élément pourrait guider votre réflexion.
La Société des eaux de Volvic, souvent en fin d'année, interrompt ses prélèvements pendant une semaine. Les associations environnementales se sont posées la question de savoir si cet arrêt d'usine avait un impact sur les sources de résurgence à l'aval. Sur une année unique, nous avons observé un petit pic d'augmentation des sources qui intervenait entre six semaines et deux mois après cette période d'interruption - en janvier 2020. Sur cette base, nous nous sommes engagés à conduire des études plus importantes. Ce travail de corrélation entre l'arrêt des usines et le débit des sources devra être conduit dans le cadre des études qui seront lancées prochainement, pour essayer d'obtenir plus d'éléments factuels et concrets sur le temps de transfert – s'il y en a réellement un.
Lors du comité de suivi du 2 mars 2021, les acteurs présents ont étudié ce même arrêt de pompage intervenu à la fin de l'année 2020 et sa répercussion sur l'année 2021. La pluviométrie était relativement différente de celle de l'année précédente. Nous n'avons pas pu conclure à un résultat à l'issue de cette réunion. Nous devrons étudier ces données sur le long terme et affiner le diagnostic de l'État en la matière.
J'ai récupéré le texte de la DUP de 1982. Celui-ci établit qu'à l'intérieur des parcelles bien identifiées, « l'on interdira la construction, les forages et l'exploitation de carrières susceptibles de nuire à la qualité des eaux ». La DUP ne concerne donc absolument pas seulement le SMUERR. Je réitère ma question : les forages de la Société des eaux de Volvic outrepassent-ils la DUP de 1982 ?
Nous allons essayer de répondre à votre question, mais pas aujourd'hui Mme la députée, car nous devrons interroger l'agence régionale de santé (ARS) s'agissant de la qualité de l'eau. Mme Dupuy vous fera parvenir les éléments que nous pourrons vous envoyer, car nous ne disposons pas pour l'instant des éléments pour vous répondre de manière satisfaisante.
Je vous confirme que la DUP concernant le SMUERR est bien datée de 1982 également.
Nous évoquions tout à l'heure le volume annuel des pluviométries. Vous avez alors insisté sur le fait que les volumes de pluie sont différents en fonction des saisons. Connaissant ces différentiels de pluie, n'est-il pas contradictoire de conduire une annualisation des prélèvements de la Société des eaux Volvic ?
En respect du code de l'environnement, l'annualisation est souvent l'option retenue : il s'agit d'une gestion volumétrique des prélèvements. En plus de cette gestion volumétrique, l'arrêté du 28 novembre 2014 prévoit un débit maximum journalier, un débit maximum mensuel et un débit moyen annuel. Cela nous permet de vérifier toute la palette de prélèvements et d'avoir une réponse adaptée en fonction de la saisonnalité et de l'activité de l'industrie.
Le surplus des prélèvements au captage du Goulet retourne au milieu naturel, mais à un endroit qui ne permet pas l'infiltration dans le même bassin que celui où l'eau est puisée. Cela a déjà été attesté dans les comités de suivi. Quelles sont les mesures prises pour y remédier ?
Nous allons d'abord positionner des compteurs en amont et en aval de l'endroit où est rejetée cette surverse. Nous étudierons ensuite sous quelle forme, sous quels délais et avec quels financements il sera peut-être possible de réintroduire cette surverse au niveau du front de coulée. Nous sommes pour l'instant au stade de l'observation et de l'étude.
Comment vérifiez-vous le débit maximum journalier autorisé, puisque vous ne pouvez pas conduire de contrôles quotidiens ?
Le code de l'environnement impose à tous les industriels, quand ils procèdent à des prélèvements supérieurs à l'usage domestique, de poser des compteurs. Nous nous assurons que ces compteurs sont régulièrement étalonnés. Les industriels fournissent au service police de l'eau de l'État les données issues de ces compteurs à l'échelle journalière, mensuelle, annuelle, en fonction de ce qui est défini dans l'arrêté préfectoral qui encadre leurs activités. Il n'y a pas d'autre vérification que celle de l'existence d'un appareil de mesure et de son bon fonctionnement.
Merci à tous d'avoir pris le temps de répondre à notre invitation. Je vous invite, si vous le pouvez, à répondre par écrit au questionnaire qui vous a été adressé pour compléter vos réponses.
L'audition s'achève à douze heures quarante-cinq.