Intervention de Soibahaddine Chanfi

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 17h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Soibahaddine Chanfi, vice-président de l'association Les Assoiffés de Mayotte :

Cette présentation ne rend qu'un compte tronqué de la situation telle que la perçoivent les citoyens de Mayotte.

D'abord, poser la question de l'eau à Mayotte implique de s'interroger sur la politique de l'environnement et la part qu'elle ménage à l'eau. La Société mahoraise des eaux (SMAE) et le groupe Vinci sont les titulaires historiques du contrat d'affermage. L'adduction d'eau à Mayotte a commencé dans les années 1980. À l'époque, les Mahorais s'approvisionnaient à des puits dans les villages ou récupéraient de l'eau dans des ravines. Cette eau étant propre, la question de l'insalubrité ne se posait pas ; pas plus, d'ailleurs que le problème actuel de la surpopulation. Nous estimons que notre territoire dispose de suffisamment d'eau.

L'essentiel de l'eau à Mayotte provient des eaux de pluie. Le problème vient de la capacité de la terre à retenir l'eau dans les nappes phréatiques et à la réinjecter dans les rivières et les ravines, ce que permettait autrefois le couvert végétal, depuis saccagé et victime d'un écocide, au même titre que les zones agricoles.

Les quartiers insalubres, établis pour la plupart à la périphérie des villes ou des villages, posent problème, du fait de l'urbanisme galopant.

Aujourd'hui, nous privilégions les eaux de forage, dont le niveau baisse d'année en année. Le territoire s'assèche, au risque de remettre en cause la politique de généralisation de l'adduction d'eau. Il faut donc un programme de reboisement pour assurer à Mayotte de disposer d'assez d'eau, de surface ou souterraine.

Les nombreuses difficultés dans la gouvernance de l'eau à Mayotte se répercutent sur le prix de l'eau, le suivi et l'entretien des ouvrages, et les marchés publics ne tenant pas toujours compte des besoins réels de la population. Nous contestons la gouvernance actuelle de l'eau, qui relevait autrefois de la compétence des communes. La loi n° 2015-991 portant nouvelle organisation de la République a transféré la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI) aux intercommunalités qui en ont chargé le syndicat des eaux, lequel a passé un contrat d'affermage avec la SMAE. Ce trop grand nombre d'intermédiaires entraîne une dilution des responsabilités. Au final, c'est la filiale de Vinci qui en profite et s'en met plein les poches. Elle se livre à la prédation de l'argent public par le biais des marchés et impose à la population des factures exorbitantes.

La difficulté vient de ce que le contrat d'affermage fonctionne en pratique comme un contrat de concession. Le groupe Vinci ne se soucie pas d'entretenir les ouvrages, or le syndicat non plus ne veut pas s'en occuper. Les deux se renvoient la balle. Nous ne comprenons pas l'absence de réaction de la puissance publique, censée contrôler la qualité du service public de l'eau. Le sentiment nous vient qu'il existe des connivences entre la puissance publique et cette entreprise privée. Les Mahorais semblent devenus leur vache à lait.

Il ne faut par ailleurs par perdre de vue les difficultés que pose à Mayotte la surpopulation. L'île dispose malgré tout suffisamment d'eau. Je développerai tout à l'heure mes préconisations quant à sa gouvernance.

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