Intervention de Aurore Godard

Réunion du jeudi 15 avril 2021 à 17h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Aurore Godard :

Depuis 2018, la Croix rouge française de Mayotte intervient dans un programme, financé par l'ARS, de sensibilisation aux risques de maladies hydriques. Ce programme assure aussi le suivi des besoins d'accès à l'eau potable des plus précaires. Organisé autour des bornes fontaines monétiques, il semble avoir été délaissé depuis son lancement en 2000 suite à une épidémie de choléra. Sur les 113 bornes installées en vingt ans, seules 68 fonctionnent aujourd'hui, et encore : beaucoup ont été réparées l'an dernier pendant le confinement, à l'instigation des associations et de l'ARS, en réaction à la pandémie.

En termes de risques épidémiques, Mayotte se classe au même niveau que des pays en grande difficulté. 59 % des familles ne disposent pas d'un confort sanitaire de base, ce qui les expose à un risque élevé de contracter la gale ou la leptospirose, sans parler des maladies de peau, de la fièvre typhoïde ou de la dengue, parfois confondue avec la Covid-19. Ces maladies mortelles pour certaines touchent en particulier les moins de cinq ans. Mayotte connaît la mortalité infantile la plus élevée de France : 13,5 ‰ contre 3,6 ‰ en métropole en 2017.

Trois solutions se présentent aux 30 % de foyers sans accès à l'eau courante. Ceux qui ont la chance d'habiter à proximité d'une borne fontaine et de disposer des 34 euros que coûte la carte monétique doivent se rendre au seul point de vente de la SMAE. Un quart de la population, en situation irrégulière, court le risque de s'y faire arrêter par la PAF. Les trajets entre borne fontaine et domicile s'avèrent parfois d'une extrême pénibilité. Certains préfèrent se laver dans les rivières, malgré la saleté des eaux. Il est possible aussi de récupérer de l'eau chez un voisin raccordé au réseau, sachant qu'il la facturera à un prix supérieur au tarif officiel, ou à défaut, de boire l'eau polluée des cours d'eau, où certaines stations d'épuration déversent leurs excédents en cas de dysfonctionnement. 0,6 % des foyers sans accès à l'eau courante recourent à cette extrémité.

De telles pratiques, outre qu'elles bafouent la dignité et les droits humains, constituent un risque pour la santé de toute la population mahoraise, comme l'ont prouvé de nombreuses flambées épidémiques. Le refus des élus d'accorder la priorité à l'accès à l'eau, l'hygiène et l'assainissement entrave les avancées dans ces domaines. Nous entrevoyons aujourd'hui peu de perspectives d'amélioration des infrastructures indispensables.

La responsabilité de la gestion des risques sanitaires retombe sur les individus eux-mêmes, or ils ont rarement accès aux soins et à l'information nécessaire.

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