Nestlé Waters bénéficie aujourd'hui d'autorisations pour 65 forages, dont seuls 25 sont exploités, dont 40 – 15 sur le gîte A, 25 sur le gîte B – bénéficient du régime d'antériorité à la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau. Aucun dossier de forage n'est donc en cours de régularisation ou d'instruction. Je tiens à la disposition de la commission d'enquête l'inventaire exhaustif de ces ouvrages, avec les références des actes juridiques et réglementaires justifiant de leur régularité.
En 2020, le groupe Nestlé a prélevé dans le gîte A 752 276 mètres cubes ; dans le gîte B, 1 188 361 mètres cubes ; et dans le gîte C (au sud de la faille de Vittel) 495 716 mètres cubes.
Dans le secteur qui nous intéresse, les prélèvements en eau potable sont réalisés par trois syndicats intercommunaux d'eau, quatre communes, et un industriel – pour sa part, la fromagerie de l'Ermitage s'alimentant en eau par l'intermédiaire du syndicat des eaux de Bulgnéville.
En 2010, les prélèvements totaux des industriels s'établissaient à 1 540 356 mètres cubes, et en 2019 à 1 025 224 mètres cubes, soit une baisse de 33 %.
De 2015 à 2019, les niveaux des prélèvements destinés à l'alimentation en eau potable (AEP) ont à l'inverse progressé de 2,5 %, soit 38 000 mètres cubes, ce qui, sur la base d'une consommation moyenne de 55 mètres cubes par Français, représente la consommation de 700 personnes et 300 ménages. En 2015, les prélèvements destinés à l'AEP représentaient 52 % des prélèvements, contre 48 % destinés aux industriels. En 2019, 60 % des prélèvements sont destinés à l'alimentation en eau potable et 40 % à l'industrie.
En matière de contrôles, vous aviez interpellé nos collègues de l'unité départementale de la direction régionale de l'environnement et de l'aménagement (DREAL) et de l'Office français de la biodiversité à Épinal. La direction départementale des territoires (DDT) a aussi une vocation de contrôle auprès d'installations comme celle de Nestlé Waters dans ses missions de police de l'ordre. En octobre 2020, les services de la DDT ont ainsi contrôlé dix ouvrages des gîtes hydrothermaux A, B ou C, dans le cadre du plan de contrôle validé en mission interservices de l'eau et de la nature (MISEN), sous la double autorité du procureur de la République et du préfet de département. Les contrôles étaient exercés sur la base du référentiel constitué par l'arrêté du 11 septembre 2003 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux prélèvements soumis à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement, qui fixe des prescriptions pour ces ouvrages de prélèvements, mais surtout pour la qualité de leur intégrité et de leur gestion, au regard des risques d'intrusion ; de la distance des ouvrages par rapport à d'éventuels points de stockage de produits industriels ou chimiques ; de l'état industriel du forage, de la margelle, ou des dispositifs électriques ou électroniques de surveillance du niveau de la nappe ; de la présence d'une plaque avec la référence de l'ouvrage ; de la présentation de rapports de contrôle ; etc. Ce référentiel porte donc bien davantage sur l'état structurel de l'ouvrage et les conditions de son exploitation et de sa préservation, que sur la réalité des volumes prélevés, qui semblait davantage préoccuper la délégation de la commission d'enquête lors du déplacement effectué sur place. Les non-conformités relevées sont mineures ou secondaires. Les rapports d'inspection sont à disposition de la commission d'enquête.
Lors de votre déplacement, nous avions évoqué le débat, qui donne lieu à un dépôt de plainte, sur les forages qualifiés d'« illégaux » par le collectif d'associations au titre du code de l'environnement – et non au titre du code de la santé publique. Nestlé Waters exploite des forages dans les gîtes A et B dans le cadre d'un arrêté d'autorisation d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) en date du 16 février 2011, qui fixe des niveaux maximums de prélèvements, sans préciser toutefois un niveau maximum pour chaque ouvrage. Ces ouvrages sont donc connus et autorisés par l'administration, qui s'est en 2016 retournée vers Nestlé Waters pour neuf ouvrages, considérant qu'ils relevaient d'une nouvelle procédure d'autorisation au titre de la loi sur l'eau, les deux premiers prélevant plus de 900 000 mètres cubes par an dans le gîte A, et les sept autres plus de 200 000 mètres cubes par an dans le gîte B. Dans son dossier au préfet, l'exploitant indique ainsi que ses neuf forages ne bénéficient d'aucune autorisation, mais seulement d'antériorité d'usage au sens de la loi sur l'eau de 1992. C'est le début de la controverse sur le cadre juridique applicable à ces ouvrages.
Depuis, l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, qui est entrée en vigueur le 1er mars 2017, a considéré que les autorisations de prélèvements d'eau au titre du livre 5 du code de l'environnement (c'est-à-dire de la réglementation ICPE), comme les autorisations délivrées au titre du livre 2 du même code (c'est-à-dire de la loi sur l'eau) valaient désormais autorisations environnementales. Or, les griefs portés par les associations sont uniquement relatifs aux activités relevant du code de l'environnement, et non du code de la santé publique. Le débat est donc surtout juridique sur ce qu'il convenait de faire en 2016.
En aucun cas, le terme de « forages illégaux » ne saurait toutefois désigner l'existence de prélèvements volontairement soustraits à la connaissance des services de contrôle.