Intervention de Sophie Dubois

Réunion du jeudi 22 avril 2021 à 13h20
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Sophie Dubois, directrice générale de Nestlé Waters France :

Je travaille pour Nestlé depuis 22 ans avec passion, en accord avec un principe fondamental du Groupe, à savoir l'éthique dans la conduite des affaires. J'officie dans mes fonctions de directrice générale de Nestlé Waters pour la France depuis 2018.

Premièrement, avec les 2 500 collaborateurs de Nestlé Waters France, je tiens à souligner que nous sommes fiers de notre métier de minéralier, qui contribue au développement tant économique qu'environnemental du territoire. Nous disposons de quatre marques produites en France, par le biais de deux sites de production, avec respectivement Vittel, Hépar et Contrex dans les Vosges, et Perrier dans le Gard. Dans la commune de Vittel, nous comptons également sur notre centre de recherche et développement (R&D) mondial portant sur l'eau. Je rappelle que les eaux minérales naturelles font partie de la tradition gastronomique française et ce faisant, sont à l'origine de l'activité touristique autour des villes d'eau depuis plus d'un siècle et demi. Les produits spécifiques que nous produisons interviennent au quotidien dans la vie des Français.

L'eau minérale naturelle se caractérise par sa pureté originelle, sans traitement de désinfection, et ses propriétés favorables à la santé, fait reconnu par l'Académie de médecine. Son ancrage territorial est avéré, puisqu'elle est embouteillée sur les lieux de sa source. L'ensemble de ces caractéristiques la distingue des autres eaux, qu'elle ne prétend cependant pas remplacer. Un minéralier, qu'il soit un industriel ou une petite ou moyenne entreprise (PME), est un acteur local agissant au sein de son environnement – collectivités territoriales, agriculteurs, monde associatif, habitants – en vue de protéger la qualité intrinsèque de ces eaux. Nestlé Waters France est intégré au tissu économique, social et environnemental du territoire vosgien depuis 1992. Et par le rayonnement de nos marques, Vittel bénéficie d'une renommée et d'un phénomène d'attraction économique.

Afin d'illustrer notre contribution, je porte à votre attention que le groupe emploie 916 personnes dans son site des Vosges et soutient 2 285 autres emplois dans le département. Ses achats représentent 38 millions d'euros localement et, en vertu de l'article 1582 du code général des impôts, nous reversons 6,2 millions d'euros de surtaxe aux communes de Vittel, Contrexéville, Haréville, They-Sous-Monfort et Crainvilliers.

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Pour autant, notre engagement dépasse l'aspect financier puisque dans le cadre de la protection de la ressource en eau, nous menons une politique de soutien à l'agriculture locale depuis trente ans, en favorisant les méthodes sans pesticide.

Deuxièmement, je me dois de clarifier notre rôle d'industriel concernant les ressources en eau potable en France : pour Nestlé Waters France, l'eau constitue un bien commun, dont l'usage prioritaire revient aux habitants. Dans le même ordre d'idée, nous n'avons pas l'intention d'entrer en compétition avec l'eau du robinet. En effet, les deux eaux participent à la politique de santé pour une hydratation plus saine, combattant ainsi l'augmentation de l'obésité et les maladies cardiovasculaires.

Cette compétition n'a pas plus lieu d'être au regard des volumes, puisqu'un Français consomme une moyenne de 146 litres d'eau du robinet par jour, contre 133 litres d'eau embouteillée par an, soit un tiers de litre par jour. De même, pour l'embouteillage des eaux de source et minérales, Nestlé Waters France n'est que le deuxième acteur à raison de 17 % des volumes prélevés, quand le premier en totalise 40 %, auxquels s'ajoutent les marques des distributeurs.

Si nous mettons en miroir les 6,4 millions de mètres cubes que prélève Nestlé Waters France et les 5,4 milliards de mètres cubes annuels prélevés en France au titre de l'eau potable, notre part ne se situe qu'à 0,1 %.

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C'est donc injustement que nous est attribué un rôle prépondérant dans la privatisation de l'accès à l'eau en France, et que perdure l'idée selon laquelle les minéraliers accaparent la ressource au détriment de la population. D'ailleurs, les eaux minérales que nous embouteillons ne peuvent pour la plupart pas intégrer les circuits de l'eau du robinet, du fait de leur teneur en minéraux. Pour autant, dans une optique de durabilité des ressources, nous fournissons des efforts et menons une série d'actions en vue du retour des niveaux de la nappe des grès du Trias inférieur (GTI), objet de votre venue sur notre site la semaine passée.

À Vittel, la ressource se divise en trois masses d'eau distinctes, avec les gîtes A, B et C.

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Nous puisons 80 % de nos prélèvements dans les masses A et B, qui montrent un bon état quantitatif, sans problème de recharge. Cependant, le gîte C (gîte des GTI) est déficitaire et à ce jour, nos prélèvements y représentent moins de 500 000 mètres cubes (20 % du total), quand 1,6 million (60 %) y sont prélevés aux fins d'être traités chimiquement pour l'eau du robinet.

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Aussi, nous faisons part de notre désaccord au regard de l'affirmation persistante selon laquelle la ressource serait asséchée en 2050 sur la base d'un déficit d'un million de mètres cubes par an, alors que son niveau réel est de moins de la moitié. Ainsi, l'alimentation en eau n'est en rien menacée. Il faut savoir que Nestlé Waters a largement anticipé la situation et agit en faveur de la nappe C, puisque nous y réduisons nos prélèvements depuis plusieurs années, et ce jusqu'à une diminution de moitié depuis 2010.

Faisant suite aux délibérations du comité de bassin de l'Agence de l'eau Rhin-Meuse, l'État a proposé un protocole d'engagement volontaire en 2020, que j'ai signé au nom de Nestlé Waters, nous engageant à poursuivre cette limitation des prélèvements initiée depuis 10 ans, sachant que nous avions notre parole de passer sous le seuil des 500 000 mètres cubes. Nous poursuivrons nos efforts, comme en atteste notre demande auprès du préfet des Vosges de modifier nos autorisations de prélèvement dans le gîte C. Le protocole officialise également la création de l'observatoire des ressources en eau (ORE), en vue de partager les données, bien que Nestlé Waters transmette les siennes chaque année à la préfecture. Du point de vue règlementaire, nous nous félicitons de l'adoption du schéma d'aménagement de gestion de l'eau (SAGE) par la commission locale de l'eau (CLE) par 42 voix contre 4. L'objectif de retour de la nappe C à son niveau en 2027 est clairement établi, comprenant un point d'étape en 2024 et nécessitant pour ce faire la mobilisation des acteurs publics et privés afin de réduire le déficit, sans que cela n'affecte l'alimentation en eau à la population.

Malgré tous ces efforts volontaires en faveur de la pérennité de la ressource, nous constatons la persistance de ce décalage entre la perception du groupe et la réalité de la situation, décalage qui porte préjudice à notre image et dont les répercussions font souffrir notre activité dans les Vosges.

En conclusion, vous comprenez que nous sommes résolument engagés en faveur d'une gestion durable de la ressource en eau, et du caractère tangible de nos actions en faveur de l'environnement. Nous désirons continuer d'agir dans un climat apaisé, et dépasser la vision négative qui pèse sur nos activités, dans l'intérêt du territoire comme de Nestlé Waters.

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