Intervention de Jean-François Fleck

Réunion du jeudi 22 avril 2021 à 15h30
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Jean-François Fleck, président de Vosges nature environnement, membre du collectif Eau 88 :

Je tiens d'abord à faire part de notre écœurement vis-à-vis du nouveau plan de retour à l'équilibre, car nous nourrissions l'espoir de voir être adoptée notre proposition alternative donnant priorité à l'eau potable et à l'utilisation des seules ressources locales, après l'abandon du projet de pipeline. Or il apparaît que la même philosophie a été conservée, donnant priorité à Nestlé Waters et à l'Ermitage, quand les populations locales auront à s'organiser pour réaliser des économies sur le réseau et la substitution du gîte B.

Nous constatons que Nestlé Waters n'envisage pas cette solution de substitution puisque ses membres ont bien précisé que le SAGE ne portait que sur le gîte C. Des autorisations de prélèvements pourront donc être demandées sans pour autant qu'elles n'entrent dans le SAGE et cet état de fait est invraisemblable.

Il nous semble irraisonné d'envisager un retour à l'équilibre de la nappe en 2024 sur la base de la restitution de 300 000 mètres cubes de la part de Nestlé, puisque personne ne connaît le fonctionnement de la nappe, chose confirmée par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), ni ses volumes, ni non plus ses niveaux en période de sécheresse. Des périodes d'à sec ont été constatées et les seuls pompages ne peuvent en être à l'origine. Une étude d'impact fournie par Nestlé à la direction départementale des territoires (DDT) en 2019 indique une légère incidence sur les cours d'eau et des baisses peu importantes. Cette assertion nécessite d'être vérifiée.

Quand Nestlé Waters se targue de ne représenter que 0,7 % des prélèvements en eau à l'échelle du territoire, l'ironie nous pousse à souffler que ces volumes pourraient tout aussi bien être comparés à ceux de l'eau de mer.

Aussi, un rapport d'Antea de 2019 indique que les pluies efficaces apportent 18 % à 20 % de la recharge du gîte B, quand Nestlé prévoit d'en ponctionner 55 % sur la base de l'étude d'impact de 2019, alors que l'étude d'impact de 2017 mentionnait 15 % à 20 % de prélèvements, nonobstant le fait que toutes ces études ont été réalisées sur la base de chiffres antérieurs aux périodes de sécheresse récentes. Ces études doivent être actualisées, tout comme une étude doit être menée au sujet du fonctionnement de la nappe. Et l'observatoire hydrogéologique ne saurait procéder à ce type d'étude.

Pour le reste, nous savons désormais que le gîte A communique avec le gîte B au niveau de la faille de Vittel. Nous savons également que le gîte B communique avec le gîte C à hauteur de près d'un million de mètres cubes, soit 47 % de la recharge, selon des chiffres transmis par le BRGM. Je fais remarquer que lors de son audition auprès de la commission d'enquête, la représentante du BRGM n'a pas évoqué de chiffres pour les volumes, mais de simples pourcentages. En résumé, nous affirmons que cette nappe présente plusieurs couches en interdépendance, répondant d'un fonctionnement complexe. Entre les pompages et la sécheresse, comment pouvons-nous connaître le niveau d'approvisionnement et de drainance de la nappe inférieure ? Le déficit actuel évoqué serait de 2,1 millions de mètres cubes par an, mais qui peut affirmer qu'il n'a pas évolué et que la recharge ne soit pas moins importante qu'attendue ?

Malgré les économies dans les volumes, auxquelles s'engagent les industriels, la nappe GTI baisse de manière constante et nous estimons qu'un réel suivi piézométrique de la nappe inférieure, du fonctionnement hydraulique de la nappe supérieure, des relations avec la nappe profonde et avec les milieux superficiels, doit être effectué. Ces études sont les seules permettant de prendre les décisions adéquates quant à d'éventuelles substitutions. Il est aisé pour Nestlé de se présenter comme un excellent élève, sachant que l'État lui a accordé une autorisation de prélèvement de 300 000 mètres cubes de substitution dans la nappe B en 2015, et ce au détriment de la collectivité car l'eau en question est potable.

Ces 300 000 mètres cubes obtenus par Nestlé pour des forages à Suriauville en 2015 m'amènent à évoquer la restitution des forages annoncée par les membres du groupe tout à l'heure. Les deux forages que Nestlé compte restituer ne disposent pas d'autorisation préfectorale. Nestlé a seulement été autorisé à procéder à des essais avec ces outils. Nous considérons donc que les forages qui devraient être restitués aux collectivités sont ceux permettant à Nestlé de puiser ses volumes de compensation.

Je conclus mon propos en précisant que nous pouvons apporter les preuves de ce que nous avançons.

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