Intervention de André Flajolet

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 14h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF) :

Vos principaux questionnements portent sur une éventuelle mainmise des intérêts privés sur la ressource. Pour rappel, l'Association des maires de France (AMF) considère que l'existence d'un service de distribution de l'eau et d'assainissement résulte avant tout de la volonté politique des collectivités territoriales. Ces dernières, en effet, ont, dès le début, compris que l'eau était un bien public, qui méritait d'être respecté, contrôlé et distribué par le service public.

La création, en 1964, des comités de bassin et des agences de l'eau est venue consacrer l'eau comme un patrimoine commun de la nation. L'article 2 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, d'ailleurs, l'explicitera clairement. L'eau étant considérée comme faisant partie du patrimoine commun de la nation, elle ne peut, en aucun cas, être soumise à la volonté d'intérêts privés. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne peut pas y avoir de relations entre des entreprises privées et l'intérêt général, concernant l'exécution de l'exploitation de l'eau.

La loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution a démontré que la participation, par délégation, de l'État aux agences de bassin, permettait de fixer une ligne précise, concernant la qualité, la conservation ou la rénovation du patrimoine. Cette volonté a permis de déployer des politiques fortes, venant influencer les comportements humains, qu'ils soient individuels ou collectifs. Ce constat vaut pour le monde industriel, mais également, en partie, pour le monde des collectivités territoriales et le monde agricole, en témoignent les actions de réduction des déchets et de réduction des eaux usées.

Force est aujourd'hui de constater que la question de l'eau est tiraillée entre trois évidences qui relèvent d'espérances folles.

Premièrement, d'aucuns estiment que la quantité d'eau est illimitée, ce qui est erroné. Au contraire, le patrimoine que représente l'eau est aujourd'hui limité et en danger : aussi doit-il être protégé.

Deuxièmement, les outils dédiés à l'eau potable et à l'assainissement sont largement remis en cause par l'institution qui les a créés, en témoigne le rôle joué par l'État dans :

– la contraction des effectifs des agences de l'eau ;

– l'instauration d'un « plafond mordant », qui est venu amoindrir les moyens financiers de ces dernières, ne leur permettant plus de contribuer autant que par le passé au support des structures en charge de la qualité, de la régénération et de la protection de l'eau potable.

Ces démarches viennent priver les collectivités d'une partie de leurs capacités à relever les enjeux liés à l'eau.

En France, troisièmement, l'eau est généralement considérée comme gratuite : or les services afférents ne le sont pas. L'AMF considère que la gestion déléguée et la gestion directe ne sont que des techniques, qui supposent l'existence d'un cadre et de règles éthiques, morales et politiques. Ainsi, la délégation de service doit être une délégation régulièrement contrôlée par l'autorité que représente la collectivité territoriale. Il ne faut, en aucun cas, mettre un élément appartenant au patrimoine de la nation à disposition d'intérêts privés.

La question de l'eau ne se pose aujourd'hui plus sur le seul petit cycle. Elle se pose également sur le grand cycle. À titre personnel d'ailleurs, j'estime qu'elle se pose également au plan international. Quoi qu'il en soit, la question du petit cycle de l'eau ne peut pas être séparée de celle du grand cycle, qui renvoie à la ressource et à sa protection. En pratique, la notion de ressource recouvre :

– les masses d'eau : en la matière, la France est aujourd'hui largement en retard par rapport aux exigences européennes.

– la mer : elle est en train de devenir, faute de règles s'appliquant à tous, un véritable « dépotoir ».

En tout état de cause, l'eau n'est pas simplement un outil de développement économique : elle forme un patrimoine qui doit être respecté dans sa fragilité et son insuffisance, ainsi que dans sa relation directe avec la biodiversité.

Il est primordial d'éviter que des intérêts privés aient la mainmise sur la ressource. Ainsi, certains pays étrangers ont fait le choix de privatiser l'eau : les conséquences sociétales, économiques et sécuritaires de cette démarche sont absolument dramatiques pour les populations. Il est donc indispensable d'éviter le déploiement d'une telle politique en France.

En revanche, il est vrai que les collectivités territoriales sollicitent régulièrement des gestionnaires compétents, par le truchement de contrats. Or certains de ces derniers ne sont pas satisfaisants, ce qui témoigne du fait que l'une des deux – voire les deux signatures n'étaient pas bonnes.

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