Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • intercommunalité
  • régie

La réunion

Source

COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Jeudi 6 mai 2021

La séance est ouverte à quatorze heures.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences procède à la table ronde réunissant les associations représentatives des élus des communes et des intercommunalités :

– M. André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

– M. Sébastien Gouttebel, maire de Murol, président de l'Association des maires ruraux du Puy-de-Dôme, vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), M. François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, et Mme Adèle Laborderie, juriste en charge du dossier Urbanisme au sein de l'AMRF

– M. Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous reprenons aujourd'hui les travaux de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, en tenant notre huitième session d'audition.

Dans un premier temps, nous allons entendre des représentants des associations représentatives des élus de communes et d'intercommunalités. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie de prendre le temps de répondre à notre invitation.

Je vous remercie de nous déclarer tout autre intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

M. André Flajolet, M. Sébastien Gouttebel, M. François Descoeur, Mme Adèle Laborderie, M. Régis Banquet, M. Robin Plasseraud et Mme Charlotte de Fontaines prêtent serment.

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Vos principaux questionnements portent sur une éventuelle mainmise des intérêts privés sur la ressource. Pour rappel, l'Association des maires de France (AMF) considère que l'existence d'un service de distribution de l'eau et d'assainissement résulte avant tout de la volonté politique des collectivités territoriales. Ces dernières, en effet, ont, dès le début, compris que l'eau était un bien public, qui méritait d'être respecté, contrôlé et distribué par le service public.

La création, en 1964, des comités de bassin et des agences de l'eau est venue consacrer l'eau comme un patrimoine commun de la nation. L'article 2 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, d'ailleurs, l'explicitera clairement. L'eau étant considérée comme faisant partie du patrimoine commun de la nation, elle ne peut, en aucun cas, être soumise à la volonté d'intérêts privés. Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne peut pas y avoir de relations entre des entreprises privées et l'intérêt général, concernant l'exécution de l'exploitation de l'eau.

La loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution a démontré que la participation, par délégation, de l'État aux agences de bassin, permettait de fixer une ligne précise, concernant la qualité, la conservation ou la rénovation du patrimoine. Cette volonté a permis de déployer des politiques fortes, venant influencer les comportements humains, qu'ils soient individuels ou collectifs. Ce constat vaut pour le monde industriel, mais également, en partie, pour le monde des collectivités territoriales et le monde agricole, en témoignent les actions de réduction des déchets et de réduction des eaux usées.

Force est aujourd'hui de constater que la question de l'eau est tiraillée entre trois évidences qui relèvent d'espérances folles.

Premièrement, d'aucuns estiment que la quantité d'eau est illimitée, ce qui est erroné. Au contraire, le patrimoine que représente l'eau est aujourd'hui limité et en danger : aussi doit-il être protégé.

Deuxièmement, les outils dédiés à l'eau potable et à l'assainissement sont largement remis en cause par l'institution qui les a créés, en témoigne le rôle joué par l'État dans :

– la contraction des effectifs des agences de l'eau ;

– l'instauration d'un « plafond mordant », qui est venu amoindrir les moyens financiers de ces dernières, ne leur permettant plus de contribuer autant que par le passé au support des structures en charge de la qualité, de la régénération et de la protection de l'eau potable.

Ces démarches viennent priver les collectivités d'une partie de leurs capacités à relever les enjeux liés à l'eau.

En France, troisièmement, l'eau est généralement considérée comme gratuite : or les services afférents ne le sont pas. L'AMF considère que la gestion déléguée et la gestion directe ne sont que des techniques, qui supposent l'existence d'un cadre et de règles éthiques, morales et politiques. Ainsi, la délégation de service doit être une délégation régulièrement contrôlée par l'autorité que représente la collectivité territoriale. Il ne faut, en aucun cas, mettre un élément appartenant au patrimoine de la nation à disposition d'intérêts privés.

La question de l'eau ne se pose aujourd'hui plus sur le seul petit cycle. Elle se pose également sur le grand cycle. À titre personnel d'ailleurs, j'estime qu'elle se pose également au plan international. Quoi qu'il en soit, la question du petit cycle de l'eau ne peut pas être séparée de celle du grand cycle, qui renvoie à la ressource et à sa protection. En pratique, la notion de ressource recouvre :

– les masses d'eau : en la matière, la France est aujourd'hui largement en retard par rapport aux exigences européennes.

– la mer : elle est en train de devenir, faute de règles s'appliquant à tous, un véritable « dépotoir ».

En tout état de cause, l'eau n'est pas simplement un outil de développement économique : elle forme un patrimoine qui doit être respecté dans sa fragilité et son insuffisance, ainsi que dans sa relation directe avec la biodiversité.

Il est primordial d'éviter que des intérêts privés aient la mainmise sur la ressource. Ainsi, certains pays étrangers ont fait le choix de privatiser l'eau : les conséquences sociétales, économiques et sécuritaires de cette démarche sont absolument dramatiques pour les populations. Il est donc indispensable d'éviter le déploiement d'une telle politique en France.

En revanche, il est vrai que les collectivités territoriales sollicitent régulièrement des gestionnaires compétents, par le truchement de contrats. Or certains de ces derniers ne sont pas satisfaisants, ce qui témoigne du fait que l'une des deux – voire les deux signatures n'étaient pas bonnes.

Permalien
François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, membre de l'Association des maires ruraux de France (AMRF)

Je m'associe à une grande partie de l'intervention de M. Flajolet. En tant que maire rural, je m'inquiète du devenir des petites communes, sur le plan des réseaux, mais aussi sur celui de la quantité et de la qualité de l'eau. Contrairement à une idée reçue, l'Auvergne n'est pas le « château d'eau » de la France. D'immenses difficultés y sont rencontrées, alors qu'elle forme un territoire de pâturage.

Comme cela a été mentionné précédemment, l'eau constitue un patrimoine commun qui doit être préservé. Au plan national, il est essentiel de faire attention à son utilisation, en adoptant une certaine éthique. Sur le plan de la ressource en eau ainsi, d'importantes difficultés sont aujourd'hui observées partout en France, et plus particulièrement dans le monde rural, essentiellement sous l'effet de l'insuffisance des moyens financiers disponibles. En effet, les petites communes n'ont pas les moyens de conduire des études importantes. Il est donc primordial que l'État déploie un véritable plan d'ampleur, au bénéfice des petites communes rurales et de la ruralité au sens large.

En complément, il ne fait pas toujours sens de vouloir regrouper l'ensemble des structures de gestion d'un département. En effet, les acteurs locaux connaissent très bien les réseaux, les problèmes et les ressources. En parallèle, certains syndicats sont bien outillés et ne rencontrent pas de problèmes financiers. Il est donc indispensable de s'appuyer sur les structures existantes et d'essayer de regrouper des communes à l'échelle de bassins géographiques, et pas à l'échelle de départements ou de régions.

Une nouvelle fois, l'État se doit de conduire, sur l'ensemble du territoire, un véritable plan Marshall, traitant la question de la ressource, mais également celle de la distribution. En la matière, les opérateurs publics actuels s'appuient sur des personnels compétents, disposent de moyens intéressants et présentent l'intérêt d'être positionnés à l'échelle de bassins. La réunion de l'ensemble de ces acteurs devrait être ponctuellement envisagée, avec le renforcement des connexions, entre les territoires, concernant la question de la ressource en eau. À mon sens en effet, les petites communes rurales ne seront pas nécessairement mieux loties en adhérant à des structures de grande taille.

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

L'eau est à la fois un service public et un patrimoine commun : la puissance publique, en conséquence, ne doit pas en perdre le contrôle. En effet, la maîtrise de la ressource en eau confère un vrai pouvoir sur le développement d'un territoire. En conséquence, elle doit être conservée par la sphère publique.

À mon sens, l'eau constituera très certainement l'enjeu majeur des 20 prochaines années. La France fait face aux conséquences du changement climatique. Il est donc indispensable de maîtriser la ressource en eau, aux fins de proposer une eau d'excellente qualité aux citoyens, mais également de la « sécuriser ». Par conséquent, il convient de protéger la ressource en eau et d'en sécuriser la distribution, en améliorant le rendement des réseaux de distribution.

Il est, pour cela, nécessaire de renouveler les réseaux de distribution, lesquels sont, pour beaucoup, défaillants, voire obsolètes. Or de nombreuses collectivités ne peuvent pas supporter les investissements associés.

Les agences de l'eau ont un rôle majeur à jouer dans l'accompagnement des collectivités : aussi l'État doit-il leur donner les moyens d'accomplir leurs missions, en vue de délivrer aux Français un service public de l'eau de qualité.

S'agissant de la gestion de la distribution de l'eau, certaines collectivités font le choix de la régie publique. D'autres la confient au secteur privé. Au plan national, il existe, en la matière, une certaine forme d'équilibre qu'il n'est aujourd'hui pas question de remettre en cause. En parallèle, 42 % des intercommunalités ont déployé, sur leur territoire, une approche mixte, avec des parties de territoires en régie et d'autres parties de territoire en délégation de service public (DSP).

Quoi qu'il en soit, la loi nous oblige à engager des réflexions aux fins d'identifier la maille territoriale la plus adaptée pour gérer la ressource en eau et sa distribution. La territorialisation de cette compétence va nous conduire – et il s'agit d'une demande de l'AdCF, à désigner des autorités organisatrices, afin que s'exerce une vraie solidarité territoriale, sur les plans de la sécurisation de l'approvisionnement et de l'harmonisation tarifaire. En pratique en effet, les tarifs de l'eau sont, sur le territoire national, extrêmement disparates : à terme de fait, il conviendrait de parvenir à offrir à nos concitoyens, partout en France, une même qualité de service à un même prix.

Encore une fois, la puissance publique se doit de contrôler le service de l'eau (ressources, approvisionnement et distribution). En cas de recours au secteur privé, il est impératif de diligenter des contrôles forts, afin que les services soient bien exécutés et au juste prix.

Enfin, les dernières évolutions réglementaires ont permis d'avancer sur un certain nombre de sujets, qui renvoient :

– aux règles de marché public ;

– au raccourcissement de la durée des délégations ;

– au recours à des commissions d'usagers, extrêmement utiles pour que les citoyens s'approprient les politiques de l'eau.

Ces différentes évolutions, qui vont dans le bon sens, doivent être confortées, pour protéger le patrimoine national, voire international que constitue l'eau. Celle-ci doit rester maîtrisée par la sphère publique, et pas « vampirisée » par des acteurs privés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour vos différentes interventions. Dans ce cadre, vous avez tous insisté sur les moyens des collectivités et des agences de l'eau. Quelles sont, selon vous, les conséquences du déficit de moyens qui a été relevé ? Avez-vous identifié un déficit d'appui ou d'expertise de l'État ?

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Les agences de l'eau ont été largement « ponctionnées » par l'État. Aussi les enveloppes dont elles disposaient par le passé ont-elles largement diminué. Aujourd'hui, 10 des 83 communes de la collectivité que je représente se situent dans une zone de revitalisation rurale (ZRR) et bénéficient des subventions de l'agence de l'eau, alors qu'elles ne représentent que 1 % de la population. Les autres, qui couvrent 99 % de la population, n'en disposent plus. Sans l'accompagnement financier de l'agence de l'eau, il leur sera extrêmement difficile de continuer à distribuer l'eau à un prix constant, tout en engageant, dans le même temps, des investissements dans les innovations comme le renouvellement du réseau, les compteurs intelligents ou les capteurs de détection des fuites.

Permalien
François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, membre de l'Association des maires ruraux de France (AMRF)

Je m'associe totalement à cette intervention. Les agences de l'eau font aujourd'hui ce qu'elles peuvent avec leurs moyens : il est toutefois urgent que l'État agisse.

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

En pratique, les collectivités locales disposent aujourd'hui de deux outils. Le premier est celui de la tarification. Si l'eau est gratuite en effet, les outils permettant de disposer d'eau potable ne le sont pas : il est donc primordial d'avoir le courage de tenir compte de la réalité des prix. Malheureusement, d'aucuns en ont singulièrement manqué, en proposant des prix beaucoup trop faibles au regard de la nécessité de dégager de nouvelles marges financières pour financer le remplacement des outils.

En outre, l'État, quels que soient les gouvernements, a considéré que les disponibilités financières des agences de l'eau étaient à sa disposition, alors qu'il s'agit de redevances consacrées par le Conseil d'État par son arrêt Société des eaux du Nord du 11 janvier 2001 et confirmées par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, que j'ai eu l'honneur de rapporter. En dépit de ces éléments, les agences de l'eau sont soumises à un « plafond mordant » et à des contraintes financières fortes et perdent des emplois. Au sein de l'agence de l'eau à laquelle je suis rattaché, le nombre de ces derniers s'est ainsi contracté de 25 % en dix ans. En parallèle, les exigences de compétences ont été multipliées par deux, avec leur extension au grand cycle de l'eau, c'est-à-dire à la biodiversité.

En complément, l'État a inventé, avec le « plafond mordant », un système extraordinairement pervers. Plus l'activité progresse, plus les sommes reversées à l'État augmentent : en effet, les redevances perçues ne peuvent pas être intégralement utilisées.

Par ailleurs, des pénuries d'eau sont aujourd'hui observées au sein de secteurs où elles n'avaient jamais été envisagées. Le dérèglement climatique, en parallèle, emporte des précipitations plus importantes et bien étalées dans le temps que par le passé, ce qui pose de fortes difficultés. Ainsi, l'agence de l'eau Artois Picardie a d'ores et déjà émis des alertes, concernant la possibilité offerte au monde agricole d'irriguer cet été.

Enfin, l'Europe exige que 50 % des masses d'eau atteignent le bon état écologique d'ici 2026. Dans ce contexte, la France a inventé un concept extraordinaire, à savoir les aires de captage protégées. D'ici 2022 ou 2023, seules 25 à 30 % de ces dernières devraient avoir été mises en place, alors qu'elles auraient toutes dû l'être. De ce fait, les aires de réception stratégique des eaux sont confrontées :

– à une agriculture intensive fortement utilisatrice de pesticides ;

– à des opérations de développement urbain qui ne respectent en rien les dispositions relatives à l'environnement ;

– à des industriels désireux de s'installer.

Il est donc nécessaire de revenir à ce que le général de Gaulle appelait « l'ardente obligation du plan », en matière d'eau et de biodiversité. D'ailleurs, M. François Descoeur et M. Régis Banquet n'ont pas dit autre chose. Les opérateurs techniques présents sur le terrain sont devenus impuissants, parce que l'État ne respecte pas sa parole.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au cours des précédentes auditions, plusieurs intervenants ont pointé l'existence d'une asymétrie entre les autorités concédantes et les entreprises concessionnaires, lors de l'établissement de contrats de DSP. En effet, les concessionnaires négocient plusieurs contrats chaque mois, quand les collectivités ne le font qu'une fois tous les 8 à 15 ans : aussi ces dernières souffrent-elles d'un déficit d'expérience considérable. Quelle est votre position sur le sujet ?

Enfin, vous avez insisté sur l'importance du contrôle. Néanmoins, plusieurs intervenants ont souligné que les entreprises privées retenues ne faisaient pas toujours remonter suffisamment d'informations aux collectivités délégantes. À cette occasion, a été cité l'exemple d'une autorité organisatrice n'ayant pas pu obtenir, de la part du délégataire, les plans du réseau au moment d'un retour en régie. Avez-vous déjà été instruits de ce type de situation ? Avez-vous, pour lever cette difficulté, des préconisations à faire valoir ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

En cas de changement de concessionnaire, la loi du 30 décembre 2006 exige la transmission, par l'ancien délégataire, de l'ensemble des documents administratif et financier au nouvel opérateur. Il suffit donc de la faire appliquer.

En revanche, je reconnais qu'il peut être difficile, pour un certain nombre de collectivités, de se mesurer à de grandes entreprises au moment d'un renouvellement de contrat. Plusieurs associations se sont rapprochées des conseils départementaux, lesquels offrent parfois une expertise en matière d'accompagnement. Certaines intercommunalités ont peut-être également la capacité d'accompagner les collectivités dans le cadre des discussions évoquées.

En la matière, subsiste une incertitude quant à la capacité effective des uns à des autres à saisir l'ensemble des subtilités d'un contrat. Il n'en demeure pas moins que les maires qui le souhaitent peuvent solliciter l'accompagnement de bureaux d'études, pour se prémunir des clauses parfois complexes qu'intégraient et qu'intègrent encore, peut-être dans une moindre proportion, certains contrats de longue durée.

Permalien
François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, membre de l'Association des maires ruraux de France (AMRF)

Je partage le point de vue de M. Flajolet. Au sein de mon département, le conseil départemental a pris en charge, sous l'autorité du préfet du Cantal, le lancement d'un diagnostic de la situation du territoire, sur les plans de la ressource et de la distribution. Il n'en demeure pas moins qu'une collectivité rurale, à un moment donné, peut se retrouver confrontée à un manque de moyens : elle se doit alors de se tourner vers des structures extérieures.

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Les entreprises privées, par le passé, rencontraient directement les maires la plupart du temps. Fort heureusement, cette époque est aujourd'hui révolue. Si les grandes communes disposaient de services en capacité de mener des négociations d'égal à égal, il n'en allait pas de même des petites communes, qui se retrouvaient désemparées et devaient solliciter, lorsqu'elles en avaient les moyens, des bureaux d'études par exemple.

Au sein de l'agglomération de Carcassonne, un transfert a été opéré en 2009. Les contrats sont arrivés à échéance et ont été renégociés en 2017. Les services internes à cette intercommunalité, qui présente une certaine taille, ont assuré de 60 à 70 % des négociations entourant la DSP : ainsi, ils ont fait appel à des bureaux d'études pour traiter de questions très spécifiques. Quoi qu'il en soit, les collectivités, dès lors qu'ils affichent une certaine taille, ont tout intérêt à se doter d'une ingénierie en capacité de mener des négociations.

En tout état de cause, les contrôles constituent l'une des forces des intercommunalités. À titre personnel, j'ai passé l'ensemble de ma carrière au sein du ministère des Finances, dont la devise était « La confiance n'exclut pas le contrôle ». Les DSP doivent s'appuyer sur ce principe : ainsi, les contrats signés doivent impérativement être contrôlés, et cela rapidement.

Comme mentionné précédemment, un nouveau contrat a été signé en 2017 et contrôlé deux ou trois ans plus tard. Cela nous permet aujourd'hui de traiter d'égal à égal avec le délégataire. Par le passé faute de contrôles, les délégataires ne respectaient pas toujours leurs engagements : aussi les collectivités rencontraient-elles, en fin de contrat, un certain nombre de désagréments et de mauvaises surprises.

Enfin, la sphère publique se doit de conserver le contrôle de la ressource en eau, en ce sens qu'elle constitue un patrimoine public essentiel. Il s'agit d'ailleurs de l'un des fondements de notre engagement d'élus. Certes, le secteur privé peut être d'une vraie aide, au regard de ses expertises : il n'en demeure pas moins que le contrôle doit être total. D'ailleurs, je précise qu'il convient également de contrôler les bureaux d'études, mais également les régies publiques. Celles-ci doivent en effet tenir leurs engagements.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le choix du mode de gestion du service public d'eau potable et d'assainissement relève de la libre administration des collectivités territoriales. Les communes et intercommunalités disposent-elles des moyens requis pour faire un choix éclairé, entre régie et DSP ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Le choix du mode de gestion relève, effectivement, de la volonté des collectivités territoriales. À mon sens, la question ne se pose pas dans les termes que vous avez employés. Il serait plus pertinent de la poser comme suit : les collectivités ont-elles la volonté politique de se donner les moyens de saisir les enjeux que représente la gestion de l'eau potable ? Quel que soit le mode de gestion retenu, elles doivent avoir le courage d'établir une grille de lecture objective. Par le passé, des excès ont pu être constatés, dans un sens comme dans l'autre.

Désormais, la loi est venue bousculer de nombreuses habitudes qu'avaient prises de petits syndicats. Nombre de ces derniers ne sont aujourd'hui plus à la hauteur, au plan technique, des exigences affichées, en matière d'environnement, d'eau et d'assainissement.

La question du prix de l'eau me semble être absolument fondamentale. En effet, elle est directement liée :

– aux moyens disponibles pour réparer les outils usagers ;

– à la solidarité qui doit être assurée au bénéfice des populations les plus en difficultés.

La loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, semblait être de nature à identifier des solutions « justes » : néanmoins, elle s'est accompagnée d'un certain nombre de dérives, parfois inacceptables.

D'expérience, je ne privilégie pas la régie par rapport à la DSP ou inversement. Ainsi, j'ai déjà eu l'occasion d'observer des contrats de régie et de DSP exemplaires ou, à l'inverse, extrêmement « artisanaux ». En complément, la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité est venue abaisser la durée des DSP, ce qui a été très utile. Elle a ainsi amené un certain nombre d'élus à prendre conscience de leur devoir de contrôle et d'apport de réponses aux questions pouvant se poser.

À titre d'exemple, j'ai eu l'occasion de donner quatre ans à un délégataire pour supprimer l'ensemble des branchements en plomb : ce dernier s'est exécuté. En la matière, tout est question de volonté politique. Celle-ci a toutefois un coût qu'il convient d'accepter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez évoqué l'existence de dérives dans l'application de la loi Brottes. Pourriez-vous nous apporter plus de précisions sur le sujet ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Avant la promulgation de la loi Brottes du 15 avril 2013, le taux de non-paiement oscillait entre 2,3 et 2,7 %. Désormais, il est compris entre 4,5 et 6,5 %. Dans les faits, ce n'est pas tant la loi Brottes qui est en cause que l'utilisation que certains en font à des fins malhonnêtes. Comment aboutir à un texte législatif permettant d'éviter de telles dérives ? Il est simplement primordial de sanctionner ces dernières.

Permalien
François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, membre de l'Association des maires ruraux de France (AMRF)

La volonté politique est incontournable : les responsables politiques doivent en être convaincus. Par ailleurs, les collectivités ne doivent pas hésiter à s'appuyer sur des structures locales, comme l'agence régionale pour la santé, qui passe souvent pour être répressive : or elle pourrait être extrêmement utile si elle en avait les moyens. Comme l'a signalé M. André Flajolet enfin, toutes les dérives doivent être sanctionnées.

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Je souscris pleinement à l'intervention de M. Flajolet. Dans les faits, certains choix politiques sont simplement dogmatiques et dépendent de la sensibilité de ceux qui les font. Or il est indispensable, pour choisir le bon mode de gestion, de faire preuve de pragmatisme, en prenant le temps de la réflexion. En tout état de cause, les collectivités se donnent – ou pas – les moyens de faire des choix éclairés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous venez d'opposer choix dogmatiques et choix pragmatiques. Selon vous, les choix dogmatiques défendent-ils l'intérêt général ?

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur celles et ceux qui font des choix dogmatiques. Au sein de mon territoire, certains élus ne jurent que par la DSP, laquelle leur apporte une vraie « tranquillité », en les libérant d'un certain nombre de problèmes. D'autres défendent la régie publique, par pur dogmatisme. Loin de moi l'idée de donner raison aux uns ou aux autres, lesquels sont tout aussi respectables. Cela étant, il m'apparaît préférable de travailler pour se donner les moyens de faire un choix véritablement éclairé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous venez d'indiquer que certaines collectivités optaient pour la gestion déléguée pour bénéficier d'une plus grande « tranquillité ». Quelles peuvent être leurs autres motivations ?

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Encore une fois, certains élus font le choix de recourir à une DSP, aux fins d'être « plus tranquilles » : d'une certaine manière, ils signent, en cela, un chèque en blanc au délégataire retenu. Bien évidemment, tous les élus n'optent pas pour la DSP pour cette raison.

L'AdCF a collecté les données relatives aux intercommunalités de France disposant de la compétence Eau et Assainissement. Elle a, sur cette base, organisé un webinaire national, aux fins d'expliquer aux élus que le renouvellement des contrats devait se préparer 2 à 3 ans avant leur arrivée à échéance.

Encore une fois, les deux modes de gestion débattus sont respectables. Il n'en demeure pas moins que les présidents de collectivité doivent faire preuve d'anticipation, pour effectuer un choix véritablement éclairé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Descoeur, selon vous, pourquoi certaines collectivités optent-elles pour la délégation de service public ?

Permalien
François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, membre de l'Association des maires ruraux de France (AMRF)

Parce que cette dernière présente le mérite de la facilité, comme l'a signalé M. Banquet. En tout état de cause, les communautés de communes, sous réserve de faire preuve de suffisamment d'anticipation, peuvent aider à effectuer un choix éclairé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Flajolet, pourquoi certaines collectivités choisissent-elles la gestion déléguée ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

La gestion déléguée exige de l'élu qu'il exerce, de manière pleine et entière, les responsabilités qui lui ont été données par le suffrage universel, sans qu'il en soit pleinement conscient. Cela suppose de faire preuve de courage pour deux raisons.

Premièrement, l'élu doit assumer des responsabilités vis-à-vis de ses électeurs, mais également de la nature et de la ressource en eau. Deuxièmement, il s'engage, dans ce cadre, à s'approprier l'intérêt d'une gestion de long terme d'un bien dont la distribution se fait à court terme.

Il pourrait être envisagé de déployer des mécanismes de tarification sociale intelligents. Pour rappel, la loi du 30 décembre 2006 a imposé la fourniture d'informations au système d'information des services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA) : il serait utile de mettre à disposition de l'ensemble des élus un document accessible, qui leur permettrait d'établir des comparaisons. Ainsi, le prix de l'eau n'est que la résultante d'un certain nombre de services matériels et immatériels, dont les coûts doivent être mesurés et répartis dans la durée.

Pour information, la durée de vie d'une tuyauterie oscille entre 80 et 130 ans, alors que le délai de renouvellement d'une tuyauterie est compris entre 100 et 150 ans. Ce décalage marque l'existence d'un problème.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Selon vous, qui doit supporter le coût des opérations de renouvellement de ces « tuyaux » ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Le consommateur en priorité. En parallèle toutefois, il convient de tenir compte :

– des solidarités de premier niveau (communes et intercommunalités) ;

– des solidarités de deuxième niveau (redevances).

En pratique, les redevances alimentent une « caisse de mutualisation » : malheureusement, l'État a coutume d'y effectuer des prélèvements. Si les collectivités territoriales et les agences de l'eau avaient la volonté politique d'œuvrer à la construction des réseaux, à la protection de la ressource et à la protection des masses d'eau, la situation serait beaucoup moins difficile qu'elle l'est.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si j'ai bien compris, vous estimez que les agences de l'eau, quelle que soit leur volonté politique, n'ont désormais plus les moyens d'agir, parce qu'elles sont trop fortement ponctionnées par l'État.

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Aujourd'hui, les agences de l'eau n'ont plus les moyens d'accompagner les demandes des collectivités, en matière de cycle de l'eau.

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Le plafond mordant est l'une d'entre elles. Il correspond à « une limite maximale de droit à redevance », au-delà de laquelle les sommes perçues doivent être restituées à l'État. L'an passé ainsi, toutes les agences ont procédé à une baisse des montants des redevances Eau et Assainissement.

Pour rappel, la redevance s'entend d'une ressource affectée qui n'appartient pas à l'État. Or ce dernier considère qu'il s'agit d'un impôt, lequel correspond à une ressource non affectée prélevée par l'État, au nom des politiques d'intérêt général. Alors que l'eau relève de l'intérêt général, force est de constater que les prélèvements de l'État ne servent absolument pas à l'eau, à l'assainissement et à la biodiversité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Estimez-vous qu'il serait utile de clarifier, au plan réglementaire, le statut juridique de la redevance ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Non, puisque cela a déjà été fait. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel s'était prononcé sur le sujet, de mémoire en 2001 par sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001. Quoi qu'il en soit, il y a, de la part de tous les gouvernements, une ingérence dans la gestion des agences – et donc, de manière indirecte, dans la gestion des collectivités territoriale - qui n'est pas conforme à l'esprit de la loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourquoi n'avez-vous pas contesté les prélèvements opérés par l'État, en vous appuyant sur la position du Conseil constitutionnel ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Les agences de l'eau sont des établissements délégués de l'État : elles ne sauraient donc mettre en demeure ce dernier.

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Les élus, qui sont membres du comité de bassin, ne disposent pas des moyens juridiques et administratifs requis.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Selon vous, comment cette anomalie pourrait-elle être corrigée ?

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Si j'étais encore parlementaire, je m'intéressais très attentivement aux agences de l'eau et à ce qu'elles représentent, ainsi qu'aux schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. En effet, il s'agit d'outils de planification indispensables.

Il y a quelques jours, la question de la continuité écologique a donné lieu, dans l'hémicycle, à une véritable bronca. À ce titre pour rappel, le « lit de la rivière ne doit pas connaître d'obstacle insurmontable ». Ce débat, extraordinaire, résulte d'une directive européenne. Il fait écho aux politiques des agences de l'eau, que ces dernières ne peuvent absolument plus assumer du fait de la contraction de leurs moyens financiers.

Sur ce plan malheureusement, l'Assemblée nationale s'est contentée de « tuer le messager ». À l'avenir, les agences de l'eau ne manqueront pas de voir reprocher la non-protection des masses d'eau souterraine, alors qu'elles n'en ont simplement plus les moyens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur François Descoeur, comment expliquez-vous le mouvement récent de retour à la régie publique observé au sein des grandes collectivités ?

Permalien
François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, membre de l'Association des maires ruraux de France (AMRF)

Un certain nombre de fonctionnements antérieurs n'ont probablement pas satisfait les élus et les usagers. Ils ont probablement fait émerger un besoin de contrôle accru.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle est, monsieur Régis Banquet, votre position sur cette même question ?

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Beaucoup de collectivités ont renforcé leur ingénierie et leurs services techniques, pour mieux assumer leurs missions. Certaines d'entre elles ont fait le choix politique d'un retour en régie, car elles mesurent ce qu'est le service public de l'eau. En parallèle, les citoyens ont la volonté de contribuer aux politiques publiques de l'eau, laquelle est une ressource à protéger.

À titre d'illustration, j'ai déjà été confronté à des collectivités au sein desquelles le taux de rendement était de l'ordre de 30 à 40 %. Quoi qu'il en soit, il est primordial de se réapproprier - et cela relève d'un choix politique - la gestion de l'eau, tout en en sécurisant l'approvisionnement.

Le renouvellement des réseaux constitue un enjeu majeur, aux fins d'atteindre un taux de rendement correct, c'est-à-dire de l'ordre de 85 %. Certains réseaux sont aujourd'hui obsolètes : s'ils ne sont pas renouvelés, cette situation conduira à d'immenses gaspillages d'eau. Enfin, la politique de l'eau, au sens large, constituera l'un des enjeux politiques majeurs demain, et cela à tous les niveaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au préalable, je tenais à saluer les représentants des collectivités ici présents. « La préservation et la gestion des ressources en eau s'inscrivent dans une vaste évolution des prises de conscience de l'importance que revêtent les questions environnementales. Il est nécessaire que la pérennité des ressources naturelles en eau soit assurée de manière à pouvoir satisfaire aux besoins et aspirations des générations futures notamment ».

Le représentant de l'AdCF, M. Banquet, a insisté sur l'existence de réelles solidarités territoriales. Dans la gestion au quotidien de l'eau, il est donc envisageable de créer des interconnexions de réseaux, entre communes, entre syndicats, voire entre communautés de communes ou entre départements.

In fine, avez-vous observé des différences en matière de solidarité, selon le mode de gestion en vigueur ?

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

La question ne se pose pas en ce sens. La solidarité peut s'exercer, quel que soit le mode de gestion en vigueur. Sur un territoire donné ainsi, elle est dictée par les élus, par exemple par le président d'une intercommunalité. Ainsi, ce dernier décide, en concertation avec les élus, de sa mise en œuvre. Cette solidarité peut porter sur l'interconnexion et la sécurisation de l'approvisionnement de l'ensemble des communes (schémas directeurs, investissements), aux fins d'éviter tout manque d'eau. Dans le sud de la France ainsi, certains territoires sont particulièrement exposés à des risques de pénurie d'eau en fin d'été.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il en va de même dans le nord-est de la France.

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Je n'en doute pas. Le fait de partager, à l'échelle de l'intercommunalité, la politique de l'eau nous a permis de sécuriser la ressource et de mailler le territoire.

Pour l'anecdote, l'agglomération que je représente est passée, en 2013, de 23 à 73 communes. Les petites communes rurales étaient extrêmement réticentes à l'idée de transférer leur compétence dans le domaine de l'eau : en rejoignant une intercommunalité, elles y étaient toutefois contraintes. En la matière, les évolutions ont été assez difficiles à mener. Au regard des investissements réalisés et de la sécurisation en résultant, elles comptent aujourd'hui parmi les plus ardents défenseurs de la mutualisation mise en œuvre. L'idée est d'aboutir, en 2025, à un service et à des prix homogènes, quel que soit le mode de gestion. Enfin, l'intercommunalité a permis à de petites communes de bénéficier d'investissements qu'elles n'auraient pas pu supporter, sans que cela se répercute mécaniquement sur le prix de l'eau. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas tant le mode de gestion qui importe que les choix politiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelle est votre position sur l'offre publique d'achat (OPA) de Veolia sur Suez ? Quelles pourraient en être les conséquences sur les collectivités concédantes ?

Permalien
Régis Banquet, maire d'Alzonne, président de Carcassonne agglo, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

L'AdCF est totalement opposée à la mise en œuvre d'une OPA hostile, qui aboutirait à la disparition d'un acteur majeur de l'eau. Il est primordial de conserver, au plan national, deux acteurs majeurs de l'eau, ne serait-ce qu'au nom de la concurrence et de l'émulation en résultant. À défaut en effet, l'innovation et le développement de nouveaux services ne manqueront pas de se réduire.

À ce stade, il semble que l'opération débattue prenne une tournure plutôt favorable. Si l'un des deux acteurs majeurs disparaissait, de nombreux élus ne manqueraient pas de se réorienter vers une gestion en régie. En effet, les choix se limiteraient alors à une régie publique et à une entreprise en situation de monopole. Enfin, il reste à espérer que Veolia respectera les engagements pris devant les parlementaires.

Permalien
André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF)

Je tenais à revenir brièvement sur l'une des questions posées par M. Olivier Serva. En pratique, les élus sont devenus des aménageurs, du fait de la loi, mais également de l'évolution de leurs compétences. En conséquence, de nombreuses collectivités abordent la question de l'eau sous l'angle de l'aménagement du territoire, ce qui explique l'essor du recours aux régies publiques.

Par ailleurs, les solidarités doivent s'exercer à plusieurs niveaux. Dans le bassin de Picardie à titre d'exemple, des autoroutes de l'eau ont été réalisées. Ainsi, la ville de Lille ne dispose pas d'eau : celle-ci doit donc être récupérée à une cinquantaine de kilomètres de distance. Au-delà de la question financière, l'objectif est d'assurer une mission de service public.

Enfin, l'OPA de Veolia sur Suez met en évidence une réalité internationale qui sous-tend trois enjeux. Ces derniers renvoient :

– à la capacité des populations à accéder à l'eau : certaines catastrophes humanitaires considérables ne sont malheureusement jamais évoquées ;

– à l'utilisation de l'eau par l'agriculture intensive : cette pratique est en train de déstabiliser de nombreux équilibres environnementaux dans le monde entier ;

– à l'économie : la France peut-elle continuer à se permettre d'avoir, au plan mondial, deux opérateurs qui se regardent en chiens de faïence et qui pourraient, demain, ne plus peser d'un vrai poids dans le concert des leaders mondiaux ?

Les cultures respectives de Suez et de Veolia ne permettaient pas à leurs dirigeants de se rencontrer sereinement. Néanmoins, les enjeux identifiés supposent de dépasser un certain nombre de clivages. Il est indispensable que la France jouisse, dans le domaine de l'eau, de l'assainissement et du traitement de l'eau, d'une dimension et d'une reconnaissance mondiales.

Permalien
François Descoeur, maire d'Anglards-de-Salers, membre de l'Association des maires ruraux de France (AMRF)

La France se doit de regarder au-delà de ses frontières. La probité et l'éthique doivent être indissociables de l'utilisation de l'eau. En effet, il est primordial de réguler la consommation d'eau et de veiller à la préservation de l'eau potable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie d'avoir pris le temps de participer à cette audition. Je vous propose de compléter nos échanges en répondant par écrit aux questionnaires qui vous ont été adressés il y a quelques jours.

La réunion s'achève à quinze heures trente