Intervention de André Flajolet

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 14h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

André Flajolet, maire de Saint-Venant, ancien député du Pas-de-Calais, président de la commission Environnement de l'Association des maires de France (AMF) :

En pratique, les collectivités locales disposent aujourd'hui de deux outils. Le premier est celui de la tarification. Si l'eau est gratuite en effet, les outils permettant de disposer d'eau potable ne le sont pas : il est donc primordial d'avoir le courage de tenir compte de la réalité des prix. Malheureusement, d'aucuns en ont singulièrement manqué, en proposant des prix beaucoup trop faibles au regard de la nécessité de dégager de nouvelles marges financières pour financer le remplacement des outils.

En outre, l'État, quels que soient les gouvernements, a considéré que les disponibilités financières des agences de l'eau étaient à sa disposition, alors qu'il s'agit de redevances consacrées par le Conseil d'État par son arrêt Société des eaux du Nord du 11 janvier 2001 et confirmées par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, que j'ai eu l'honneur de rapporter. En dépit de ces éléments, les agences de l'eau sont soumises à un « plafond mordant » et à des contraintes financières fortes et perdent des emplois. Au sein de l'agence de l'eau à laquelle je suis rattaché, le nombre de ces derniers s'est ainsi contracté de 25 % en dix ans. En parallèle, les exigences de compétences ont été multipliées par deux, avec leur extension au grand cycle de l'eau, c'est-à-dire à la biodiversité.

En complément, l'État a inventé, avec le « plafond mordant », un système extraordinairement pervers. Plus l'activité progresse, plus les sommes reversées à l'État augmentent : en effet, les redevances perçues ne peuvent pas être intégralement utilisées.

Par ailleurs, des pénuries d'eau sont aujourd'hui observées au sein de secteurs où elles n'avaient jamais été envisagées. Le dérèglement climatique, en parallèle, emporte des précipitations plus importantes et bien étalées dans le temps que par le passé, ce qui pose de fortes difficultés. Ainsi, l'agence de l'eau Artois Picardie a d'ores et déjà émis des alertes, concernant la possibilité offerte au monde agricole d'irriguer cet été.

Enfin, l'Europe exige que 50 % des masses d'eau atteignent le bon état écologique d'ici 2026. Dans ce contexte, la France a inventé un concept extraordinaire, à savoir les aires de captage protégées. D'ici 2022 ou 2023, seules 25 à 30 % de ces dernières devraient avoir été mises en place, alors qu'elles auraient toutes dû l'être. De ce fait, les aires de réception stratégique des eaux sont confrontées :

– à une agriculture intensive fortement utilisatrice de pesticides ;

– à des opérations de développement urbain qui ne respectent en rien les dispositions relatives à l'environnement ;

– à des industriels désireux de s'installer.

Il est donc nécessaire de revenir à ce que le général de Gaulle appelait « l'ardente obligation du plan », en matière d'eau et de biodiversité. D'ailleurs, M. François Descoeur et M. Régis Banquet n'ont pas dit autre chose. Les opérateurs techniques présents sur le terrain sont devenus impuissants, parce que l'État ne respecte pas sa parole.

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