Intervention de Stéphane Rozé

Réunion du jeudi 6 mai 2021 à 17h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Stéphane Rozé, référent national Eau au sein de la Fédération nationale d'agriculture biologique des régions de France (FNAB) :

Au préalable, je tenais à vous remercier de nous donner la possibilité de nous exprimer aujourd'hui. La FNAB est éminemment attentive à la mise en œuvre d'une bonne politique de gestion de l'eau, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.

L'agriculture se trouve aujourd'hui à un tournant de son histoire, compte tenu du changement climatique. Ainsi, la dépendance en eau n'a de cesse de croitre, alors que la ressource en eau devrait se réduire, comme le montrent les prévisions du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Aussi les systèmes alimentaires et agricoles devront-ils être adaptés à cette nouvelle donne.

Cette situation nous amène inévitablement à nous pencher sur la question du partage de l'eau, qui doit être assis sur un état des lieux des volumes d'eau disponibles. Ainsi, il convient de partir de la ressource en eau, et pas des besoins liés aux pratiques agricoles actuelles, aux fins de concourir à une véritable richesse alimentaire sur les territoires. Il est en effet important de dynamiser ces derniers.

Comment, à partir d'un mètre cube d'eau disponible, créer de la richesse ? Pour cela, il convient :

– de généraliser les pratiques agronomiques qui favorisent la capacité de rétention de l'eau : pour information, un point supplémentaire de matière organique dans les sols accroît de 20 % le taux de rétention d'eau, ce qui constitue, pour l'agronomie, un levier d'action non négligeable ;

– de promouvoir et de développer les systèmes herbagers autonomes et économes : ce point n'appelle pas de commentaires ;

– de mobiliser la recherche publique, autour des systèmes de cultures économes en eau : l'idée est ici de privilégier les cultures les moins consommatrices d'eau.

Par ailleurs, l'irrigation est parfois nécessaire pour produire. Pour la FNAB en revanche, les usages doivent être priorisés, en accordant la priorité à l'autonomie alimentaire et aux productions créatrices de valeur ajoutée.

La création de retenues d'eau collectives doit se faire sous un certain nombre de conditions. Elle doit être :

– précédée d'une étude d'impacts ambitieuse : l'idée est ici d'éviter de voir se multiplier les retenues d'eau, destinées à assurer la continuité de la production, sans faire évoluer les systèmes agronomiques ;

– fondée sur le partage de l'eau, avec une gouvernance ouverte : il ne faudrait pas que de nouveaux agriculteurs soient exclus de l'accès à la ressource en eau, au motif de quotas d'attribution octroyés pour une longue durée ;

– accompagnée d'une véritable animation territoriale, répondant aux enjeux de la transition agricole : dans ce cadre, l'évolution des systèmes agricoles et la préservation de la ressource en eau doivent être privilégiées. L'idée est de faire évoluer les systèmes agricoles pour qu'ils soient moins consommateurs d'eau. En effet, il n'est pas concevable de produire, demain, de la même manière qu'aujourd'hui. Il n'est pas non plus envisageable de poursuivre avec certaines cultures très fortement consommatrices d'eau.

La FNAB défend l'idée d'une gestion publique renforcée de l'eau. L'État se doit de jouer un rôle important dans la gouvernance de l'eau : aussi le poids de la police de l'eau doit-il être renforcé. De surcroît, il est indispensable de développer les connaissances relatives aux prélèvements d'eau, aux fins d'aboutir à une gestion quantitative juste.

Enfin, l'État doit jouer un rôle majeur pour préserver ce bien commun qu'est l'eau, au même titre que l'air. En effet, il doit tout mettre en œuvre pour éviter que certains secteurs se l'accaparent et pour anticiper la diminution de la ressource en eau. Dans ce cadre, l'agriculture biologique a un rôle très important : je ne doute pas que les organisations agricoles travailleront de concert pour gérer raisonnablement la ressource en eau.

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