Les barrages hydrauliques sont des ouvrages hautement stratégiques et sensibles. La mise en concurrence des concessions de ces ouvrages pose des risques majeurs, que nous dénonçons depuis longtemps.
Premièrement, les barrages stockent 75 % des eaux de surface, dont les usages sont multiples. Cette ressource déjà en tension est appelée à se raréfier avec le changement climatique, alors que les usages vont croître. L'étude Explore 2070 du ministère de l'Écologie indique que les débits d'étiage sur nos rivières équipées pourraient baisser de 40 % à 70 % d'ici 2050. Confier cette ressource si sensible à des intérêts privés conduirait à mettre notre souveraineté et notre avenir entre leurs mains, en leur donnant un pouvoir de négociation énorme.
Deuxièmement, les barrages comptent parmi les ouvrages les plus dangereux. EDF n'a heureusement connu aucune rupture de barrage, mais ces ruptures sont en nette augmentation dans le monde en raison de la course à la rentabilité. EDF est une référence mondiale en termes de sûreté. Disperser ces données, ces compétences et mettre les équipes sous pression financière dégraderait les conditions de sûreté.
Troisièmement, les barrages sont essentiels à l'équilibre du système électrique, car ils constituent un moyen presque exclusif de stockage d'électricité à grande échelle et ils sont mobilisables très rapidement. C'est un outil précieux pour éviter les black-out et pour intégrer le solaire et l'éolien. Pour une gestion optimale, le parc de production doit être piloté de manière intégrée. Éclater ce parc entre de multiples acteurs coordonnés par un marché induit des coûts de transaction importants, dés-optimise le système et rend moins fiable son exploitation.
Quatrièmement, les barrages nécessitent des investissements de long terme, dont le coût de financement est un paramètre essentiel. Or l'exigence de rémunération du privé et l'introduction de risques font flamber ces coûts de financement et donc les prix. Il est totalement illusoire de penser que des contrats de concession pourraient protéger contre ces risques. De multiples exemples démontrent le contraire, notamment sur la gestion des réseaux d'eau potable.
Il est en effet impossible de tout prévoir dans des contrats qui courent sur trente ou quarante ans, surtout sur un secteur aussi complexe et aussi évolutif du fait du changement climatique. Il en découlerait des avenants coûteux pour la collectivité et des sous-investissements préjudiciables à la sûreté et à la préservation de l'environnement. Ces dérives sont déjà constatées depuis la libéralisation du système électrique.