Intervention de Marc Laimé

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 13h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Marc Laimé, journaliste spécialisé et conseil sur les politiques publiques de l'eau auprès de collectivités territoriales :

Bien entendu.

Les collectivités qui souhaitent passer en gestion publique n'ont aucune obligation légale de lancer une procédure « loi Sapin ». Dès lors qu'une procédure « loi Sapin » est lancée, il s'avère que, dans 95 % des cas, le contrat est reconduit avec le même opérateur privé. Autrement dit, la concurrence n'existe pas.

L'une de nos propositions consisterait à établir, deux ans avant la fin de chaque contrat de concession, un protocole de fin de contrat, qui permettrait de décider du sort des biens et des personnels avant la fin du contrat, de façon à éviter toute contestation. Selon moi, il faudrait rendre obligatoire l'établissement d'un tel protocole.

Par ailleurs, je préconise d'obliger le concessionnaire à établir des comptes rendus financiers qui respectent les principes du plan comptable général. Alors que les normes du plan comptable général s'imposent à tous les services en gestion publique, ces entreprises ont réussi à y échapper. Les comptes qu'elles produisent ne correspondent donc à aucune forme connue dans le domaine public et s'avèrent parfois fantaisistes.

En outre, les appels d'offres des collectivités devraient respecter un modèle type de contrat, validé par les pouvoirs publics. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a élaboré un modèle type de contrat d'audit en 2010, mais il n'est malheureusement pas utilisé.

Un contrôle de validation des études préalables au choix du mode de gestion et du rapport du président de l'exécutif devrait être instauré. Ce contrôle serait assuré par une mission conjointe de la direction régionale des finances publiques (DRFIP), de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la chambre régionale des comptes (CRC). Voilà qui contribuerait à éviter de nombreuses dérives.

Il serait également bon d'organiser un débat public annuel, devant la représentation nationale, sur l'état et les évolutions de l'ensemble des concessions de service public en France.

En avril 2016, la France a transcrit la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession, qui a considérablement modifié les fondements et le mode de fonctionnement des contrats de concession. Depuis lors, il n'est plus possible d'appeler « DSP » ou « affermage » les dispositifs existants auparavant.

Les nouveaux contrats de concession établissent une frontière. Ainsi, en dessous d'une durée de cinq ans, aucune justification n'est demandée au concessionnaire, alors que, pour un contrat de concession de plus de cinq ans, le futur concessionnaire doit justifier de la durée de ses amortissements, laquelle doit être cohérente avec la durée du contrat. De plus, dorénavant, les contrats de concession prévoient d'emblée que si des innovations techniques, qui n'existaient pas au moment de la signature du contrat, apparaissent en cours de concession, un droit d'avenantage est ouvert au concessionnaire privé. Les élus, qui ont cru signer une concession de sept ou huit ans, peuvent donc se voir imposer par l'entreprise une prolongation du contrat par voie d'avenant. Les collectivités n'ont pas encore pris conscience de cette disposition.

Enfin, je suis farouchement partisan de la création d'une haute autorité de régulation. Depuis une quarantaine d'années, tous les anciens grands monopoles publics ont été libéralisés tour à tour, dans l'énergie, les télécommunications, etc.). Ce mouvement s'est accompagné de la création d'une autorité de régulation, ayant des pouvoirs de contrôle et de sanction. Or le domaine des multi-utilités a toujours échappé à toute forme de régulation. Il s'agit d'une véritable anomalie structurelle. Cependant, aucune majorité parlementaire n'acceptera jamais la création d'une telle autorité. Il est question de politiques publiques essentielles et de marchés représentant des dizaines de milliards d'euros, mais ce secteur n'est pas régulé.

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