Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, « Les États parties respectent le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant. »
L'article 9-3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant marque et légitime juridiquement la coresponsabilité des parents dans l'éducation de leurs enfants, sauf dans le cas où cela irait à l'encontre de leur intérêt supérieur. C'est toute la dimension que nous avons voulu donner à cette proposition de loi.
Je tiens à préciser devant la représentation nationale les méthodes qui ont été employées pour la préparation de ce texte. C'est important, au vu des agacements manifestés par certains de nos collègues. Juger d'un texte législatif au seul prisme de sa situation personnelle n'est pas toujours un atout dans l'exercice de nos fonctions. Personnellement, je suis partie d'une feuille blanche, n'ayant aucun préjugé sur les modes de résidence des enfants de parents séparés.
Pour nourrir notre travail législatif, nous avons, avec M. le rapporteur, lu de nombreux rapports, rencontré des experts, des associations de différentes sensibilités, des juges aux affaires familiales et des avocats, reçu bon nombre de témoignages.
Commençons par mettre fin aux confusions qui ont été faites autour de cette proposition de loi du MODEM. Le titre initial, « Principe de garde alternée des enfants », ne correspondait pas au contenu. Non, ce texte n'instaure ni partage de temps égalitaire ni automatisation de la résidence alternée. Il ne traite pas du temps qu'un enfant doit, devrait, ou aimerait passer chez chacun de ses parents.
Ce texte traite de la coparentalité. La coresponsabilité des parents dans l'éducation de leur enfant peut se dégrader à partir de la séparation – c'est un fait quantifiable, avec des conséquences qualifiables. Quelques chiffres peuvent nous en faire prendre conscience. Si je vous dis : « 71 %, 19 % et 10 % », vous imaginez bien que 19 % ne représente pas le temps que l'enfant passe chez sa mère et que 71 % n'est pas la part des enfants qui résident habituellement chez leur père à la suite d'une séparation.
Aujourd'hui, 80 % des couples qui se séparent s'entendent sur la résidence de l'enfant ; 71 % d'entre eux décident d'un commun accord, sans recourir à l'arbitrage d'un juge, que leur enfant résidera de manière habituelle chez sa mère. Une mère qui, statistiquement, n'arrivera pas à refaire aussi bien sa vie que son ex-conjoint ; une mère qui n'aura pas toujours le même avancement que son ex-conjoint ; une mère qui ne trouvera pas forcément d'emploi près de chez elle.
Il est devenu indispensable d'attribuer au père comme à la mère les mêmes responsabilités et de ne pas faire peser leur coresponsabilité sur un seul d'entre eux.
Parmi les couples qui se séparent, seuls 19 % décideront de la résidence alternée. Ce chiffre tend à augmenter, lentement mais sûrement, reflet d'une implication grandissante des pères dans le quotidien de leurs enfants, avant comme après la séparation. Dans 10 % des cas, les parents décident que l'enfant ira chez son père.
L'immense majorité des séparations se passent dans l'entente ; 10 % seulement des parents s'affrontent sur la résidence de l'enfant. Les mères prennent alors les enfants dans 63 % des cas, les pères dans 24 % des cas, et le choix de la résidence alternée est fait dans 12 % des cas. Ce n'est pas être masculiniste de dire que les juges aux affaires familiales suivent la tendance naturelle des familles, avec un peu plus d'équilibre toutefois entre le père et la mère.
Expliqués ainsi, les chiffres choquent moins ; nous avons tous des préjugés sur la responsabilité qui incombe aux parents concernant les enfants. Les enfants ont besoin de leurs deux parents, à des fréquences certes différentes en fonction de l'âge ; l'implication des deux parents reste nécessaire.
Les hommes, toutes situations confondues, se voient moins attribuer la résidence de leur enfant – les chiffres en attestent. Il est indispensable de tenter de rétablir un équilibre. Ce n'est pas être antiféministe que de se poser cette question : pourquoi les hommes ne pourraient-ils pas davantage s'occuper de leurs enfants après leur divorce ou leur séparation ?
Non, cette proposition de loi n'instaure ni automatisation ni partage de temps égalitaire, contrairement à ce qui a pu être dit. L'objectif est surtout de supprimer du code civil la notion de « droit de visite et d'hébergement », qui est outrageuse pour les parents et qui ne correspond plus à l'organisation des nouvelles formes de famille.
Si le titre pouvait inspirer des doutes, ni l'exposé des motifs ni le texte initial ne prévoyaient le partage de résidence selon une répartition de temps égalitaire entre les parents. Ce texte prévoit une double domiciliation administrative de l'enfant chez chacun de ses parents, lesquels restent décisionnaires sur les modalités de fréquence et de durée.
Il ne serait pas bon que le législateur décide du temps que l'enfant passe chez ses parents, car c'est aux parents et au juge d'en décider et de s'adapter à ses besoins, en fonction de son âge, de la distance des domiciles et de l'ensemble des critères énumérés par l'article 373-2-11 du code civil. Il convient de même de tenir compte des violences que l'un des parents ferait subir à l'autre, élément crucial déjà pris en considération dans le code civil et par le juge aux affaires familiales.
Si ces graves problématiques ne sont pas abordées dans cette proposition de loi, elles ne sont pas renforcées pour autant. Et bien qu'il y ait encore beaucoup de choses à améliorer en la matière, ce n'est pas le sujet dont traite ce texte. On aurait pu préférer un texte plus large, intégrant d'autres éléments, par exemple le statut du beau-parent.
Je tiens à rappeler que cette double domiciliation ne modifiera en rien les modalités administratives et juridiques accessoires découlant de la résidence alternée, telle que la réglementation fiscale.
En revanche, le travail en commission aura permis de nous assurer que le juge aux affaires familiales gardera la main sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale dans les cas où l'intérêt de l'enfant ne serait pas respecté, tant sur les modalités de fréquence et de durée que sur la résidence elle-même.
La résidence deviendrait double, quel que soit le temps passé chez ses parents. Ainsi, un enfant qui passe un week-end sur deux chez sa mère disposerait tout de même de la double domiciliation.
C'est alors que nous gommerions la notion de « droit de visite et d'hébergement » d'un parent, pourtant en pleine possession de son autorité parentale. Cette notion n'a plus sa place dans notre société actuelle et notre droit positif doit s'adapter aux évolutions de notre époque.
Non, l'objectif n'est pas de promouvoir l'égalité des pères et des mères. La seule boussole du groupe La République en marche a été l'intérêt de l'enfant. Le juge a ainsi été remis au centre de dispositif, ultime garant de l'intérêt de l'enfant, sur le court, comme sur le long terme.
Alors qu'apporte cette proposition de loi ? Une contribution symbolique qui pourrait bien apaiser les tensions lors de la séparation des parents. C'est symbolique peut-être, mais pour certains parents, ça veut dire beaucoup.
Un de nos concitoyens l'a très bien compris et me l'a expliqué en ces termes dans un mail : « la question de la résidence est importante : il s'agit de donner une égale dignité aux deux parents. On peut n'y voir qu'une portée symbolique, mais les symboles et les mots sont importants et sont d'importants leviers de changements sociétaux. Parce que la dichotomie actuelle entre résidence – alternée ou non – et le droit de visite et d'hébergement est génératrice de guerres judiciaires, dont les victimes sont les enfants. Il est probable que certaines attaques devant les tribunaux ne visent qu'à tenter de retirer sa dignité à l'autre parent, à le dévaloriser, en le reléguant au statut de sous-parent chez qui les enfants ne résident pas. La suppression de cette dévalorisation dans les termes supprimerait ou allégerait certaines de ces attaques, pour le plus grand bien des enfants, dont les parents seront un peu moins poussés à la guerre par la machinerie judiciaire. Parce que le succès de ce projet de loi serait déjà une avancée, et que toute avancée est bonne à prendre. »
Le groupe La République en marche soutient cette proposition, car elle consacre le droit d'un enfant d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents.