Intervention de Antoine Frérot

Réunion du jeudi 27 mai 2021 à 18h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia :

Veolia exerce trois métiers, à savoir la gestion de l'eau, la gestion des déchets et la gestion de l'énergie locale. Le chiffre d'affaires de l'entreprise s'établit à 27 milliards d'euros pour l'année 2019. L'eau en représente 41 %, la propreté 37 % et l'énergie 22 %.

Veolia est présent sur tous les continents. Les activités en France (y compris les activités de travaux) représentent 32 % de notre activité, tandis que l'Europe (hors France) en représente 35 % et le reste du monde 33 %.

Veolia s'adresse à deux grands types de clientèle : les collectivités (à hauteur de 52 % de son activité) et les industriels ou le secteur tertiaire (à hauteur de 48 %). Cette proportion a beaucoup évolué ces dernières années. En effet, voilà huit ou neuf ans, les collectivités représentaient 80 % de notre clientèle.

Veolia compte 179 000 salariés dans le monde, dont 52 000 en France, 64 000 en Europe (hors France) et 63 000 dans le reste du monde.

Veolia a démarré un nouveau programme stratégique de quatre ans en début d'année 2020, avec l'ambition de devenir l'entreprise de référence de la transformation écologique. Notre priorité est de rechercher l'impact maximum de toutes nos activités pour chacune de nos parties prenantes.

Veolia intervient presque toujours à travers le modèle de la gestion déléguée pour gérer l'eau pour le compte des collectivités. Veolia n'est donc propriétaire d'aucune ressource en eau. Les collectivités définissent le contenu du service proposé, valident les prix et décident d'en confier la gestion à une entreprise telle que Veolia, par contrat.

Veolia a développé des technologies de traitement et de distribution d'eau. Nos techniques d'organisation du travail pour la distribution d'eau nous différencient de nos concurrents, sachant que les activités de gestion de l'eau supposent une forte quantité de main-d'œuvre et mobilisent d'importantes compétences techniques. Étant donné que les techniques évoluent relativement rapidement, les salariés doivent bénéficier d'une formation permanente, tout au long de leur carrière. C'est la raison pour laquelle Veolia a développé une forte activité de formation professionnelle, par l'intermédiaire de centres de formation propres (trois en France et une dizaine hors de France).

Nous avons forgé notre compétence grâce à la grande variété de contrats que nous gérons, dans des contextes très divers. Dans nos métiers, il existe de forts effets d'échelles. Lorsqu'un problème se pose chez un nouveau prospect, il est probable que celui-ci ait déjà été résolu ailleurs, dans notre portefeuille de contrats. Ainsi, nous nous appuyons sur notre expérience, pour séduire de nouveaux clients.

Dans les années à venir, les technologies de traitement et le digital seront particulièrement sollicités, en vue de prendre en charge les nouveaux polluants et pour améliorer les rapports entre nos clients et notre entreprise.

Le projet de rapprochement avec Suez est né lorsqu'Engie a pris la décision, à la fin du mois de juillet, de mettre en vente sa participation dans Suez. Cette participation étant importante, la décision d'Engie revenait à mettre en vente Suez, puisque personne n'aurait racheté une participation aussi conséquente sans avoir un projet global pour l'entreprise. Veolia s'est immédiatement demandé qui était susceptible de racheter Suez, notre principal concurrent en France et dans le monde, car cela n'aurait pas été sans conséquence pour nous.

Cette mise en vente représentait une opportunité à saisir. À l'heure où l'urgence écologique n'a jamais été aussi forte dans le monde et où les populations attendent des solutions pour réussir la transformation écologique, le fait de rapprocher nos deux entreprises, leurs talents, leurs capacités d'innovation, leurs moyens financiers et leur empreinte géographique permettait de bâtir un groupe plus fort.

Les attentes des populations étant importantes, la demande envers les métiers de la transformation écologique ne peut que croître rapidement. D'ailleurs, tous les plans de relance font une large place au domaine de l'écologie. Le moment était donc idéal pour proposer la constitution d'une entreprise leader dans le monde, capable de proposer de nouvelles solutions, pour réussir la transformation écologique. Avec ce rapprochement, nous avons l'ambition de devenir le grand champion mondial dans ce domaine, pour plusieurs décennies.

Dans nos activités traditionnelles (production et distribution d'eau potable, traitement des eaux usées, collecte et traitement des déchets), de nombreuses innovations et de nombreux développements restent à venir. Pour mémoire, 10 % des services publics d'eau dans le monde sont délégués à des entreprises privées, pour 90 % de régies. De même, la plupart des industriels assurent eux-mêmes la gestion de l'eau, jusqu'à ce que les contraintes réglementaires les conduisent à se tourner vers des professionnels pour les relayer. Les opportunités de développement sont donc nombreuses.

Par ailleurs, nous proposons des solutions nouvelles, que nous avons récemment mises au point. Leur généralisation sera nécessaire pour réussir la transformation écologique. La ressource en eau se raréfiant, l'eau deviendra trop précieuse pour n'être utilisée qu'une fois. L'idée consiste donc à traiter davantage les eaux usées, afin qu'elles soient réutilisées à de nouvelles fins, notamment à des fins agricoles ou industrielles, voire domestiques. Cette démarche est sans doute la meilleure solution pour faire face au problème de rareté de l'eau dans le monde. Veolia et Suez ont d'ailleurs développé des activités de recyclage des eaux usées dans de nombreux pays. Ainsi Veolia alimente largement Singapour, Brisbane ou la capitale de la Namibie avec ses usines de recyclage des eaux usées. Suez a développé des activités similaires, notamment en Espagne.

La France commence à s'intéresser à cette démarche. Au-delà du recyclage pour un usage agricole, qui était déjà un peu développé, le recyclage des eaux usées pour en faire une nouvelle ressource à destination de l'alimentation domestique se met peu à peu en place. Ainsi, un important projet vient d'être lancé en Vendée.

En réunissant nos compétences, nos savoir-faire, et nos moyens de financement, nous serons les mieux placés pour proposer des solutions de recyclage des eaux usées, lesquelles me paraissent plus intéressantes que le dessalement d'eau de mer.

Dans le domaine des déchets, les plastiques usagés peuvent être recyclés, grâce à des solutions bien maîtrisées. Veolia s'est développé dans le polytéréphtalate d'éthylène (PET), le polypropylène et le polyéthylène haute densité, tandis que Suez s'est spécialisé dans les films plastiques, les emballages plastiques et le polystyrène. Alors que les résines que je viens de citer représentent 70 à 80 % des plastiques utilisés dans le monde, la part recyclée est largement inférieure. Ensemble, nous proposerons des solutions complémentaires à nos deux collèges de clientèle. Le rapprochement de Veolia et Suez devrait permettre de généraliser le recyclage des plastiques.

Enfin, nous travaillons sur les solutions qui n'existent pas encore, mais dont nous aurons besoin dans les vingt ou trente ans qui viennent. Le développement de ces nouvelles solutions est un enjeu majeur. Nous avons l'ambition de devenir leaders du recyclage des batteries électriques en Europe, de façon à supprimer la pollution, à extraire les matériaux rares et chers (lithium, cobalt, nickel) et à favoriser l'implantation d'unités de production de batteries neuves à partir de ces produits recyclés. La qualité de l'air dans les bâtiments est également un enjeu important. Il convient de mettre au point des solutions accessibles économiquement pour l'ensemble des bâtiments recevant du public (écoles, supermarchés, hôpitaux, bureaux, etc.). En outre, la capture du carbone à un prix raisonnable est incontournable, car nous ne parviendrons pas à diminuer suffisamment les émissions pour limiter le réchauffement climatique. Enfin, des solutions restent à inventer pour nourrir dix milliards de personnes avec moins d'eau, moins d'énergie et moins de sols.

Notre projet de rapprochement est avant tout un projet de développement : développement de solutions et développement économique.

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