C'est le sujet. Mais revenons à ce qui nous réunit aujourd'hui. On divorce ou on se sépare rarement de gaîté de coeur. Pourtant, 44 % des personnes qui se sont mariées finissent par se séparer. Chaque année, près de 200 000 enfants sont concernés par le divorce de leurs parents.
Trop souvent, à ce drame s'en ajoute un autre, celui de la perte de lien entre les enfants et leur père. Après un divorce, près d'un enfant sur trois voit très rarement son père, et un enfant sur cinq ne le voit jamais !
Autre chiffre, inquiétant, alarmant : seulement 19 % des pères demandent à bénéficier de la garde alternée. Si les parents la réclament, ils obtiennent gain de cause dans 93 % des cas.
Je vous parlais à l'instant des droits de l'enfant. Je préciserais des droits de l'enfant vis-à-vis de ses parents, dont celui, naturellement, de pouvoir bénéficier de ses deux parents. Même en cas de divorce, la responsabilité des parents est de maintenir, coûte que coûte, ce qu'on peut appeler un couple parental ou plus exactement un équilibre parental, pour le bien de leurs enfants. Je parlerais, à cet égard, d'obligation morale.
Monsieur le rapporteur, vous l'avez dit jeudi 23 novembre dernier, l'objectif de votre proposition de loi n'est pas d'imposer la garde alternée à temps égal mais de la privilégier, au nom, notamment, de l'égalité entre les parents. C'est une manière, je le comprends, de responsabiliser les pères.
Je m'interroge : l'égalité entre les parents, bien sûr, est importante mais, encore une fois, ce qui doit primer, ce qui est essentiel, c'est d'abord et avant tout l'intérêt de l'enfant. Tout le reste est secondaire.
Or, rappelez-vous, en 2014, 4 400 médecins, pédiatres, psychiatres, professionnels de l'enfance avaient adressé une pétition aux députés pour s'opposer à la résidence alternée. Ils s'appuyaient sur un constat : chez les tout-petits, jusqu'à 3 ans, voire jusqu'à 5 ans, la résidence alternée peut engendrer une perte de repères. Ils précisaient même que 20 à 25 % des enfants soumis à ce régime de garde alternée et qui sont vus par un médecin, ont, je cite, « des difficultés pour s'endormir, sont angoissés, s'accrochent à leur mère ». Plus tard, un certain nombre d'entre eux sont sujets à de l'hyperactivité ou encore à des angoisses persistantes. En revanche, les enfants dont les parents ont choisi de fixer un hébergement principal voient ces troubles chez leurs enfants s'atténuer plus rapidement.
Or, avec cette proposition de loi, vous voulez faire de la résidence alternée une règle – le texte prévoit que « à titre exceptionnel, le juge peut fixer la résidence de l'enfant au domicile de l'un des parents ». J'ai bien compris que vous tentez de faire marche arrière en parlant de double résidence, de proposition de loi symbolique qui ne change pas grand-chose en droit. Dont acte.
Je vous appelle à la plus extrême prudence : vouloir imposer un principe général au nom de l'égalité entre les parents peut s'avérer problématique, voire préjudiciable pour l'enfant. Chaque cas, chaque famille, chaque divorce est unique. Laissons au juge – et aux parents eux-mêmes quand cela est possible, le choix, le choix difficile de la garde la mieux adaptée à l'enfant ou aux enfants. Je le sais, vous ne fermez pas la porte à cette possibilité, mais vous souhaitez qu'elle devienne l'exception.
Je le répète, si, dans ce domaine, rien ne peut être résolu de manière totalement satisfaisante – nous le savons tous – , ne faites pas des enfants une variable d'ajustement pour assurer l'égalité entre les parents. Ne perdons jamais de vue l'intérêt de l'enfant, de nos enfants. Celui-ci devrait toujours primer sur l'égalité entre les deux parents, sur leurs envies et sur leur ego, car c'est cela aussi être parent : savoir s'effacer devant les besoins de son enfant.