Intervention de Zivka Park

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2017 à 21h30
Résidence de l'enfant en cas de séparation des parents — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaZivka Park :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi relative à la résidence de l'enfant en cas de séparation des parents cherche à poser le principe selon lequel la résidence administrative de l'enfant est au domicile de chacun de ses parents, sauf exception décidée par le juge et motivée par l'intérêt supérieur de l'enfant tels que des violences ou les besoins particuliers de l'enfant.

Il s'agit d'un message symbolique qui vise à conforter le droit de l'enfant à maintenir le lien avec ses deux parents, sans pénaliser l'un d'entre eux ni altérer la perception de son rôle.

Revenons un instant sur le principe de coparentalité que la loi de 2002 relative à l'autorité parentale s'est attachée à renforcer. Initialement développée lors de la réforme de 1993, la notion de coparentalité signifie qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'être élevé par ses deux parents, même en cas de séparation. Rappelons que l'article 18 de la Convention internationale des droits de l'enfant, que nous avons ratifiée le 7 août 1990, dispose que « les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. » La proposition de loi du groupe MODEM vient apporter une nouvelle pierre à l'édifice, en nous permettant d'appliquer pleinement cette convention.

Nous comprenons l'ensemble des critiques exprimées. Bien des choses peuvent être encore améliorées pour trouver un équilibre entre l'intérêt supérieur de l'enfant, l'égalité des droits des parents et l'exercice serein de la coparentalité.

Je souhaite apporter un éclairage sur les législations au sein de l'Union européenne sur ce sujet – non qu'il soit question de s'aligner sur un modèle européen mais simplement à titre d'information. Un grand nombre des législations européennes prévoient la possibilité de mettre en place une résidence alternée. Celle-ci tend à se développer, jusqu'à devenir le mode de garde privilégié en Europe, remplaçant de fait le modèle de garde classique chez la mère, par un modèle plus participatif, dans lequel les pères sont plus impliqués dans la vie de leurs enfants et où les parents partagent le pouvoir décisionnel.

De nombreux États ont fait évoluer leur droit de la famille. En Espagne, la loi du 8 juillet 2005 a ainsi introduit expressément la notion de garde partagée, dénommée garde conjointe. La fixation de la résidence de l'enfant en alternance au domicile de chacun des parents résulte en principe d'un accord de ces derniers, qui donne lieu à des plans parentaux prévoyant la durée de chaque séjour, le mode d'éducation ou les loisirs. Par exception, en l'absence d'accord des parents, la garde conjointe peut être demandée par l'un d'eux seulement, si cela est conforme à l'intérêt de l'enfant. Le juge espagnol peut imposer la garde conjointe, malgré l'absence d'accord des parents, mais à de strictes conditions. La garde conjointe est expressément exclue en cas de violences familiales – il est important de le rappeler.

Dans le droit civil italien, est réaffirmé le droit pour l'enfant au maintien d'une relation continue et équilibrée avec chacun de ses parents. Ainsi, le juge italien doit examiner prioritairement une possibilité de garde alternée. Il n'est pas question d'un partage égalitaire du temps avec l'enfant, mais du renforcement de l'exercice de la coparentalité. Par ailleurs, la Cour suprême de cassation italienne considère qu'un simple conflit entre les parents n'empêche pas la mise en place d'une garde alternée – des circonstances particulières doivent être alléguées.

En Belgique, la loi va même plus loin. Elle vise « à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés ». La loi demande ainsi au juge de privilégier un mode de résidence alternée entre les parents de l'enfant. La demande peut être formulée par les deux parents, mais lorsqu'elle émane d'un seul d'entre eux, le juge belge doit examiner en priorité la possibilité de fixer l'hébergement de l'enfant de manière égalitaire entre ses parents. Dans tous les cas, les tribunaux belges doivent statuer par des jugements spécialement motivés, en tenant compte des circonstances concrètes de la cause ainsi que de l'intérêt des enfants et des parents.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne cherche pas à s'aligner sur les législations de nos voisins. Elle n'entend pas imposer un partage égalitaire du temps passé chez les deux parents, ni prescrire des modalités de garde de l'enfant. Sur ce point, les pouvoirs du juge ne sont pas altérés : ce qui était possible jusqu'à présent le demeurera.

Elle ne vient pas bouleverser non plus le droit de la famille. L'intérêt de l'enfant sera préservé. L'intervention et les pouvoirs du juge ne seront pas modifiés. Elle vient répondre à une volonté croissante de chacun des parents de s'investir dans la relation avec son enfant, même après une séparation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.