Intervention de Bernadette Le Bihan Ardon

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 10h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Bernadette Le Bihan Ardon, présidente de la Société réunionnaise pour l'étude et la protection de l'environnement – Réunion nature environnement (SREPEN-RNE) :

J'ai pris connaissance du questionnaire que vous nous avez transmis. Bien évidemment, il ne sera pas possible, en cinq minutes, de traiter l'ensemble des questions. Néanmoins, je tenais à vous faire partager quelques remarques et observations, qui balaieront l'ensemble de ces dernières, à l'exception de celles qui portent sur la consommation et le prix. En effet, les représentants des consommateurs pourront s'exprimer sur ces sujets.

La Société réunionnaise pour l'étude et la protection de l'environnement – Réunion nature environnement (SREPEN-RNE), qui fête son 50ème anniversaire cette année, est une association crée en application de la loi de 1901. Elle est représentée au conseil d'administration de l'office de l'eau depuis plusieurs années : je suis d'ailleurs vice-présidente du comité de l'eau et de la biodiversité, depuis sa mise en place. Je contribue donc largement aux réunions et aux actions liées au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), lequel est actuellement soumis à consultation publique, et au plan de gestion des risques d'inondation (PGRI).

Selon les statistiques issues des directives européennes sur l'eau, 56 % des masses d'eau, qu'elles soient souterraines ou en bordure littorale, ne sont pas en bon état. En complément, le déficit en eau est inévitable, du fait :

– des effets du changement climatique, qui sont d'ores et déjà annoncés à La Réunion ;

– de la scission du territoire de La Réunion en deux parties différentes.

Si aucune mesure complémentaire au SDAGE n'est prise, aux fins de faire évoluer les usages, La Réunion ne manquera pas de connaître de vrais problèmes, concernant l'alimentation en eau. Aujourd'hui malheureusement, la population est maintenue dans l'ignorance de la réalité de la situation.

Il est donc indispensable :

– d'exposer la réalité telle qu'elle est ;

– de faire évoluer les habitudes de consommation et le prix de l'eau ;

– de développer une plus grande sobriété dans les usages des citoyens, du monde agricole et du monde industriel.

La ressource est pour l'heure abondante et excède nettement les besoins, qui représentent 220 millions de mètres cubes par an. Malheureusement, la situation ne restera pas en l'état.

S'agissant de la gestion de la ressource, je rappelle simplement que les communes et les intercommunalités doivent assurer l'approvisionnement de leurs populations. En la matière, l'agence régionale de santé (ARS) a commis, en 2019, un rapport très explicite, qui dresse un état des lieux de chaque commune.

En tant qu'association de protection de l'environnement, la SREPEN-RNE a identifié trois points de préoccupation majeurs :

– le transfert des eaux de l'est vers l'ouest de l'île : le projet Irrigation du littoral ouest (ILO) a pour objectif de prélever les abondantes ressources en eau de l'est pour les transférer à l'ouest de l'île. Il n'aurait jamais dû être mis en œuvre. Du fait des effets du changement climatique ainsi, la partie est connaît aujourd'hui un réel déficit en eau ;

– le gaspillage de la ressource : au-delà des fuites observées, EDF rejette, dans le cadre de ses activités industrielles des millions de mètres cubes d'eau dans la mer : en effet, la biodiversité, dans les années 80, n'était malheureusement pas prise en compte. En réutilisant cette eau, il sera possible d'alimenter toutes les agglomérations du nord et de l'est, jusqu'à Saint-Denis ;

– la nécessité d'aller vers l'autonomie partielle pour l'approvisionnement d'une partie de la population : bien évidemment, cet objectif sera difficile à atteindre pour les personnes qui résident dans des immeubles. En revanche, il peut l'être beaucoup plus facilement pour celles qui résident dans des maisons individuelles. Les concernant, il est indispensable de mettre en œuvre des systèmes de récupération des eaux de pluie. Par le passé, les habitants de La Réunion avaient développé des pratiques en lien avec la nature, lesquelles se sont perdues au fil du temps. Il convient désormais d'équiper les maisons de citernes et de déployer, en regard, des aides financières et des dispositifs d'incitation fiscale. En effet, environ 40 % de la population réunionnaise se trouve en deçà du seuil de pauvreté.

Par ailleurs, la SREPEN-RNE est membre du conseil d'administration de l'office de l'eau, dont les membres participent au comité de l'eau et de la biodiversité. Cette structure constitue, sur le plan de la gestion de la ressource, un outil important, sur lequel les communes et les intercommunalités s'appuient depuis plusieurs années. En complément, une quarantaine de personnes travaillent pour l'office de l'eau, qui joue un rôle important, s'agissant de la gestion de l'eau, de la connaissance, des alertes et de la qualité de l'eau, avec des relevés qui permettent notamment d'évaluer la présence de pesticides.

Puisque « l'eau paie l'eau » toutefois, il nous faut élargir la gestion de cette ressource au volet biodiversité. Ainsi, la directive-cadre du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau recommande l'atteinte d'un bon état des masses d'eau. Qu'est-ce qu'un « bon état » au sein d'un milieu insulaire tropical, marqué par un relief très particulier, comme peut l'être La Réunion ?

L'eau est un milieu vivant : elle ne se résume donc pas à un liquide destiné à la population. Or le poids accordé à la biodiversité est, dans les politiques de gestion de la ressource, extrêmement limité, puisqu'il se résume à 2 % des financements (4 % des financements régionaux) : pourtant, la biodiversité est étroitement liée à la vie et à la santé, en témoigne la crise sanitaire actuelle.

La SREPEN-RNE participe à l'élaboration du SDAGE. Ce travail est accompagné par la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), qui en assure le secrétariat, et l'office de l'eau, en charge de l'exécution des préconisations et des demandes du comité de l'eau et de la biodiversité (CEB).

Le SDAGE est actuellement à la consultation publique. Les institutions devront se positionner d'ici le mois d'août. Lors des réunions de travail dédiées à l'élaboration du SDAGE, les élus des communes et des intercommunalités, auxquelles l'État a donné la faculté de gérer la ressource en eau, sont très souvent sous-représentés. À l'inverse, les techniciens sont très présents. Il est indispensable de déployer des outils pour permettre aux usagers de s'approprier la question de la ressource en eau : en l'état en effet, elle relève d'une problématique très complexe. Il est donc nécessaire de faire acte de pédagogie, en communiquant des éléments simples. En l'espèce, la consultation est proprement inaudible.

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