Intervention de Bernadette Le Bihan Ardon

Réunion du jeudi 3 juin 2021 à 10h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Bernadette Le Bihan Ardon, présidente de la Société réunionnaise pour l'étude et la protection de l'environnement – Réunion nature environnement (SREPEN-RNE) :

Il s'agit d'un projet très ancien, qui date de plus de 20 ans et que je suis depuis son origine. Pour information, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) avait produit un rapport estimant que le projet évoqué ne faisait aucun sens : la SREPEN-RNE avait donc dénoncé ce dernier, en saisissant le tribunal administratif pour le bloquer momentanément.

Au départ, le projet bénéficiait d'un financement du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et était destiné à l'agriculture. Pour rappel, l'ouest de l'île accueille les populations les plus aisées. L'idée était double :

– transférer de l'eau de l'est vers l'ouest de l'île, aux fins de permettre l'arrosage des pelouses et le remplissage des piscines ;

– transférer de l'eau aux agriculteurs, et notamment à un grand propriétaire spécialisé dans la production de bourbon.

La route des Tamarins va emporter la transformation de terres agricoles en lotissements, ce qui favorise la spéculation foncière.

In fine, la SREPEN-RNE a réussi à faire admettre par les techniciens que le projet de basculement évoqué était « mauvais » : il est toutefois trop tard aujourd'hui. Les pédologues ont rappelé que les terres de l'ouest n'étaient pas en capacité de recevoir de l'irrigation, pour n'avoir pas été arrosées depuis longtemps : en effet, cette pratique vient déstructurer les sols. Par surcroit, le rendement de la production de cannes a beaucoup progressé, passant de 40 à 110 tonnes par hectare, par le truchement de l'irrigation. Dans l'ouest de l'île, le monde agricole pratique l'irrigation par aspersion.

Le projet a été à l'origine d'une urbanisation absolument catastrophique de l'ouest, qui se caractérise par des problèmes d'écoulement, un programme de lutte contre les inondations et la mise en danger du littoral qui accueille le lagon.

L'eau arrive de l'est, à 400 mètres d'altitude, à Mon Repos, dans la commune de Saint-Paul. Elle est envoyée gravitairement et arrive à 100 ou 150 mètres, ce qui nécessite de l'énergie.

La côte est devrait, selon le schéma d'aménagement régional, accueillir des pôles de développement, aux fins de rééquilibrer le territoire : or le développement ne peut se faire sans eau.

Pour information, le projet Merene a pour objectif de capter de l'eau à 250 ou 300 mètres d'altitude, pour la renvoyer par tunnel : pharaonique, il vise à réalimenter en eau le secteur est, qui a été spolié de son eau. À Saint-André désormais, l'eau n'est plus potable. Les hydrogéologues ne connaissent pas la ligne de partage des cours d'eau, ce qui crée de vrais risques pour le milieu hydrographique. Comme mentionné précédemment, EDF rejette des millions de mètres cubes d'eau dans la mer, à Sainte-Rose. La situation, de fait, est désespérante. Elle se caractérise en effet par une totale absence de continuité dans les projets.

Encore une fois, les premiers financements du projet étaient destinés à l'activité agricole, avant d'être « détournés » au bénéfice des piscines et des pelouses. Il est donc absolument indispensable de jouer sur le prix de l'eau.

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