Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du jeudi 30 novembre 2017 à 21h30
Résidence de l'enfant en cas de séparation des parents — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, 1804, notre code civil date de 1804. Est-il resté figé depuis ? Assurément non. Il évolue avec sagesse et raison. Mais il ne doit pas le faire n'importe comment, au gré d'une discussion écourtée, dans un hémicycle clairsemé du jeudi soir. Le code civil, ce n'est pas le code du commerce. Avec le code civil, l'humain n'est jamais loin.

Ce soir, nous ne pouvons que nous étonner d'une proposition de loi aventureuse, sans étude d'impact. Il n'y a pas d'urgence, mes chers collègues, à bousculer le code civil, un code civil qu'il ne faut pas transformer au gré des passions et des émotions. Le malaise est si grand que la commission des lois, consciente des enjeux, a déjà tenté de minimiser considérablement la portée de la proposition de loi. Cette réécriture profonde, très rapide, est un signal d'alerte.

Bien sûr, une séparation peut être synonyme, dans beaucoup de situations, de souffrances, pour les parents comme pour les enfants. Ces souffrances, il faut les entendre. Il y a des revendications égalitaires, qui peuvent se comprendre notamment de la part de pères dont certains n'hésitent plus aujourd'hui à assumer la gestion quotidienne de leur enfant. J'en ai encore eu un au téléphone tout à l'heure.

Pour autant, mes chers collègues, ce n'est pas comme si on devait remplir un vide juridique. Ce n'est pas comme si notre système juridique et la pratique juridictionnelle dysfonctionnaient totalement en la matière. On peut même constater que les magistrats appliquent le droit avec sagesse et pragmatisme.

Il est très important ici de rappeler la fonction du juge, auquel nous pouvons faire confiance. Surtout lorsqu'on s'occupe de vies humaines, il faut conserver une lecture juridique profondément humaine. Il n'appartient pas, à mon sens, au législateur de développer une approche systémique, car chaque situation humaine est unique. Et, en matière de séparation, que nous l'ayons vécue personnellement ou côtoyée dans notre entourage, le cas par cas semble la meilleure approche.

Mes chers collègues, ce qui compte au-dessus de tout, c'est l'intérêt de l'enfant. Certains demandent au législateur de traiter de manière similaire la gestion des conflits familiaux et le commerce ou la propriété. Or les enfants ne sont pas des objets. Certains estiment – je l'ai lu – qu'il est « légalement possible de voler des enfants ». Ce type de propos montre bien le décalage qui existe entre différentes manières de concevoir ce que représente un enfant. À nos yeux, celui-ci ne peut être considéré comme l'objet premier de droits d'autres personnes.

Ici, il me semble essentiel de valoriser « les droits de », avant « les droits à », l'être avant l'avoir, les droits de l'enfant avant le droit aux parents. C'est une question d'éthique.

Dans les familles où la résidence alternée est possible et souhaitable, les accords se font à l'amiable, avec ou sans un magistrat. Si tout est réuni pour que la résidence soit partagée dans l'intérêt de l'enfant, le juge aura tendance à favoriser cette solution dans les conditions examinées et appropriées. Mais s'il en décide autrement, c'est que des raisons le justifient, dans l'intérêt de l'enfant.

Un médecin généraliste installé depuis douze ans dans le Grand Est a récemment appelé mon attention sur le rythme de vie des enfants, parlant même d'« enfants valises ». Aussi faut-il veiller à ne pas oublier la santé des enfants. Le regard circonstancié du juge permet d'assurer les meilleures conditions à l'enfant, afin qu'il s'épanouisse, alors qu'il est déjà soumis à l'épreuve de la séparation parentale.

Il faut faire confiance au juge, indépendant et formé pour ces affaires d'une grande complexité humaine. La rédaction initiale de la proposition de loi visait à conditionner son intervention de manière trop restrictive. Or, la seule recherche de la préservation de l'intérêt de l'enfant doit pouvoir suffire à justifier sa décision. Je crois qu'il faut lui faire confiance.

Enfin – et c'est là l'essentiel – , selon certains, la proposition de loi visait à corriger le sentiment d'une discrimination, d'une injustice, ce qui est un objectif respectable. Selon d'autres, elle pourrait générer des externalités négatives. C'est pourquoi j'appelle à la plus grande prudence. L'intérêt de l'enfant doit primer avant tout.

Votre question, monsieur le rapporteur, celle de nombreux parents séparés et éloignés de leur enfant, en profonde souffrance, est légitime, mais votre méthode n'est pas bonne. La proposition de loi n'est pas suffisamment ajustée. Ses conséquences ne sont pas mesurées. Mes chers collègues, prudence et vigilance !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.