Intervention de Sylvie Gustave-Dit-Duflo

Réunion du lundi 7 juin 2021 à 17h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Sylvie Gustave-Dit-Duflo, vice-présidente du conseil régional de la Guadeloupe :

La ressource en eau ne manque pas en Guadeloupe, puisque les opérateurs distribuent annuellement 25 millions de mètres cubes d'eau potable, pour 400 000 habitants, auxquels il convient d'ajouter 500 000 touristes qui séjournent en moyenne 15 jours en Guadeloupe.

Aujourd'hui, nous sommes en mesure de produire plus de 60 millions de mètres cubes d'eau potable, sans pour autant assurer une desserte permanente de tous les usagers. Cette situation paradoxale de pénurie s'explique par un déséquilibre entre la capacité des installations de production d'eau potable et la demande en eau des réseaux. Ce déséquilibre résulte du niveau colossal des pertes en eau des réseaux de distribution.

Nous nous interrogeons sur l'impact d'une telle perte sur les milieux naturels, puisque nous utilisons plus de ressources qu'il n'en est véritablement nécessaire.

En ce qui concerne les captages qui ont dû être abandonnés du fait de la pollution par la chlordécone, la réponse suivante émane de l'agence régionale de santé (ARS) :

« Néanmoins, il faut que vous sachiez que les captages qui ont dû être abandonnés suite à la découverte de chlordécone au-dessus des limites réglementaires sont de trois sources : Gommier à Capesterre-Belle-Eau ; Pont des Braves à Gourbeyre ; Lumia à Trois-Rivières.

Par ailleurs, d'autres captages de sources, comme Belle-Eau-Cadeau, Belle-Terre et la source de Trois Rivières, ont dû être équipés en traitement par charbon actif pour abaisser le seuil contenu dans l'eau distribuée. »

Ces traitements peuvent-ils éliminer toute la chlordécone de l'eau distribuée ? Non. Les traitements par charbon actif permettent de ramener la concentration en pesticides en-dessous des valeurs réglementaires, c'est-à-dire une limite de qualité des eaux destinées à la consommation humaine, à hauteur de 0,1 microgramme par litre par pesticide, et 0,5 microgramme par litre sur le total des pesticides.

Des travaux menés au sein de l'université des Antilles ont montré que la simple immersion d'ouassous dans l'eau potable suffisait à la contaminer en chlordécone.

Quel est le rôle du conseil régional dans la politique de l'eau en Guadeloupe ? Au vu de la crise, le président Ary Chalus a souhaité un engagement fort de la collectivité régionale. C'est pour cette raison que nous sommes désormais membres de la conférence régionale de l'eau (CRE). Nous tenons le rôle de facilitateur en matière de gouvernance.

En outre, nous sommes également financeurs des autorités organisatrices des services d'eau et d'assainissement. Nous les finançons par le biais de notre gestion des fonds européens et des fonds régionaux.

Le plan Eau DOM n'a pas représenté une totale réussite en Guadeloupe. Seul un opérateur a obtenu un contrat de progrès, la communauté de communes de Marie-Galante, et un autre un contrat de transition, l'opérateur Eau d'excellence.

La région et le département ont décidé d'assurer la maîtrise d'ouvrage des opérateurs, afin de continuer à mener les investissements nécessaires pour gérer la crise de l'eau.

Lors d'une conférence territoriale de l'action publique en 2018, un consensus a été trouvé avec les opérateurs et les communautés d'agglomération, selon lequel la région et le département pourraient assurer la maîtrise d'ouvrage de certains travaux, et les opérateurs en capacité de le faire pourraient porter le reste de ces maîtrises d'ouvrage.

Ce plan d'action prioritaire de près de 72 millions d'euros a été porté par les collectivités majeures, dont la région, pour un montant de travaux de 30 millions d'euros.

Étant donné que nous ne disposons pas de la compétence de maîtrise d'ouvrage de travaux structurants, il nous a fallu développer trois arguments majeurs : la compétence au titre du développement économique, l'intérêt régional direct et l'article L. 211-7 du code de l'environnement, sous couvert de l'intérêt général de réaliser des travaux sur l'eau.

La région est également chef de file de la biodiversité. Nous avons également déployé auprès des particuliers des solutions alternatives. La région a notamment mis en place un dispositif de citernes d'eau de pluie qui permet aux particuliers de disposer d'une certaine réserve d'eau.

Face à la crise sanitaire, nous avons lancé avec l'office de l'eau et l'État un appel à projets pour des citernes scolaires, pour un montant de 7 millions d'euros environ. La région participe à hauteur de 1,7 millions d'euros à l'équipement de citernes scolaires d'eau potable.

40 % des installations d'assainissement non collectives ne seraient pas conformes aux réglementations en vigueur. De 2007 à 2013, plus de 120 millions d'euros de fonds européens ont été dédiés à des investissements liés à l'assainissement et 30 millions à des investissements relatifs à l'eau.

En 2014-2020, plus de 70 millions d'euros ont été dédiés à l'eau et à l'assainissement. Le programme 2021-2027 prévoit 80 millions d'euros à cet effet.

L'exploitation de ces nouvelles infrastructures devra être assurée par les opérateurs et les agglomérations qui en ont la compétence. Le plan « Eau Dom » a permis de clarifier le fait que l'investissement doit aller de pair avec l'exploitation des infrastructures.

Nous avons mis en place un observatoire de l'eau qui est porté par l'office de l'eau. Les chiffres de 2020 montrent que 94 % des nouveaux dispositifs de l'assainissement non collectif sont conformes. Pour l'existant, la tendance est inversée, avec seulement 25 % des installations en conformité.

S'agissant de l'assainissement collectif, en 2018, 67 % des stations de traitement supérieures ou égales à 2 000 Eh n'étaient pas conformes, contre 61 % en 2017. Cette situation très dégradée est due selon les cas à des ouvrages de traitement hors service, à une exploitation défaillante, à des incidents ponctuels ou à la vétusté de certains ouvrages.

Le rapport d'Espelia de 2018 indique que la situation de l'assainissement est à l'image de celle de l'eau potable.

Des investissements importants ont été consentis pour le traitement des eaux urbaines, à l'initiative de l'État, sous la menace de contentieux de l'Union européenne. Néanmoins, ils ont rarement été accompagnés d'efforts nécessaires pour en assurer la pérennité financière, l'exploitation et l'entretien.

La Guadeloupe est confrontée à de graves problèmes d'alimentation en eau potable. Elle connaît des difficultés de gouvernance et de gestion des services d'eau, conduisant à une dégradation généralisée de l'état de la performance des systèmes d'alimentation.

Les mesures prises en conséquence sont trop souvent orientées vers une augmentation de la mobilisation des ressources et le transfert d'eau, en négligeant l'amélioration de la performance des réseaux et l'action des services.

En outre, il s'observe souvent une inadéquation entre les ambitions des programmes d'infrastructures et la capacité de maîtrise d'ouvrage des entités responsables du service.

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