Intervention de Jacques Davila

Réunion du mardi 8 juin 2021 à 14h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Jacques Davila :

, secrétaire général du Comité de l'eau et de l'environnement (C2E), et délégué départemental du FRICC. Il existe deux fédérations d'associations d'usagers. M. Olivier préside la plus petite. L'autre, qui regroupe le plus grand nombre d'associations, sous la présidence de M. Ismar Oguenin, n'a malheureusement pas été conviée à s'exprimer. J'estimerais pourtant souhaitable que votre commission l'auditionne.

Je souscris entièrement aux propos de MM. Touly et Lascary. Je suis le plus âgé de tous ceux ici présents et le seul membre de l'association nationale, agréée par l'institut des techniques sanitaires, pour concourir en vue de la conception et de la réalisation de stations d'épuration et d'unités de traitement d'eau. Je suis, aux Antilles, le seul autochtone à avoir réalisé, à la fois en entreprise et en bureau d'études, des unités de traitement des eaux parmi les plus conséquentes en taille, avec les meilleures entreprises de France voire d'Europe. Je suis également intervenu dans le tiers-monde et à Monaco, dont la station d'épuration a bénéficié de notre expertise en milieu sismique.

La plupart des réseaux d'eau potable ou d'assainissement en Guadeloupe ne sont pas conçus pour résister aux tremblements de terre. Les ouvrages réalisés jusqu'ici dans le département ne répondent ni aux normes Eurocode 2, ni aux normes Eurocode 8. Les problèmes du foncier ne sont pas résolus, parce que la plupart des gros chantiers n'ont pas fait l'objet de déclarations d'utilité publique. J'ai, à ce propos, dû me chamailler avec les services de l'État, responsables, en amont, de l'absence de prise en compte des problèmes fonciers liés aux traversées de terrain. La situation du vélodrome au-dessus d'un gros videur en fournit la preuve. Certains lotissements ou villas s'élèvent au-dessus de réseaux publics sans que leurs propriétaires le sachent, avec tous les risques que cela comporte.

Le contrôle de légalité n'a pas lieu en Guadeloupe comme en métropole. Les autorités organisatrices ne procèdent pas aux contrôles que le code général des collectivités territoriales leur impose pourtant de réaliser elles-mêmes. Au terme d'une DSP, l'autorité organisatrice a l'obligation, en cas d'avenant au contrat, de mettre en place une commission de contrôle financier, et une commission locale d'évaluation des charges transférées. Il n'en existe pourtant pas en Guadeloupe.

Une certaine confusion est entretenue. La Générale des eaux est responsable de la situation actuelle, au même titre que l'État. Celui-ci, censé gérer la police de l'eau, n'a pas fait son travail. L'incurie, l'impéritie, le laxisme et certaines habitudes ultramarines ont conduit à la situation présente, qui rappelle la fable du pot de terre contre le pot de fer. La justice n'est pas rendue, notamment parce que les usagers n'ont pas saisi les tribunaux. Depuis quelques années, une nouvelle génération d'usagers, avec courage et détermination, a toutefois entamé des poursuites. La nécessité les a poussés à recourir à tous les moyens à leur portée. Seulement, les habitudes, surtout celles prises en outre-mer, ne se changent pas par décret. Même si des associations ont commencé à se réveiller, il reste nécessaire de former les usagers pour lutter contre le défaut de compétences de certains.

Une loi prévoit la création d'un SMO, notamment pour contraindre Cap excellence à y adhérer, ce que cette communauté d'agglomération refusait jusque-là, sans raison justifiée. Une commission de surveillance verra le jour, sans hélas disposer des moyens ni de l'agilité opérationnelle d'un conseil de surveillance pour intervenir efficacement. Il a été décidé, sans la moindre délibération, que son comité de préfiguration serait co-présidé par l'actuel président du Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), ancien médiateur entre la Générale des eaux et le SIAEAG. Vous comprenez les préventions que de telles manœuvres suscitent chez les usagers.

Parmi les chefs de groupe opérationnels figurera l'ancien directeur général technique du SIAEAG, qui y a fait toute sa carrière. Des collusions apparaissent entre l'expert-comptable et certains élus, dont Guy Losbar, maire de Petit-Bourg. En somme, les personnes appelées à rejoindre le SMO étaient déjà partie prenante de l'ancien système, alors que notre association combat leurs méthodes et leurs pratiques. Nous ne voulons pas que ce SMO leur serve de structure de reclassement.

La mainmise des sociétés privées sur la gestion de l'eau en Guadeloupe a été mûrement conçue. La confusion est entretenue entre le SIAEAG et la Générale des eaux. En 2008, le SIAEAG a suspendu sa délégation, qui s'est dès lors transformée en prestation de service. Nul n'ignore les différences fondamentales entre les clauses d'un contrat de délégation et de prestation de service. L'inertie chronique de ceux qui incarnent la démocratie représentative de l'opinion publique nous interpelle. C'est l'acceptation de ce genre de manœuvres qui a conduit au désengagement progressif de la Générale des eaux. Personne n'a instauré de commission de contrôle financier ni de commission locale d'évaluation des charges transférées, comme y oblige pourtant la législation. Les commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL), réunissant quelques usagers mal formés à leur mission, se réunissaient une fois l'an avant de produire un rapport que nul ne lisait.

En somme, les problèmes se sont accumulés avec la complicité passive de l'État. La Guadeloupe dispose d'une antenne du parquet financier depuis moins de deux ans. Bien que la chambre régionale des comptes (CRC) compte désormais plus d'effectifs, lui ayant permis d'améliorer la qualité de son travail, jamais la préfecture, chargée de donner suite aux avis de la CRC, n'a saisi le parquet financier.

Les écocides en Guadeloupe sont de notoriété publique. Je ne songe pas seulement au chlordécone et autres pesticides mais aux stations d'épuration qui ne fonctionnent pas. Le maire de Petit-Bourg, président de la Communauté d'agglomération du Nord Basse-Terre (CANBT) a défrayé la chronique en lançant des appels d'offres à tout-va. Il a délégué une maîtrise d'ouvrage au SIAEAG, dont le président figure sur la même liste électorale que lui.

La détermination de l'assiette de l'octroi de mer s'avère en outre contraire à la législation, car la base utilisée pour son calcul inclut le montant des abonnements. La taxe additionnelle à l'octroi de mer interne ne concerne en principe que la production d'eau brute transformée en eau potable.

J'estime important que votre commission fasse la lumière sur ce qu'il s'est passé afin que la qualité des services s'améliore. Ceux-ci doivent, autant que possible, répondre aux attentes des usagers. Une administration véritablement opérationnelle inclurait un conseil en lieu d'une simple commission de surveillance. Doté de pouvoirs réels, il serait en mesure de résoudre les problèmes auxquels nous nous confrontons, et qui ne sauraient perdurer.

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