Intervention de Joé Bertili

Réunion du mardi 8 juin 2021 à 16h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Joé Bertili, responsable de la communication du collectif Nou vlé dlo an wobiné :

Notre collectif a pris un tournant lors du premier confinement, dans un contexte particulièrement anxiogène de multiplication des injonctions à respecter les gestes barrière. Au même moment, une grande partie de la Guadeloupe, régie par le SIAEAG, s'est retrouvée sans eau pendant plusieurs semaines.

La France a ratifié des traités internationaux sous l'égide des Nations unies. Le conseil constitutionnel a consacré le droit à l'eau comme droit inaliénable et sacré. Le constat s'impose que la Guadeloupe connaît une situation non conforme à la loi depuis des décennies. Il en résulte des difficultés psychologiques et financières pour la population, dont le développement économique et l'accès à l'éducation est menacé. Les problèmes d'eau affectent les moindres aspects du quotidien.

Des études ont révélé une augmentation des consultations pour motifs psychiatriques, suite au confinement. Je vous laisse imaginer les effets psychologiques des restrictions sanitaires sur des individus sans accès à l'eau.

Nous militons pour une gestion de l'eau en Guadeloupe partagée et transparente, alors qu'elle s'avère calamiteuse depuis des dizaines d'années. Les usagers, bien que victimes, sont traités comme des coupables, sommés de payer des factures élevées pour un service non fourni. Des années durant, les opérateurs ont facturé un service d'assainissement collectif aux abonnés, qui ne disposaient pourtant que d'un assainissement privé. Quand les associations d'usagers ont signalé le problème, il leur a été répondu que celui-ci serait traité cas par cas.

La gestion actuelle de l'eau appelle un constat d'échec et, pour cette raison, requiert plus de transparence. Les multinationales visent à dégager des bénéfices au profit des actionnaires. Aujourd'hui, toutes les parties sont impliquées dans la gestion de l'eau, sauf les représentants des usagers, auxquels, seuls, la population accorde sa confiance pour défendre ses intérêts, non par principe mais du fait des leçons tirées de son expérience.

Le Président de la République l'a déclaré, en septembre 2018, devant les acteurs de l'eau de Guadeloupe : « Il y a eu pendant des décennies un système de clientélisme. Plusieurs milliards d'euros sont sortis du système ». Ces infractions, dont il reste à établir les auteurs, n'ont cependant donné lieu à aucune réparation, et il n'est nulle part question des victimes. « Je souhaite qu'on puisse établir toutes les responsabilités, qu'elles soient financières ou pénales », a continué le Président. « Je prends l'engagement de déployer des forces d'enquête supplémentaires afin que toute la transparence soit faite à ce sujet. »

Ces promesses sont hélas restées lettre morte. Elles ne se sont pas plus concrétisées que l'espoir des usagers de ne pas devoir encore une fois payer, par leurs impôts, un service dont ils s'étaient déjà acquittés. En réalité, nous avons payé l'eau trois, voire quatre ou cinq fois, en comptant les achats de bouteilles, l'abonnement et l'assainissement collectif. La Générale des eaux a facturé, à un moment donné, une surtaxe pour réparer les canalisations, or elle ne s'en est pas occupée. Où est passé l'argent ? Le Président a encore déclaré que les usagers se sont légitimement installés dans le non-paiement de leurs factures, parce qu'ils ne recevaient pas d'eau.

Il faut un milliard d'euros pour réparer le réseau. Cette somme ne pourra provenir que de fonds publics, autrement dit, de l'argent des citoyens. Comme le Président, j'estime qu'il faut établir des responsabilités pénales en vue d'obtenir des réparations financières.

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