Je me suis retrouvé confronté au problème de l'eau à partir de 1993, suite à mon élection en tant que conseiller régional, puis conseiller général de Capesterre-Belle-Eau. La population réclamait des explications sur la différence du prix de l'eau entre, d'une part, Capesterre-Belle-Eau, où elle était prélevée, et d'autre part, Pointe-à-Pitre et les Abymes. Nous avons demandé des éclaircissements au fermier, le même dans toutes ces communes : la Générale des eaux, qui portait alors le nom de Sogea.
En tant que conseiller régional, nous avons eu la chance d'animer un atelier lors des assises pour le développement durable, au Gosier. Nous avons formé une commission dédiée au rôle de l'eau dans le développement durable de la Guadeloupe.
À cette occasion, nous avons fait admettre à l'État que les fuites n'étaient pas seulement techniques mais administratives aussi. Autrement dit, des personnes connectées au réseau, mais non répertoriées en tant qu'usagers, ne payaient pas leur eau. De gros propriétaires terriens ayant accepté que des canalisations traversent leurs terrains ont bénéficié d'un abonnement gratuit. De l'eau donnée à certaines petites exploitations n'entrait pas dans la comptabilité de la distribution d'eau. Un tiers des 3 millions de mètres cubes produits va aux communes du Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), un autre tiers revient aux communautés restantes, et le dernier se perd à cause des fuites. La Générale des eaux n'a pas reversé au SIAEAG le montant des abonnements des autres collectivités qui lui achetaient de l'eau.
À l'époque, l'État nous a donné raison et le préfet, M. Billant, a commandé un rapport montrant que la Générale des eaux imposait des frais de siège à toutes les communautés en charge de l'exploitation de l'eau, alors que la Générale des eaux ne siégeait qu'en un seul lieu. Les rapports d'exploitation indiquaient des provisions pour impayés, mais aussi pour renouveler les canalisations. Depuis l'installation de celles-ci en 1958, il semblait en effet justifié, en 1995, de les renouveler.
Au nom de la population de Capesterre-Belle-Eau, nous avons traîné la Sogea devant le tribunal de commerce de Basse-Terre. Certains ont ensuite voulu faire de moi une victime en prétendant que j'avais donné l'autorisation d'effectuer des branchements pirates au réseau d'eau. Mon premier adjoint et moi-même avons comparu devant le juge d'instruction pour vol d'eau. Je me suis déclaré content de ma mise en examen, puisqu'elle me fournirait l'occasion de consulter les conventions d'exploitation signées avec la Générale des eaux. Cette société ne bénéficiait pas d'une délégation de service public (DSP) en bonne et due forme. De simplement avenants l'autorisaient à distribuer l'eau et en encaisser la consommation.