COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences
Mardi 8 juin 2021
La séance est ouverte à dix-neuf heures quarante.
(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)
La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition de M. Joël Beaugendre, ancien député de la Guadeloupe.
Nous concluons cette session d'auditions de la commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences en entendant M. Joël Beaugendre, ancien député de la Guadeloupe, ancien maire de Capesterre-Belle-Eau et ancien président de la Communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe. Je rappellerai que vous avez notamment été le rapporteur de la première mission d'information parlementaire sur le chlordécone en 2005.
Je vous remercie de nous déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
M. Joël Beaugendre prête serment.
Je me suis retrouvé confronté au problème de l'eau à partir de 1993, suite à mon élection en tant que conseiller régional, puis conseiller général de Capesterre-Belle-Eau. La population réclamait des explications sur la différence du prix de l'eau entre, d'une part, Capesterre-Belle-Eau, où elle était prélevée, et d'autre part, Pointe-à-Pitre et les Abymes. Nous avons demandé des éclaircissements au fermier, le même dans toutes ces communes : la Générale des eaux, qui portait alors le nom de Sogea.
En tant que conseiller régional, nous avons eu la chance d'animer un atelier lors des assises pour le développement durable, au Gosier. Nous avons formé une commission dédiée au rôle de l'eau dans le développement durable de la Guadeloupe.
À cette occasion, nous avons fait admettre à l'État que les fuites n'étaient pas seulement techniques mais administratives aussi. Autrement dit, des personnes connectées au réseau, mais non répertoriées en tant qu'usagers, ne payaient pas leur eau. De gros propriétaires terriens ayant accepté que des canalisations traversent leurs terrains ont bénéficié d'un abonnement gratuit. De l'eau donnée à certaines petites exploitations n'entrait pas dans la comptabilité de la distribution d'eau. Un tiers des 3 millions de mètres cubes produits va aux communes du Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), un autre tiers revient aux communautés restantes, et le dernier se perd à cause des fuites. La Générale des eaux n'a pas reversé au SIAEAG le montant des abonnements des autres collectivités qui lui achetaient de l'eau.
À l'époque, l'État nous a donné raison et le préfet, M. Billant, a commandé un rapport montrant que la Générale des eaux imposait des frais de siège à toutes les communautés en charge de l'exploitation de l'eau, alors que la Générale des eaux ne siégeait qu'en un seul lieu. Les rapports d'exploitation indiquaient des provisions pour impayés, mais aussi pour renouveler les canalisations. Depuis l'installation de celles-ci en 1958, il semblait en effet justifié, en 1995, de les renouveler.
Au nom de la population de Capesterre-Belle-Eau, nous avons traîné la Sogea devant le tribunal de commerce de Basse-Terre. Certains ont ensuite voulu faire de moi une victime en prétendant que j'avais donné l'autorisation d'effectuer des branchements pirates au réseau d'eau. Mon premier adjoint et moi-même avons comparu devant le juge d'instruction pour vol d'eau. Je me suis déclaré content de ma mise en examen, puisqu'elle me fournirait l'occasion de consulter les conventions d'exploitation signées avec la Générale des eaux. Cette société ne bénéficiait pas d'une délégation de service public (DSP) en bonne et due forme. De simplement avenants l'autorisaient à distribuer l'eau et en encaisser la consommation.
À quel montant s'élevaient les frais de siège prélevés par la Générale des eaux à l'ensemble des communautés d'agglomération ?
Ces frais se montaient, en 1998, à 1 350 000 francs pour les communes du SIAEAG. Je vous laisse imaginer ce que la Générale des eaux réclamait au syndicat des Grands Fonds (SGF), qui a d'ailleurs disparu depuis, à celui de Grande-Terre, ou encore au syndicat intercommunal des eaux de Pointe-à-Pitre et des Abymes (SIEPA), aujourd'hui Eau d'excellence. La Générale des eaux détenait aussi le fermage de l'eau au Lamentin et à Deshaies.
Elle n'a pas cessé. Un inspecteur des ponts et chaussées a simplement rédigé un rapport, au nom de l'État, sur la gestion de l'eau en Guadeloupe. Ce rapport portait notamment sur la légalité des conventions et des avenants. Plusieurs avenants se sont de fait succédé sans le moindre appel d'offres.
De 1998. Avant cette date, nous n'avions pas de rapport d'exploitation. Le SIAEAG n'employait pas d'ingénieur, mais uniquement une secrétaire. Nous déléguions la maîtrise d'ouvrage à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF), qui nous aidait dans notre gestion de l'eau.
Oui. Il nous était demandé de régler les impayés malgré le prélèvement de provisions pour impayés. Quant aux provisions pour le renouvellement des canalisations, aucun état des lieux contradictoire n'a été réalisé lors du départ de la Générale des eaux en 2014.
Oui. À partir de là, les élus guadeloupéens ont commencé d'avoir de petits embêtements. Nous avons mis en place un comité technique au nouveau siège du SIAEAG. Nous avons recruté 4 ingénieurs chargés de contrôler l'adduction et la distribution de l'eau. Pour cette raison, nous n'avons eu de cesse de réclamer le transfert au SIAEAG des terminaux de gestion de la Générale des eaux. Toutefois, nos demandes n'ont jamais abouti.
Quelles étaient les obligations contractuelles de la Générale des eaux en matière d'entretien et de renouvellement des réseaux ?
Nous n'avons jamais eu connaissance des contrats. La DDAF nous a déclaré que ceux-ci faisaient partie des secrets commerciaux.
Vous ne savez donc pas si la Générale des eaux devait contractuellement s'occuper du renouvellement du réseau.
La Générale des eaux avait la mainmise sur tout ce qui relevait de l'adduction et des travaux d'extension du réseau. Nombre de communes n'avaient pas à passer d'appel à la concurrence, puisque la Générale des eaux réalisait elle-même les travaux d'extension du réseau, dans toutes les communes.
J'en ai été le vice-président de 2000 à 2005 environ.
M. Hernandez a dû vous dire la même chose. Lorsque nous n'avons pas voulu renouveler la DSP de la Générale des eaux sans mise en concurrence, le sous-préfet a accompagné la Générale des eaux pour attaquer notre DSP en se référant à la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi Sapin. Au lieu de renouveler la DSP, nous avons finalement passé un marché de prestation de service, en vertu duquel la Générale des eaux devait distribuer et fournir l'eau, mais surtout la facturer. Or, de 2012 à 2014, malgré les échantillons que nous avons fournis, aucune facture n'a été émise, ni aux abonnés, ni aux structures qui achetaient de l'eau au SIAEAG.
Qui détenait les contrats ? Comment facturiez-vous l'eau sans en avoir connaissance ? Le SIAEAG a-t-il, selon vous, failli à sa mission de contrôle du délégataire ?
Le SIAEAG a été défaillant dans la mesure où il n'employait pas de contrôleur. Le SIAEAG n'a que récemment déménagé et embauché des ingénieurs. La DAF contrôlait la gestion de l'eau pour le compte du SIAEAG.
La cour régionale des comptes, qui a eu, elle, accès au contrat, parle d'avenants très généreux signés par les élus. Que pouvez-vous nous en dire ?
Vous faites allusion au rapport de 1997 ?
Ce rapport de 2012 reprenait les comptes antérieurs. Les statuts du SIAEAG ont été modifiés en 2013 pour qu'il prenne en charge à la fois la distribution de l'eau potable et l'assainissement, jusque-là confié aux communes. À compter de cette date, la Générale des eaux a prélevé la part syndicale mais elle en reversait directement une partie aux communes. La chambre régionale des comptes a jugé cette situation anormale, puisque la part syndicale prélevée sur la consommation d'eau devait revenir directement au syndicat.
Vous dites que l'assainissement était à la charge des communes. Il nous a été dit hier que, si 80 % des stations d'épuration ne fonctionnent pas correctement en Guadeloupe, c'est parce que le fermier lui-même a choisi des outils inadaptés.
Le problème vient de ce que toutes les stations d'épuration ont été réalisées par les communes. Le SIAEAG a racheté celle de Sainte-Anne. Ce n'est que lors de la modification des statuts du SIAEAG en 2012, qu'il s'est occupé de la nouvelle station d'épuration de Capesterre, sur l'allée Dumanoir.
Je ne saurais vous le dire. Le SIAEAG employait une secrétaire de direction et du personnel technique, mais je ne m'occupais pas de la ventilation fonctionnelle du personnel.
Je devais surtout établir l'inventaire du matériel du SIAEAG et préparer la DSP selon la fameuse loi dite Sapin.
En 2012, la cour régionale des comptes a écrit : « chaque année, le SIAEAG engage des opérations d'investissement qui représentent une somme globale de plus de 55 millions d'euros sur les 4 dernières années, avec 13,2 millions d'euros pour l'eau et 42,5 millions d'euros pour l'assainissement ». Est-ce exact ?
Je ne me souviens pas. Je n'étais plus vice-président à ce moment-là, mais simple conseiller. C'est possible. Je n'ai pas tous les chiffres en tête.
Si nous avions reçu des comptes d'exploitation indiquant les montants prélevés en vue de la réparation des réseaux ainsi que les montants manquants, et que nous avions approuvé ces comptes, alors nous serions responsables. En réalité, les responsables sont ceux qui nous ont aidés, c'est-à-dire qui nous ont communiqué les éléments en vue de la mise au point de notre plan d'investissement, donc la DDAF et, en dernière analyse, l'État.
En 2015, j'ai demandé, au nom de ma commune, la paternité d'un patrimoine transféré. Le préfet m'a répondu qu'il ne disposait pas, en préfecture, de document comptable ou administratif fiable pour me répondre et déterminer la ventilation, à savoir la part nous revenant.
Vous dénoncez un défaut d'accompagnement de l'État, qui ne vous a pas communiqué les données que vous étiez en droit d'espérer. Le rapport de la chambre régionale des comptes que j'ai cité indique que « la programmation des investissements est ambitieuse, mais repose essentiellement sur les préconisations faites par le prestataire ». Pourquoi vous en être entièrement remis aux avis de la Générale des eaux ?
Le prestataire nous signalait les points du réseau défaillants et donc nécessitant un investissement. Nous ne disposions pas de services techniques ou administratifs dignes de ce nom. La DDAF s'en occupait. Des millions sont retournés à l'État sans être utilisés par les collectivités.
Si nous vous comprenons bien, le contrat signé par la Générale des eaux avec le SIAEAG n'était pas à la disposition de l'une des parties contractantes.
Que vous a répondu la Générale des eaux quand, en tant que dirigeant du SIAEAG, vous avez demandé à consulter ce contrat ?
Nous nous sommes tournés vers le tribunal de commerce en vue de connaître la base de la convention entre la commune, le SIAEAG et la Générale des eaux, ou plutôt la Sogea, mais nous n'avons pas obtenu gain de cause.
Dix avenants ont été signés à ce contrat par les membres du SIAEAG, sans qu'ils sachent en quoi celui-ci consistait. Ces avenants ne livraient-ils tout de même pas d'indications sur les obligations contractuelles de chacune des parties ?
Nous avons justement proposé de ne plus ajouter d'avenant au contrat et avons entamé les procédures en vue d'une DSP.
Vous avez donc voulu remettre en cause cette DSP pour obtenir un contrat plus équilibré et vous estimez que c'est à ce moment-là que la Générale des eaux a manifesté de la mauvaise volonté et que le réseau s'est dégradé.
C'est vous qui le dites. Je sais simplement que ce réseau comporte des tuyaux de plus de cinquante ans, n'ayant jamais été renouvelés, alors que, chaque année, des prélèvements étaient effectués en vue du renouvellement des canalisations.
Ces sommes ne provenaient pas des Guadeloupéens mais du fonds national pour le développement des adductions d'eau (FNDAE). Ce fonds prélevait une taxe à tous les Français abonnés au réseau d'eau. Il a été supprimé par la loi de finances de 2006 ou 2007, je ne me rappelle plus.
La faiblesse administrative et en ingénierie du SIAEAG a donc laissé les mains libres au délégataire, en lien avec l'État. Le SIAEAG ne disposant pas des moyens de contrôler la Générale des eaux, il s'en est remis à l'État pour gérer ses relations avec la Générale des eaux.
C'est la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions qui a imposé que la DDAF s'occupe de l'ingénierie de l'eau pour les collectivités.
L'État nous a demandé de conduire, par une délibération, l'ingénierie faite par la DDAF.
Je n'étais alors que simple membre du SIAEAG. Posez la question à ses dirigeants de l'époque.
Vous avez indiqué que l'État ne disposait pas d'éléments administratifs fiables pour vous éclairer sur la relation entre le SIAEAG et la Générale des eaux.
En réalité, j'ai dit que l'État m'a déclaré par courrier ne pas disposer d'éléments fiables, alors que j'en recherchais pour pouvoir reprendre le réseau qui appartient à Capesterre-Belle-Eau.
En fin de compte, qui est responsable des dysfonctionnements à l'origine de ruptures dans la livraison de l'eau en Guadeloupe ?
Votre rapport le dira. J'ai mon idée, mais je tiens pour l'instant à la garder pour moi.
Nos élus ont trop été jetés en pâture. Étaient-ce les élus qui décidaient des investissements à réaliser ? Je ne crois pas les élus responsables, loin de là. J'ai ma fierté.
Si la responsabilité des dysfonctionnements n'est pas imputable aux élus, celle-ci revient forcément à l'autre partie, à savoir la Générale des eaux.
En auditionnant toutes les parties prenantes, votre commission obtiendra la réponse. Je suis sûr que la Générale des eaux a touché de l'argent pour renouveler le réseau, or cette rénovation n'a pas eu lieu. Les techniciens qui nous accompagnaient auraient dû s'en charger, c'est-à-dire la DDAF.
Le SIAEAG devait s'occuper des réparations lourdes, mais la maîtrise d'œuvre revenait à la DDAF.
Le maître d'ouvrage était donc le SIAEAG, et il déléguait la maîtrise d'œuvre à la DDAF. Le SIAEAG était responsable du lancement des travaux.
Tout à fait.
Les fonds reçus du Fonds national pour le développement des adductions d'eau potable (FNDAE) ne nous laissaient pas le choix. Regardez les arrêtés de dépôt. Peut-être que nous, élus, avons été trop suivistes. Le conseil général était chargé de la répartition des fonds du FNDAE, après avis de la DDAF.
La Générale des eaux prélevait et encaissait les sommes dues au titre de la fourniture d'eau pour le compte du SIAEAG. Les paiements effectués par les usagers à la Générale des eaux sont-ils revenus dans les caisses du SIAEAG pour lui permettre de procéder aux travaux de réparation ?
Ces paiements alimentaient une caisse unique gérée par un trésorier payeur, qui réglait ou encaissait au nom du SIAEAG.
La SIAEAG a reçu des paiements des usagers pour réaliser la maîtrise d'ouvrage des grosses réparations.
Nous avons mis en demeure, en sollicitant même un huissier, la Générale des eaux d'émettre des factures, ce qu'elle n'a pas fait pendant plus de deux ans.
Je précise que j'ai quitté le SIAEAG en 2014. Nous avons envoyé un huissier à la Générale des eaux. Entre-temps, nous avions émis un titre de recette pour la commune du Lamantin et Cap excellence. Nous avons porté l'affaire devant les tribunaux. Il me semble qu'à ce jour, le SIAEAG n'a toujours pas perçu l'intégralité des sommes qui lui étaient dues.
Revenons à la situation antérieure aux problèmes de facturation de 2012. La Générale des eaux versait alors au SIAEAG, par l'intermédiaire du trésorier payeur, les sommes prélevées aux usagers. Pourquoi ce circuit financier n'a-t-il pas conduit à la réparation régulière des réseaux ?
Le SIAEAG est resté des années entières sans recevoir les recettes ni des abonnés ni des collectivités qui lui achetaient de l'eau. La Générale des eaux faisait en somme ce qu'elle voulait.
Le SIAEAG est donc resté un certain temps sans percevoir de recettes des collectivités qui lui achetaient de l'eau.
M. Hernandez a dû vous dire la même chose hier.
Si je vous comprends bien, la Générale des eaux était libre de faire ce qu'elle voulait, en lien avec l'État, puisque le SIAEAG ne disposait pas de l'ingénierie nécessaire pour réaliser les contrôles.
J'ai simplement dit que le SIAEAG n'avait pas de cabinet technique. Il n'employait à l'époque qu'une secrétaire. Nous n'avons pas imposé la loi. Nous n'avons fait qu'améliorer les choses. La preuve en est que, quand nous avons pris conscience d'être bernés, nous avons embauché de jeunes Guadeloupéens au SIAEAG. Forts de leur amour pour la Guadeloupe, ils nous ont montré en quoi nous étions défaillants, ce que n'a pas apprécié la Générale des eaux.
Pendant longtemps, la Générale des eaux ne vous fournissait pas de contrat et vous reversait ce qu'elle voulait, sous le contrôle de l'État, alors que le SIAEAG ne disposait pas de l'ingénierie nécessaire pour contrôler la situation.
Je n'ai pas dit que la Générale des eaux nous reversait ce qu'elle voulait, mais simplement que nous n'avions pas accès au contrat, ce qui ne nous permettait pas de vérifier si elle assurait ses obligations.
En tant que maire de Capesterre-Belle-Eau, nous recevions de la Générale des eaux des factures portant sur des périodes de six mois antérieures à leur émission. Ces factures indiquaient la proportion de la part syndicale qui nous revenait. Heureusement, la chambre régionale des comptes est intervenue. Il n'était pas normal que revienne aux communes de l'argent qui aurait dû aller directement au SIAEAG.
Reprenons. La Générale des eaux a signé un contrat avec le SIAEAG que vous n'avez jamais pu consulter.
La Générale des eaux avait conclu un contrat, non pas avec le SIAEAG mais avec le syndicat des communes du Levant, qui a rédigé un avenant. Nous voulions consulter cet avenant en exploitation. Seulement, il ne nous a pas été communiqué. Nous savions qu'une suite d'avenants avait modifié le contrat, soit économiquement, soit administrativement, mais jamais ces éléments ne nous ont été fournis.
En tant que dirigeant du SIAEAG, vous n'aviez pas de contrat initial avec la Générale des eaux.
Je vous ai déjà répondu. Nous avons voulu mettre un terme à cette histoire d'avenants modifiant certains avenants que nous ne connaissions pas, et opter pour une DSP. Cette DSP a été attaquée par la sous-préfecture et la Générale des eaux pendant toute la durée de notre mandat.
Finalement, à vous entendre, la Générale des eaux était plutôt en contact avec l'État via la DDAF.
Vous me demandez si j'ai vraiment dit ça ?
Je ne réponds pas.
Or, l'État assurait finalement la maîtrise d'œuvre. Cette situation vous était imposée en contrepartie des financements.
Je vous ai déjà répondu.
Hier, M. Amélius Hernandez nous a déclaré que la Générale des eaux était responsable du renouvellement des canalisations.
Tout à fait. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure. Les travaux de renouvellement incombaient à la Générale des eaux. En revanche, les travaux d'extension et de modernisation étaient à la charge du SIAEAG.
La Générale des eaux était donc responsable de l'entretien courant du réseau et le SIAEAG, des gros travaux ?
Je viens de dire que, quand il fallait modifier une canalisation, le SIAEAG devait s'en occuper, alors que l'entretien du réseau incombait à la Générale des eaux.
Bien sûr. Elle devait s'en charger avec l'accord des collectivités sur les provisions destinées aux réparations.
Le SIAEAG exerçait-il bien la maîtrise d'ouvrage concernant les changements de canalisations et les gros travaux ?
J'étais quant à moi surtout chargé de la DSP. Vous devriez vous adresser aux responsables de l'exploitation.
Vous avez évoqué un rapport de 1998 signalant l'existence de provisions pour le renouvellement des canalisations. Quel montant annuel représentaient-elles ?
Je ne sais pas.
Vous ne savez donc pas combien les usagers payaient pour le renouvellement des canalisations ?
Non. La DDAF préparait avec la Générale des eaux le rapport d'exploitation qui nous était soumis.
De nombreux auditionnés nous ont fait part de leurs suspicions concernant l'attribution de la gestion déléguée de l'eau à la Générale des eaux sans interruption depuis 1947. Certains nous ont parlé de contrat reconduit tacitement. Le confirmez-vous ?
À l'époque où j'appartenais au SIAEAG, nous avons habilement enlevé à la Générale des eaux une délégation, celle de l'assainissement, remportée par une autre société à l'issue d'une mise en concurrence. Craignant de perdre l'ensemble du marché, la Générale des eaux a menacé de partir si l'assainissement ne lui était pas laissé, sous le prétexte que dans ce cas, elle accuserait des pertes. Elle s'est livrée à un chantage à l'emploi. Le personnel de la Générale des eaux s'est mis en grève, par solidarité avec leur employeur.
Quel regard portez-vous sur les conditions de départ de Veolia, qui a empoché 14 millions d'euros et obtenu la signature d'une clause de non-poursuite en justice ? Ces clauses vous semblent-elles favorables à l'intérêt général ? Pourquoi ont-elles été acceptées ?
Je ne peux pas vous le dire. À ce moment-là, j'avais été mis à l'abri. Certaines personnes voulaient à tout prix faire pression sur M. Hernandez et quelques résistants afin de reconduire la Générale des eaux, simplement en augmentant le prix de l'eau. Nous n'avons pas accepté.
Des élus. Je ne souhaite pas en dire plus, ne voulant pas jeter d'anciens collègues en pâture.
Je ne peux pas vous le dire, faute de preuves.
Le conseil syndical.
Il me semble que vous avez incité les citoyens à ne pas payer leurs factures d'eau. Qu'espériez-vous obtenir ainsi et qu'avez-vous de fait obtenu ?
Si j'ai un regret, c'est celui de ne pas être parvenu à régler le problème de l'eau.
Certains propriétaires de résidences secondaires à Capesterre-Belle-Eau y payaient plus d'eau en n'y séjournant que le week-end, qu'à Point-à-Pitre, où il n'y a pourtant pas de sources d'eau. Nous avons toujours demandé à clarifier ces incohérences de facturation.
Nous ne voulons pas que les Guadeloupéens se retrouvent doublement pénalisés par une augmentation du prix de l'eau qui les obligerait à payer ce qu'ils ont déjà payé antérieurement. La population ne saurait accepter cette augmentation.
Quel regard portez-vous sur les déboires du SIAEAG et les dépenses somptuaires qui ont été dénoncées ?
Ces dépenses somptuaires n'engagent que ceux qui les ont engagées. Elles ont été autorisées par un conseil d'administration et un conseil syndical. Tout le monde devrait admettre que nous étions au courant, même les non-élus qui font aujourd'hui partie du conseil de surveillance et ont donné leur aval à ces dépenses.
Les Guadeloupéens ne doivent pas être doublement pénalisés. L'État et Veolia portent chacun une part de responsabilité.
Je ne suis pas sûr que les millions qui vont être consacrés au renouvellement des canalisations permettront d'arriver à des résultats spectaculaires. Malgré les réparations annoncées, les Guadeloupéens ne voient toujours pas d'eau couler de leur robinet. Il y a trop de fuites administratives. Certains bâtiments administratifs n'ont pas de compteur. Certains planteurs de bananes reçoivent de l'eau potable gratuite, parce qu'une canalisation passe sous leur terrain. C'est grave. Je ne cesse de le répéter : il faut procéder à une recherche de fuites. Il n'en coûtera pas des millions.
Le rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes de 2012 indique que, « de 2005 à 2011, il a été dépensé dans les missions, les déplacements, les réceptions et la communication 6,9 millions d'euros, soit l'équivalent de 7 mini stations d'épuration ». Qu'est-ce que cela vous évoque ?
Le président du SIAEAG faisait partie de la fédération nationale des régies des concessions. Personnellement, je n'ai assisté qu'à une réunion à Nice. J'ai entendu parler de coopération avec d'autres structures de la Guadeloupe.
Vous avez été président de la communauté d'agglomération pendant un an, de 2019 à 2020. Avez-vous, à ce titre, entrepris des actions particulières ?
J'ai mené des actions pour que certains endroits puissent avoir de l'eau. Nous avons reçu une unité de transformation à Baillif. Nous avons participé à la modernisation de la production de l'eau dans la communauté Grand Sud Caraïbe. Surtout, nous avons tenu à sécuriser la production. Il ne reste plus qu'une seule usine de charbon actif, à Belle-Eau-Cadeau. Le coût de renouvellement du charbon actif, qu'il faut transporter en métropole pour le débarrasser des résidus, n'est pas encore inclus dans le prix de l'eau.
Avez-vous connaissance de faits de financiarisation, de prédation, de corruption que vous voudriez nous présenter ?
Je ne peux pas répéter de simples on-dit.
La séance est levée à vingt heures cinquante.