Intervention de Frédéric Certain

Réunion du vendredi 11 juin 2021 à 15h45
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe :

Ingénieur de formation, j'ai présidé la Générale des eaux Guadeloupe du 1er septembre 2014 au 31 août 2017. J'ai travaillé trente-deux ans chez Veolia avant de prendre ma retraite, voilà quelques mois. J'exerce depuis comme consultant indépendant, notamment pour Veolia.

J'ai suivi une partie des débats forts instructifs de ces derniers jours. Les salariés de l'eau et en particulier de la Générale des eaux y font figure de grands absents. Ils ne reçoivent pas toujours la reconnaissance publique qu'ils méritent, bien qu'ils soient les premiers motivés pour assurer la continuité du service de l'eau malgré les difficultés en Guadeloupe.

J'insisterai sur mon respect pour eux et en particulier pour les représentants du personnel, dont je salue l'intégrité et le courage lorsque des décisions difficiles se sont imposées. Je m'exprime ici avec d'autant plus de sincérité qu'ils m'ont parfois durement éprouvé lors de mouvements de grève.

Lorsque nous avons estimé devoir nous retirer de Guadeloupe, nous avons cherché à y maintenir l'emploi pour ne laisser personne au bord du chemin. Il en a coûté de l'argent à Veolia. Signalons-le, car d'autres entreprises n'auraient peut-être pas géré la fin de leur présence en Guadeloupe comme nous avons tenté de le faire.

Les usagers constituent la raison d'être d'un groupe comme le nôtre. Or ils se retrouvent les premières victimes des dysfonctionnements qui nous occupent aujourd'hui.

L'accès à l'eau correspond à un droit universel que Veolia met en œuvre à travers ses filiales, partout dans le monde. Ce que nous constatons actuellement en Guadeloupe est un échec.

Nous avons agi au mieux dans le cadre de la loi et des règles contractuelles, aussi souvent que possible avec l'appui des collectivités, dans une logique de progrès. Nous avons eu la clairvoyance de tirer de notre incapacité à rétablir la situation un constat d'échec puis de nous retirer.

La partie est de la Basse-Terre reçoit plus de précipitations que la Côte-sous-le-vent et que la Grande-Terre, puisque les alizés n'arrosent pas Pointe-à-Pitre et ses alentours. Un grand projet structurant visant au développement agricole et touristique de la Grande-Terre et à la consolidation de la population de Pointe-à-Pitre a répondu à la problématique éruptive de la Soufrière. Sans la réalisation de l'ouvrage technique de Belle-Eau-Cadeau, auquel est attaché le SIAEAG, la transformation de l'île, au cours des cinquante dernières années, n'aurait pas eu lieu. Cette installation hydraulique, remarquable pour son époque, permet d'acheminer de l'eau des pentes de la Soufrière jusqu'à la Désirade.

Le lien hydraulique et structurel qui en résulte entre les territoires implique toutefois des contraintes, techniques, financières et politiques. En somme, l'installation mise en place à partir de Belle-Eau-Cadeau repose sur la solidarité des collectivités. Les principales causes de la dégradation de l'alimentation en eau me semblent liées à ce point central.

Tant que les collectivités, solidaires, ont pratiqué une tarification unique de l'eau en partageant les investissements et la propriété des installations à travers le SIAEAG, tout a bien fonctionné. Malheureusement, les lois relatives à la formation de nouvelles collectivités ont conduit au retrait progressif d'un certain nombre d'acteurs, à commencer par ceux du sud de la Basse-Terre, en particulier les Saintes et Capesterre-Belle-Eau, puis Cap Excellence, suivis par les collectivités du Nord de la Grande-Terre. La solidarité a ainsi disparu au profit d'un outil pervers : les ventes d'eau en gros. La dépendance de certaines collectivités vis-à-vis d'autres a conduit à leur affrontement.

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