Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Réunion du vendredi 11 juin 2021 à 15h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SIAEAG
  • délégataire
  • eaux
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  • facture
  • guadeloupe
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  • usager
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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intÉRÊts privés et ses conséquences

Vendredi 11 juin 2021

La séance est ouverte à quinze heures quarante-cinq.

(Présidence de Mme Mathilde Panot, présidente de la commission)

La commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, procède à l'audition des dirigeants et anciens dirigeants de la Compagnie générale des eaux de Guadeloupe.

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Nous allons à présent auditionner les représentants de la Générale des eaux de Guadeloupe, filiale de Veolia, précédemment titulaire de plusieurs contrats de délégation de service public :

– Mme Eudoxie Houmbadji, présidente de la Générale des eaux de Guadeloupe ;

– M. Frédéric Certain, qui en a été dirigeant, puis président entre 2014 et 2017.

Je vous remercie de nous avoir communiqué l'ensemble des contrats conclus entre la Générale des eaux et le Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) depuis 1968. Ne nous manquent plus que les documents initiaux des marchés de prestation de services de 2008, relatifs à la production, à l'adduction et à la distribution d'eau potable sur le périmètre du SIAEAG, ainsi qu'à la collecte et au traitement des eaux usées.

Je vous remercie de nous déclarer tout intérêt public ou privé de nature à influencer vos déclarations. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Les personnes auditionnées prêtent serment.

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Eudoxie Houmbadji, présidente de la Générale des eaux Guadeloupe

Présidente depuis janvier 2020, je suis chargée de la fermeture administrative de la Générale des eaux. Mes missions consistent essentiellement à recouvrer les créances résiduelles, à suivre les litiges résiduels et à organiser la cession des actifs.

La Générale des eaux Guadeloupe n'opère plus depuis le 1er octobre 2019. Je n'ai ni géré de contrat de distribution d'eau ou d'assainissement, ni pris directement part aux négociations ayant abouti à la modification des échéances des différents contrats de la Générale des eaux.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Ingénieur de formation, j'ai présidé la Générale des eaux Guadeloupe du 1er septembre 2014 au 31 août 2017. J'ai travaillé trente-deux ans chez Veolia avant de prendre ma retraite, voilà quelques mois. J'exerce depuis comme consultant indépendant, notamment pour Veolia.

J'ai suivi une partie des débats forts instructifs de ces derniers jours. Les salariés de l'eau et en particulier de la Générale des eaux y font figure de grands absents. Ils ne reçoivent pas toujours la reconnaissance publique qu'ils méritent, bien qu'ils soient les premiers motivés pour assurer la continuité du service de l'eau malgré les difficultés en Guadeloupe.

J'insisterai sur mon respect pour eux et en particulier pour les représentants du personnel, dont je salue l'intégrité et le courage lorsque des décisions difficiles se sont imposées. Je m'exprime ici avec d'autant plus de sincérité qu'ils m'ont parfois durement éprouvé lors de mouvements de grève.

Lorsque nous avons estimé devoir nous retirer de Guadeloupe, nous avons cherché à y maintenir l'emploi pour ne laisser personne au bord du chemin. Il en a coûté de l'argent à Veolia. Signalons-le, car d'autres entreprises n'auraient peut-être pas géré la fin de leur présence en Guadeloupe comme nous avons tenté de le faire.

Les usagers constituent la raison d'être d'un groupe comme le nôtre. Or ils se retrouvent les premières victimes des dysfonctionnements qui nous occupent aujourd'hui.

L'accès à l'eau correspond à un droit universel que Veolia met en œuvre à travers ses filiales, partout dans le monde. Ce que nous constatons actuellement en Guadeloupe est un échec.

Nous avons agi au mieux dans le cadre de la loi et des règles contractuelles, aussi souvent que possible avec l'appui des collectivités, dans une logique de progrès. Nous avons eu la clairvoyance de tirer de notre incapacité à rétablir la situation un constat d'échec puis de nous retirer.

La partie est de la Basse-Terre reçoit plus de précipitations que la Côte-sous-le-vent et que la Grande-Terre, puisque les alizés n'arrosent pas Pointe-à-Pitre et ses alentours. Un grand projet structurant visant au développement agricole et touristique de la Grande-Terre et à la consolidation de la population de Pointe-à-Pitre a répondu à la problématique éruptive de la Soufrière. Sans la réalisation de l'ouvrage technique de Belle-Eau-Cadeau, auquel est attaché le SIAEAG, la transformation de l'île, au cours des cinquante dernières années, n'aurait pas eu lieu. Cette installation hydraulique, remarquable pour son époque, permet d'acheminer de l'eau des pentes de la Soufrière jusqu'à la Désirade.

Le lien hydraulique et structurel qui en résulte entre les territoires implique toutefois des contraintes, techniques, financières et politiques. En somme, l'installation mise en place à partir de Belle-Eau-Cadeau repose sur la solidarité des collectivités. Les principales causes de la dégradation de l'alimentation en eau me semblent liées à ce point central.

Tant que les collectivités, solidaires, ont pratiqué une tarification unique de l'eau en partageant les investissements et la propriété des installations à travers le SIAEAG, tout a bien fonctionné. Malheureusement, les lois relatives à la formation de nouvelles collectivités ont conduit au retrait progressif d'un certain nombre d'acteurs, à commencer par ceux du sud de la Basse-Terre, en particulier les Saintes et Capesterre-Belle-Eau, puis Cap Excellence, suivis par les collectivités du Nord de la Grande-Terre. La solidarité a ainsi disparu au profit d'un outil pervers : les ventes d'eau en gros. La dépendance de certaines collectivités vis-à-vis d'autres a conduit à leur affrontement.

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Pendant quelle période la Générale des eaux n'a-t-elle pas émis de factures aux abonnés ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Les propos tenus ces derniers jours m'amènent à penser que nous ne nous sommes peut-être pas suffisamment expliqués sur ce point. Parler de suspension de la facturation me paraît excessif. Début 2012, nous avons introduit un nouvel outil de facturation, qui n'a pas fonctionné comme nous le souhaitions. Il a provoqué des anomalies et des retards. Nous l'avons reconnu comme un accident industriel.

La facturation n'a pas été suspendue pendant deux ans. Selon le contrat de marché public conclu en 2008, la Générale des eaux devait émettre des factures, les recouvrer et transmettre mensuellement au SIAEAG les montants correspondants. En 2012, l'année la plus difficile, nous avons transféré au SIAEAG un montant moyen d'une vingtaine de millions d'euros. Notre rapport annuel du délégataire (RAD) de 2012 indique que nous avons facturé près de 80 % des sommes requises. Si notre système a connu des défaillances, il n'en a pas moins fonctionné.

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Combien de temps avez-vous utilisé ce logiciel ? Quels impacts ont eu ses dysfonctionnements ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Nous avons compensé les défaillances du logiciel par la mobilisation de moyens importants. La consolidation de nos équipes a permis l'émission manuelle de factures. L'impact, surtout relationnel, s'est ressenti sur la confiance que nous accordaient les abonnés. L'arrivée de factures groupées, dont certaines erronées, qu'il a fallu rectifier ensuite, a provoqué leur insatisfaction. Nous avons accepté les critiques de bonne grâce.

Notre groupe a trouvé le moyen de remédier rapidement à cet accident industriel. Nous avons installé, dès 2015, un outil de substitution au logiciel défaillant : Wat.erp. À la demande des collectivités qui ont quitté le SIAEAG, nous l'avons déployé auprès des Régies eau Nord Caraïbes (RENOC) et Eau d'excellence. La société Eau de Paris l'utilise aussi.

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Entre 2012 et 2015, quelle proportion des usagers a reçu des factures ? Quelle part de ces factures étaient incorrectes ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Nous avons émis 80 % de nos factures en 2012 et les 20 % restants les années suivantes. Ce rattrapage a provoqué un effet de rejet chez certains abonnés. Je ne suis pas capable de vous indiquer la part de factures erronées.

L'émission de factures en Guadeloupe ne se déroule pas comme sur le reste du territoire français. La facturation part de la lecture des compteurs. Or la fraude existe. Le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de mai 2018 indique, au point 2.7.3. : « Le non-paiement des factures et les prélèvements sauvages constituent des pratiques courantes. Ces attitudes aboutissent à une dégradation très forte de la performance globale du système de facturation. Si ces pratiques, par nature clandestines, sont difficiles à chiffrer, certaines mesures permettent d'indiquer qu'elles sont loin d'être marginales. »

La contestation des factures a pris une ampleur médiatique qui nous a posé de lourds problèmes, auxquels nous n'avons pas su apporter de réponse définitive.

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Le logiciel incriminé a été utilisé en Alsace-Lorraine également. Combien de temps ? Des dysfonctionnements ont-ils également été constatés ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Il convient de dissiper certaines légendes urbaines. La Générale des eaux a hérité en Guadeloupe d'un système de facturation ancien et peu performant. Dès 2011, le fournisseur a prévenu qu'il n'en assurerait plus l'entretien. Nous avons donc cherché une solution de remplacement. Veolia s'était engagée à améliorer son système de facturation au niveau mondial par le système VCMS, basé sur une architecture Oracle. Aujourd'hui utilisé à Shanghai et par Veolia Eau d'Île-de-France, il a donné de bons résultats.

Dans l'est de la France, où il a été installé en même temps qu'en Guadeloupe, il a en revanche entraîné des difficultés, d'où son abandon, début 2015. Nous sommes alors revenus, en Alsace-Lorraine, à la solution antérieure. En revanche, l'impossibilité d'en faire autant en Guadeloupe a contraint à subir plus longtemps les dysfonctionnements, jusqu'au passage à Wat.erp.

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La Générale des eaux a-t-elle été défaillante dans l'entretien des réseaux en Guadeloupe ? Comment analysez-vous leur état actuel ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Les contrats indiquent les rôles des différentes parties dans l'entretien des réseaux. Je me réjouis que vous les ayez reçus en vue d'en prendre connaissance.

Le renouvellement des canalisations et du génie civil est à la charge des collectivités. Il apparaît normal qu'elles gardent le contrôle de ces investissements. La durée de vie de telles installations dépasse largement celle des contrats.

Le rôle des collectivités consiste à organiser les financements nécessaires, dans la plupart des cas en instaurant une surtaxe majorant le prix de l'eau. Le délégataire est chargé de son recouvrement. Il en allait ainsi dans tous nos contrats en Guadeloupe. Aucun débat n'en a jamais résulté.

Le délégataire a l'obligation d'informer la collectivité, par ses rapports annuels, des investissements à réaliser en priorité.

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Certains de nos auditionnés affirment que la Générale des eaux n'a pas produit ces rapports tous les ans.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je ne le pense pas. Ces rapports relevaient d'une obligation légale et contractuelle. Je les tiens à la disposition de la commission. Notre exemplarité de ce point de vue constitue pour nous une garantie. Ces rapports ont été remis aux collectivités, tenues par la loi de les soumettre à leur conseil pour approbation, ce qu'elles n'ont pourtant pas toutes fait.

Voici quelques extraits du compte rendu annuel adressé au SIAEAG en 2012. « D'une façon générale, la capacité de stockage sur l'ensemble des réseaux est devenue insuffisante. Il serait utile d'entreprendre un remplacement des canalisations d'amiante-ciment trop fragiles. » Plus loin est signalée une fuite sur saturateur de chaud, à l'usine de Belle-Eau-Cadeau : « Nous constatons régulièrement des baisses de pression dans le réseau de Belle-Eau Cadeau. »

Malheureusement, les mêmes constats reviennent d'une année à l'autre. Selon nous, les collectivités du périmètre du SIAEAG ont échoué, des années durant, à déployer des moyens pour corriger les lacunes signalées. D'autres, en revanche, ont écouté le délégataire et mobilisé des fonds. Certains secteurs de la Guadeloupe reçoivent ainsi un bien meilleur service que d'autres.

La communauté d'agglomération du Nord Grande-Terre (CANGT), en dépit de son éloignement de la ressource, ne subit pas de coupures d'eau, parce que nous disposions à l'époque d'un interlocuteur de qualité, Mme Louis-Carabin. La CANGT a consenti à imposer une surtaxe et donc un prix de l'eau supérieur à celui d'autres collectivités, loin de toute démagogie.

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La Générale des eaux n'assume-t-elle tout de même pas une part de responsabilité dans l'entretien des réseaux, de son ressort ? Beaucoup d'associations signalent des compteurs tournant à l'envers ou alors que l'eau est coupée. Ces compteurs ne relevaient-ils pas de votre responsabilité, au même titre que la réparation des fuites ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

L'entretien du réseau est en effet à la charge du délégataire. Cependant, la réparation de fuites sur des tuyaux en trop mauvais état, loin de résoudre les problèmes, aggrave la situation en amont et en aval, en augmentant la pression sur une partie du réseau défectueuse. Il en a été ainsi dans le périmètre du SIAEAG, où les investissements n'ont pas été réalisés et où, à partir de 2012, nous avons dû procéder à plus de 2 000 réparations par an, soit un chiffre aberrant.

Le rapport du CGEDD dénonce une fraude organisée sur les compteurs en Guadeloupe. Certains dysfonctionnements ne sont pas d'origine mécanique. Le nombre d'anomalies excède de loin ce que pourrait expliquer la simple dégradation du fonctionnement des compteurs avec le temps, d'autant que nos contrats pourvoyaient à leur renouvellement. La pratique, certes exceptionnelle, du retournement des compteurs nous a posé des difficultés.

La fraude est très rarement le fait d'usagers en difficulté, que la Générale des eaux est capable d'accompagner.

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Le rapport de la chambre régionale des comptes de 2012 indique que la Générale des eaux décide seule des investissements sans aucun avis critique du SIAEAG. Pourquoi ne pas lui avoir proposé plus clairement des investissements ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Les conclusions de la chambre régionale des comptes en Guadeloupe nous ont toujours beaucoup apporté. Toutes n'ont pas été aussi négatives.

Nous ne sommes pas en mesure de décider des investissements à la place des communes. Nous ne disposons pas des fonds requis. Nous n'exerçons qu'un rôle de conseil. Certaines collectivités nous ont systématiquement écartés des décisions techniques, considérant que leur autorité devait prévaloir sur la nôtre.

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Où est passé l'argent versé par les usagers pour la rénovation des réseaux ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Collectivités et délégataire exercent des rôles distincts mais complémentaires. L'État a très largement subventionné les investissements initiaux, en particulier pour l'installation de Belle-Eau-Cadeau. Il ne serait pas juste d'affirmer que les usagers l'ont payée.

Les collectivités décident du prix de l'eau, en fonction du modèle contractuel qu'elles retiennent. En Guadeloupe, elles ont confié l'exploitation des réseaux à des délégataires ou opérateurs, en se réservant quant à elles la mainmise sur les investissements. Elles devaient donc fixer une surtaxe correspondante. À la différence d'autres collectivités, le SIAEAG a fait fondre la sienne, surtout à partir de 2008. Ce choix s'explique par l'ambition politique de proposer une eau moins chère.

Les accords « Bino », après la crise financière de 2009, ont prévu, non seulement des investissements supplémentaires, compte tenu des risques de dégradation de la situation, mais aussi une baisse du prix de l'eau, une augmentation du salaire des agents de l'eau et, tout aussi grave, la suppression des pénalités appliquées à ceux qui ne payaient plus leur eau. En permettant d'un côté à la Guadeloupe de sortir d'une passe difficile, ils ont contribué de l'autre à déstabiliser la situation.

Lorsque le SIAEAG a supprimé une partie de sa surtaxe, il a allégé la facture d'eau. Seulement, la facture, celle de l'entretien, en l'occurrence, finit toujours par se payer.

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Vous me dites que l'argent payé par les usagers a bien été consacré au renouvellement du réseau.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Le SIAEAG a systématiquement revu à la baisse les surtaxes établies pour constituer des provisions en vue du renouvellement des réseaux. Les factures d'eau ont ainsi diminué au détriment de la constitution de moyens qui auraient permis au SIAEAG d'assumer ses obligations techniques.

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M. Amélius Hernandez a porté sous serment une accusation grave. Selon lui, la Générale des eaux payait M. Germain Paran, du comité de défense des usagers de l'eau de Guadeloupe.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je ne suis pas du tout au courant de cette pratique.

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Pourquoi la Générale des eaux est-elle partie ? Pourquoi a-t-elle exigé une clause de non-poursuite ? À quoi correspondent les 14 millions d'euros qui lui ont été versés à la fin de son contrat ? Trouvez-vous cette somme justifiée, compte tenu de ses manquements en matière de gestion ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Le terme d'indemnité ne saurait s'appliquer aux 14 millions d'euros que vous évoquez. L'accord de décembre 2014 a conclu un mouvement de grève extrêmement difficile, qui a marqué l'ensemble de l'île, à la veille des fêtes de Noël, impactant la distribution d'eau de toute la population. Ceux qui l'ont vécu s'en souviendront.

Il fallait trouver une solution. Le SIAEAG nous avait demandé, par trois fois, les deux années précédentes, de rester en Guadeloupe et de l'accompagner dans la distribution du service. Nous avions pourtant dit, dès 2013, qu'au terme de notre contrat, nous ne voulions plus travailler dans les conditions qui nous étaient imposées, sans les renouvellements que nous souhaitions. Face à l'insistance du SIAEAG, nous avons, par trois fois, dû signer une prolongation de notre contrat, qui devait donner lieu, au moins, au paiement de notre activité. Alors même qu'il approuvait nos factures, le SIAEAG a malgré tout cessé de payer la Générale des eaux. Les 14 millions d'euros résultent de l'exécution d'un droit et correspondent au montant de ces factures approuvées mais non réglées.

Nous avons accepté de ne pas réclamer les valeurs abandonnées au SIAEAG, d'un montant pourtant supérieur à 14 millions d'euros. La clause de non-poursuite a résulté de négociations sous la vigilance de M. le préfet Billant et d'élus.

La Générale des eaux n'a pas pris la décision de partir de gaieté de cœur. Nous avons opéré en Guadeloupe un peu plus de cinquante ans. Nous avons apporté de l'eau dans des territoires où il n'y en avait pas. Notre présence, légitime, s'appuyait sur une histoire. Nous avions d'excellentes relations avec un grand nombre d'acteurs, à l'exception du SIAEAG, la structure de laquelle nous dépendions essentiellement.

Une entreprise s'appuie à la fois sur ses actionnaires, ses salariés et ses usagers. Sur le plan financier, nous avons consenti à des efforts considérables. Le cumul de nos pertes, de 2008 à 2017, atteint 120 millions d'euros. Une plus petite société aurait-elle pu supporter des pertes d'un tel niveau ? Nous avons estimé, à un moment donné, qu'elles devaient cesser.

Le terme de balkanisation a été employé à juste titre à propos du démembrement du SIAEAG et des conflits en son sein. Les usagers méritaient beaucoup mieux. Il me paraît rassurant de revenir à un syndicat qui réunira l'ensemble des acteurs de l'eau.

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Si je vous comprends bien, pendant les cinquante ans de sa présence en Guadeloupe, la Générale des eaux a régulièrement alerté le délégant sur la nécessité, qui incombait à ce dernier, de renouveler les réseaux. Le SIAEAG est resté sourd à ces alertes, pour des raisons de démagogie politicienne, afin de maintenir un prix de l'eau bas.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Vous résumez bien mes propos. Il ne m'appartient pas de qualifier de démagogues nos interlocuteurs. Je m'en excuse si je l'ai fait. Je parlerais plutôt de choix et d'ambitions politiques distincts, et de volonté de baisser le tarif de l'eau. Toutefois, l'eau paye l'eau. Sur le long terme, elle comporte toujours un coût.

Cette même problématique se pose en métropole, dans certains territoires ruraux. La situation actuelle de la Guadeloupe doit servir d'avertissement aux collectivités de l'hexagone.

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Vous estimez en somme que le SIAEAG a opté pour une gestion à court terme afin de satisfaire les usagers par un prix de l'eau bas, sans investir en vue de l'avenir.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Vous résumez très bien la difficulté : comment concilier le court terme avec une vision à long terme, que le délégataire doit inspirer, mais dont la mise en œuvre incombe au délégant, seul capable de mobiliser les fonds nécessaires ?

Les précédentes auditions ont montré l'absence d'unanimité au sein du SIAEAG.

Il faut par ailleurs prendre en compte les impayés. Une collectivité qui établit son tarif en prévoyant de recouvrer le prix d'un certain nombre de mètres cubes et n'en récupère en réalité qu'une partie se retrouve en difficulté. C'est l'état du réseau, et donc les usagers, qui pâtissent le plus des impayés.

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Pourriez-vous mettre en regard le pourcentage d'usagers, en Guadeloupe, ne disposant pas d'un service d'eau continu à l'époque de la Générale des eaux, avec le taux d'impayés ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je ne dispose pas de chiffres relatifs aux usagers ne recevant qu'un service déficient. Cette notion s'avère difficile à qualifier. Si j'en crois les médias, certains ne reçoivent pas d'eau pendant quelques heures, d'autres, plusieurs jours durant. Cette situation est dramatique.

Le taux d'impayés en Guadeloupe, significativement élevé, dépassait déjà les 10 % en 2008, alors qu'en métropole, il oscillait entre 0,6 % et 0,8 %. Le rapport du CGEDD évoque un taux actuel de près de 35 %.

Il convient de s'interroger sur les raisons de cette dégradation. Peut-être s'explique-t-elle par un appauvrissement de certains segments de la population ou par de graves manquements de la part de certaines administrations, contrevenant à leur mission d'exemplarité. J'ai ainsi eu vent d'une dette du centre hospitalier universitaire (CHU).

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Quelles collectivités ne payaient pas leurs factures pendant votre présence en Guadeloupe ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Les impayés des administrations, principalement des collectivités locales, représentaient près de 20 % de nos impayés courants. Le tribunal administratif a jugé en appel que la communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre (CASBT) nous doit encore plus de 2 millions d'euros, qu'elle n'a jamais souhaité nous verser. Je suppose que cette maladie grave, qui consiste à ne pas reconnaître ses dettes, en reportant sur d'autres les difficultés, ne touche pas seulement, en Guadeloupe, le secteur de l'eau.

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Vous avez indiqué que la fraude n'était pas le fait des usagers aux ressources les plus modestes, qui payaient leur eau de bonne foi. Qui ne la payait pas ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je ne connais pas une famille qui puisse se permettre de rester sans eau faute d'avoir réglé sa facture d'eau. La bonne foi des familles guadeloupéennes les plus modestes vis-à-vis de leurs factures est un fait avéré, que j'ai pu constater au quotidien.

La loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, a été appliquée en Guadeloupe avant qu'elle ne prenne effet en métropole. Quand rien n'incite un usager de mauvaise foi à payer, ses dettes s'accumulent, sans qu'il en résulte de conséquences pour lui.

Certaines collectivités ne nous ont pas aidés. La CASBT, en novembre 2014, a délibéré sur la non-facturation par la Générale des eaux du service sur Capesterre-Belle-Eau. Dès 2008, le SIAEAG a refusé de couper l'eau aux mauvais payeurs. À l'issue d'une période de soixante jours sans paiement, le SIAEAG avait l'obligation de reprendre la main pour émettre des titres exécutoires, ce qu'il n'a jamais fait. Une grande part de ses créances vient de là.

En 2013, j'ai lancé une grande campagne de communication en Guadeloupe sur le paiement. De grandes affiches indiquaient que payer l'eau, c'est assurer l'avenir, l'emploi et le développement. Cette initiative m'a été reprochée.

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Pourquoi, selon vous, le SIAEAG n'a-t-il pas été suffisamment diligent pour recouvrer les impayés au bout de soixante jours ? Par manque d'ingénierie ou par volonté politique ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Il n'a pas manqué de diligence. Il n'a simplement rien fait.

Quant à ses raisons, il serait imprudent pour moi de trancher votre question.

La facturation chez RENOC et Eau d'excellence fonctionne aujourd'hui très bien sur la base d'un logiciel que nous avons développé ensemble, en formant ensemble également le personnel à son utilisation. La transition s'est admirablement opérée. Le SIAEAG n'avait sans doute ni les moyens ni l'envie ni les connaissances nécessaires pour suivre nos recommandations. Il a opté pour un logiciel qui s'est avéré désastreux. Plus d'un an après notre départ, il ne parvenait toujours pas à établir de factures. Le SIAEAG accuse, sur ce point-là, un déficit de savoir, que d'autres collectivités ont su mieux gérer.

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Parmi les 32 communes de la Guadeloupe, lesquelles ont adopté une démarche constructive d'investissement à long terme dans les réseaux, suivant les recommandations des rapports annuels du délégataire ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

La mémoire me fait défaut, mais il suffit de voir aujourd'hui où le réseau s'est le plus dégradé. Ailleurs, les collectivités ont tenu compte de nos recommandations, en particulier en Grande-Terre, le territoire le plus sec de l'île, où l'eau potable est arrivée le plus tard. Les décideurs et les usagers, conscients de son importance, ont accepté de la payer à son juste prix. De fait, le mètre cube d'eau y coûte environ un euro de plus qu'ailleurs en Guadeloupe, de manière à financer des investissements à long terme. Je salue le choix politique de Mme Louis-Carabin. M. Christian Gatoux a lui aussi su nous écouter et convaincre le président de Cap Excellence d'investir sur le long terme.

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Le prix de l'eau supérieur d'un euro par mètre cube environ en Grande-Terre expliquerait selon vous le meilleur entretien des réseaux dans le périmètre de la communauté d'agglomération du Nord Grande-Terre (CANGT) par rapport à celui du SIAEAG, dans la Basse-Terre, qui a opté pour une politique de court terme.

Qu'en est-il du reste de la Côte-sous-le-vent ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je ne peux parler que de ce que je connais. La Générale des eaux gérait la distribution d'eau à un peu plus des trois quarts de la population guadeloupéenne. Je me garderai d'émettre un avis sur le quart restant correspondant à la Côte-sous-le-vent.

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Vous déclarez qu'entre 2008 et 2017, la Générale des eaux a perdu 120 millions d'euros. Pourriez-vous nous donner les résultats cumulés de la période allant de l'arrivée de votre entreprise en Guadeloupe à 2008 ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je pourrai vous les fournir. La période antérieure à 2008 a également été difficile. Il n'est pas exact que nous ayons rétribué largement notre actionnaire. Nos résultats ont toujours été nuls ou proches de zéro. Leur cumul n'a en tout cas jamais permis la constitution de réserves. Les changements de contrats ont singulièrement aggravé la situation financière de notre groupe à compter de 2008. De 2008 à 2015, aucun des contrats que nous exploitions n'a dégagé de résultats. Notre actionnaire a dû consentir à l'augmentation de notre capital pour nous permettre de survivre. Les comptes annuels transmis aux collectivités en gardent la trace.

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Si l'aggravation de la situation en 2008 est due à un changement de contrat, alors le délégant a dû obtenir plus d'argent à compter de cette année-là. Qu'en a-t-il fait, puisqu'il n'a pas renouvelé les réseaux ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Le renouvellement des réseaux n'étant pas à la charge du délégataire, il ne perçoit pas de sommes réservées à cette fin. Lorsque les collectivités ont réussi, par le biais de surtaxes, à constituer des provisions, elles ont ensuite exécuté les travaux correspondants.

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Pourriez-vous nous transmettre par écrit les résultats cumulés entre, d'une part, votre arrivée en Guadeloupe et 2008, et d'autre part, 2008 et 2017, avant et après frais de siège ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

La Générale des eaux est arrivée en Guadeloupe après son acquisition de la Sogea, dans les années 2000. Il nous sera difficile de remonter au-delà.

Les frais de siège relèvent d'une nécessité. Ils permettent à une filiale de bénéficier de la connaissance technique du groupe en réglant les frais de recherche et de développement, mais ils correspondent aussi à une assurance, à une mutualisation des coûts. Je vous laisse imaginer ce qui se serait passé si l'actionnaire n'avait pas disposé, grâce à ces frais de siège, de moyens d'aider sa filiale à absorber 120 millions d'euros de pertes. La Générale des eaux Guadeloupe a très largement profité des retours qu'elle était en droit d'attendre de ces frais de siège. De mémoire, ils s'élevaient à un peu plus d'un million d'euros par an. Ils ne me semblent pas faire partie des points essentiels de notre débat.

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Pourquoi le SIAEAG a-t-il remis en cause vos liens contractuels en 2008 ? Y voyez-vous l'une des raisons de la dégradation du réseau d'eau en Guadeloupe ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

En 2008, le SIAEAG a signé un contrat de marché public, manifestant ainsi sa volonté politique et technique de bénéficier d'un meilleur contrôle sur son opérateur. Notre prestation se rapprochait dès lors plus d'une obligation de moyens que de résultats. Même si une telle formule ne nous agréait pas forcément, nous avons soumis une offre, qui a été retenue. Ce nouveau cadre plus corseté ne nous permettait pas de mettre à profit tout notre savoir-faire et soumettait chacun de nos décisions à l'autorité délégante. Nous l'avons toutefois accepté. Un tel système ne fonctionne malgré tout qu'avec un interlocuteur à la compétence technique suffisante.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Il m'est difficile de parler en mal d'un ancien interlocuteur. Certains de ses choix techniques ne m'ont pas semblé les meilleurs.

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Revenons aux problèmes de facturation de 2012, que vous considérez comme un accident industriel. Quelles ont été les victimes de cet accident ? Quelle réparation ont-elles obtenu ? Quelles assurances ont joué ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Dans le cadre d'une délégation de service public (DSP), l'opérateur assume les risques liés au recouvrement, puisque son tarif est fixé par le contrat. Le marché public passé par le SIAEAG avec la Générale des eaux reportait en revanche ce risque de recouvrement sur ce dernier. Le SIAEAG a donc assumé les conséquences de sa décision quant au recouvrement des factures non réglées, au bout de soixante jours, sachant qu'il disposait des outils nécessaires pour y procéder. Même si le problème de facturation nous a pénalisés, c'est le SIAEAG qui a payé le plus lourd tribut.

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À partir de 2008, le SIAEAG a assumé les risques liés au recouvrement. Sa dextérité technique étant perfectible, les impayés ont augmenté.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Les impayés ont augmenté pour plusieurs raisons que j'ai évoquées. Les accords « Bino », les déclarations d'élus et d'associations, les incidents de facturation et la dégradation du service se sont combinés de la pire manière.

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En 2012 est survenu un accident industriel relatif à la facturation, que le SIAEAG vous avait confiée, alors qu'il assumait le recouvrement à ses risques et périls.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Le contrat de 2008 nous rendait responsables de l'émission des factures et de leur recouvrement dans un délai de soixante jours. Au-delà, la décision de recouvrer ou non les sommes dues appartenait au SIAEAG.

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Considérez-vous que, de 2012 à 2015, l'accident industriel relatif à la facturation a pu perturber le recouvrement, dont la responsabilité incombait au SIAEAG ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Le SIAEAG a décidé de ne plus priver d'eau les mauvais payeurs à partir de 2008 et de ne pas émettre de titres exécutoires.

Le SIAEAG n'a pas fait usage des éléments que nous lui avons transmis, ce qui explique une grande part de ses problèmes de trésorerie.

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Du fait de cet accident industriel, 20 % des informations de facturation n'ont pourtant pas été transmises au SIAEAG.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Un rattrapage les années suivantes a permis de compenser les factures non émises en temps voulu, même si un décalage a en effet eu lieu.

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Les responsables du SIAEAG le chiffrent à 30 millions d'euros.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je qualifierai ce chiffre de partisan. Il faudrait analyser la situation sous de multiples angles. Le plus difficile restera de mesurer l'effet des impayés, passés de 10 % à 35 % pendant la période envisagée.

Face à des problèmes d'impayés, une régie peut augmenter ses tarifs, l'année suivante, pour compenser son manque à gagner, alors qu'un délégataire est contraint de respecter les tarifs fixés par son contrat pendant toute la durée de celui-ci.

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Comment avez-vous indemnisé les victimes de cet accident industriel ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Nous avons prêté une grande attention à nos clients individuels et mis en place une politique d'accompagnement et de paiement dans la durée.

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Selon vous, après le transfert de la compétence en eau aux collectivités en 2014, un système fondé sur la solidarité a cédé la place à des relations de dépendance conflictuelles, ayant conduit à des tours d'eau. Quand la situation a-t-elle basculé ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Le premier départ, le plus significatif, du SIAEAG, celui de la CASBT où se situe Capesterre-Belle-Eau, date de fin 2013. Il en a résulté des conflits politiques sur la propriété des installations et les droits d'eau associés, puisque la ressource en eau sur l'île provient en majorité de cette commune.

J'associe en effet cette rupture d'équilibre au transfert de la compétence en eau aux collectivités.

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Avant cette période où la Générale des eaux gérait l'eau dans un système solidaire, arrivait-il que l'eau soit coupée en Guadeloupe ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Il a pu y avoir des coupures en raison d'accidents dans le réseau ou de fortes pluies, mais elles ne duraient pas comme à présent, ce qui s'avère particulièrement éprouvant pour les usagers.

Depuis le départ de la Générale des eaux, la situation, si j'en crois la presse, continue à se dégrader. J'en suis extrêmement malheureux. Nos usagers de Guadeloupe ne le méritent pas.

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À vous entendre, quasiment aucune responsabilité ne revient à la Générale des eaux. Certains auditionnés nous ont toutefois indiqué qu'aucune cartographie complète des réseaux n'a été fournie par votre société lors de son départ. M. Cordoval, directeur de cabinet au SIAEAG de M. Laurent Bernier affirme que la Générale des eaux, en partant, n'a transmis au SIAEAG qu'une base de données clients incomplète, avec six mois de retard. Enfin, certains reprochent à la Générale des eaux le choix des matériaux utilisés pour réparer le réseau.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Notre contrat définissait nos responsabilités, que nous avons observées durant toute la durée de son exécution. Les reproches que vous me rapportez ne nous ont jamais été formulés par les collectivités. La Générale des eaux a bien transmis les documents requis en présence du représentant du trésorier-payeur général (TPG).

Dans le cadre de la plupart de nos contrats, les collectivités recevaient les informations que nous collections en temps réel. Seulement, toutes ne disposaient pas des outils pour en tirer parti. Je doute que le SIAEAG ait eu les moyens de faire les bons choix en termes d'outils clientèle, d'autant plus que cette base clients, la principale du territoire, comportait 70 000 usagers. Le SIAEAG, en refusant l'aide qui lui a été proposée, a fait de mauvais choix et je le regrette.

Des débats portent sur les matériaux. La technique évolue. Nous avons toujours opté pour ceux qui nous semblaient les meilleurs. La problématique du polyéthylène haute densité ne touche pas seulement les territoires ultra-marins. Dans le sud de la France aussi, des matériaux réputés de bonne qualité se sont avérés cassants au fil du temps, en raison de températures élevées. La Générale des eaux a dès lors imposé l'Excel Plus, plus coûteux mais plus résistant. Nos anciens collaborateurs ont pu vous confirmer la pertinence d'un tel choix.

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Quelle partie des factures revenait au délégataire et quelle proportion en était consacrée, d'une part, à l'entretien du réseau, et d'autre part, aux actionnaires ?

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Pendant la période que j'ai gérée, et même à partir de 2008, nous n'avons pas eu l'occasion de verser de dividendes aux actionnaires. Au contraire, nous leur avons demandé de nous accompagner financièrement. La part qui leur a été reversée est donc négative.

La situation de la Guadeloupe est atypique. Je n'avais rien vu de tel en trente-deux ans de métier et j'espère que des solutions seront trouvées pour y remédier. Les pertes d'un opérateur portent préjudice à l'entreprise, à ses salariés, et à l'environnement.

Je n'ai pas eu connaissance de dividendes versés avant 2008. La Guadeloupe n'a jamais été source de profits pour notre société ni pour Sogea.

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Selon M. Amélius Hernandez, ancien président du SIAEAG, trois millions de mètres cubes auraient été donnés sans contrepartie financière aux régies de Nord Grande-Terre et de Pointe-à-Pitre-Abymes tout en étant facturés aux usagers.

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Frédéric Certain, ancien président de la Générale des eaux Guadeloupe

Je n'ai jamais rencontré M. Hernandez. J'ai déjà dénoncé l'effet pervers des ventes d'eau entre collectivités, qui les organisaient elles-mêmes en fixant leurs tarifs. J'ignore ce qu'il en est de ces trois millions de mètres cubes, mais j'ai le souvenir de droits d'eau historiques de certaines collectivités sur certaines installations antérieures à la mise en place du SIAEAG.

La réunion se termine à dix-sept heures quinze.