Le 4 mars 2009, le LKP, les élus guadeloupéens et l'État avons signé, le 4 mars 2009, un accord prévoyant qu'au 1er janvier 2010, la Guadeloupe ne compterait qu'une seule structure de l'eau. Par le biais de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et des fonds européens, nous devions engager de lourds travaux pour avoir de l'eau potable pour tous et revoir l'assainissement. À l'époque, 50 % de la ressource produite disparaissait dans les sols, les tuyaux commençant à céder. Aujourd'hui, ce ratio est monté à 70 %, à plus de 90 % dans certains endroits.
Nous avions aussi constaté un nombre important de mauvais payeurs, dont le conseil général, le conseil régional, la préfecture, la gendarmerie, le tribunal, les hôtels et de grandes entreprises.
Nous sommes finalement retombés dans les mêmes travers. Ni l'État, ni les collectivités, ni les élus de Guadeloupe n'ont respecté leurs engagements. Certains ont trouvé que le partenariat public-privé était plus intéressant et se sont mis en tête de faire de l'argent sur le dos des usagers. Les multinationales de l'eau sont arrivées chez nous, l'État ayant incité les collectivités à ce type de partenariat. Le prix a progressivement augmenté, pour rémunérer les actionnaires. L'argent de l'eau n'était plus investi dans des rénovations, mais dans la construction de gymnases et autres terrains de tennis dans le cadre des campagnes électorales. Il est même probable que cet argent ait servi en France, pour les campagnes présidentielles. Au fur et à mesure, ni la Générale des eaux, qui détenait quasiment la totalité des marchés, ni les collectivités n'ont investi dans la réparation des tuyaux, dans la rénovation, dans la gestion.
Nous étions partie civile dans le procès du Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), mais il n'a finalement pas permis de connaître la vérité. Le parquet n'a jamais nommé de juge d'instruction. Je suis resté deux jours dans la salle. Je me suis exprimé une fois. De nombreux noms ont été cités, des ministres, des maires, des présidents de collectivités, des préfets, des sous-préfets, des femmes de sous-préfet, des trésoriers-payeurs généraux. Aucun n'a fait l'objet d'une audition par un juge d'instruction.
L'État joue un rôle mystérieux. Il a l'avantage de changer de préfet tous les deux ou trois ans, mais il se présente comme s'il n'était pas concerné par l'affaire, rejetant la faute sur les élus. Selon moi, les deux sont responsables. L'État a adoubé une multinationale et l'a utilisée, un peu comme en Afrique. Dans les registres du SIAEAG ou de la Générale des eaux, vous pouvez vérifier le nombre de fonctionnaires, de femmes de préfet, de sous-préfets, de femmes de gendarme qui sont venus de France et ont travaillé dans ces institutions. Cette gestion mafieuse était orchestrée par l'État.
J'ai entendu votre intervention dans la presse. Nous partageons la même vision : l'eau doit être gérée dans le cadre d'un service public, avec représentation des syndicats ouvriers, des associations d'usagers, sans délégation ni prestation de service public. Nous devons en tirer les leçons. Confier la gestion de l'eau à une entreprise privée reviendrait à entrer dans le même engrenage.
Il nous semble qu'au moins 1,3 milliard d'euros sont nécessaires, sur une douzaine ou une quinzaine d'années, pour lancer de grands travaux et mettre en place des usines neuves et un nouveau réseau de distribution d'eau et d'assainissement. Les 30 millions d'euros de l'État ou les 70 millions d'euros de la région et du département ne suffiront pas. Ils permettront uniquement de réaliser des travaux urgents afin que les habitants aient de l'eau potable.
Par ailleurs, sur la pollution, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) place le seuil à 0 μg de chlordécone par litre. La France a pourtant voté un texte prévoyant qu'en Guadeloupe et Martinique, les habitants pouvaient boire 0,1 μg par litre. Nous pouvons donc prendre une cuillérée de poison tous les jours.
Cette semaine, en sud Basse-Terre, le taux de chlordécone est extrêmement élevé. Les habitants boivent de l'eau chlordéconée depuis des années, même en cas d'alerte. Par propagande électorale, les services municipaux apportent quelques bouteilles, mais la ménagère continue à se laver, à laver son linge et à cuisiner avec de l'eau du robinet chargée en chlordécone.
Nous avons rencontré un ingénieur de l'agence régionale de santé (ARS). Nous lui avons demandé si l'eau agricole transportée dans le nord Grande-Terre et qui sort du sud Basse-Terre était filtrée. Il nous a répondu qu'il ne savait pas et qu'il ne souhaitait pas aller sur ce terrain. On irrigue des terres non polluées en chlordécone avec de l'eau contaminée, qui n'est même pas filtrée au charbon actif. Nous nous tirons non pas une balle dans le pied, mais dans la tête.
De plus, nous n'avons pas à payer les filtres pour le chlordécone ni les installations pour purifier l'eau. Cette position devrait être adoptée par tous les présidents de collectivités. Le chlordécone a été introduit illégalement en Guadeloupe, en 1972, au mépris des textes puisque dès 1969, la commission des toxiques avait émis un avis défavorable, indiquant qu'il s'agissait d'un pesticide dangereux pour l'environnement comme pour la santé humaine. En dépit de cette recommandation, Jacques Chirac et ses amis ont délivré une autorisation illégale. Même quand on a su, à partir de 1991, que le chlordécone était entré dans l'eau potable, la population n'a reçu aucune information. On l'a laissée boire de l'eau chlordéconée. Ce n'est qu'en 1998 qu'elle a été informée et qu'en 2008 que le premier Plan Chlordécone a vu timidement le jour.
Désormais, 92 à 95 % des habitants sont contaminés. Les collectivités paient les filtres de charbons actifs avec nos impôts pour une pollution orchestrée par l'État, principal responsable de notre empoisonnement.
Par ailleurs, nous ne comprenons rien au syndicat mixte ouvert (SMO), d'autant que nous en avons été exclus. Entre 2009 et 2019, personne ne s'est préoccupé de l'accord LKP. En 2019, nous avons commencé à entendre que le préfet et les présidents de collectivité parlaient de la gestion de l'eau dans la Conférence territoriale de l'action publique (CTAP). Nous n'avons pas été invités alors que nous étions signataires de l'accord, syndicat majoritaire dans les services d'eau de Guadeloupe, membres d'associations de défense des usagers de l'eau. Nous nous y sommes rendus malgré tout. Engagement a été pris de rencontrer les organisations syndicales ouvrières et les associations de défense des usagers.
Nous avons constaté que le préfet, les collectivités et les différentes structures d'eau s'étaient déjà entendus pour licencier environ 250 salariés dans le cadre de la constitution d'un nouvel organisme prenant la place du SIAEAG. Nous les avons prévenus que rien ne se ferait sans les usagers et les syndicats ouvriers. Brusquement, nous n'avons plus été invités.
Depuis, nous entendons dire que les dettes financières du SIAEAG seront payées par la future structure, c'est-à-dire par les usagers, et que les dettes fournisseurs seront prises en charge par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), avec l'impôt des usagers. Ainsi, nous avons payé, nous avons des tuyaux dégradés, l'argent a disparu, l'eau est empoisonnée et nous devons encore payer.
Toutes les associations membres du LKP ont décidé que tant que nous n'obtiendrions pas de réponse claire sur la gestion, la comptabilité et la qualité de l'eau, nous refuserions de régler les factures. Des huissiers pourchassent les ménages, mais les grosses structures que j'ai citées continuent à ne pas payer.
L'État doit aussi prendre en charge la décontamination de l'eau et nous demandons une remise à zéro de tous les compteurs.