Intervention de Victorin Lurel

Réunion du mercredi 16 juin 2021 à 15h15
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ancien ministre des Outre-mer :

Depuis le début de ma carrière politique en 1988, je n'ai pas eu à m'occuper d'eau. Élu conseiller général en 1994, je n'ai siégé dans aucune commission relative à l'eau ou aux travaux. Je n'ai pas appartenu à la commission d'appel d'offres du conseil général ni à celle qui s'occupait du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) sous l'autorité de M. Amélius Hernandez.

Lorsque je suis devenu maire en 2001, la gestion de l'eau dans ma commune relevait du syndicat intercommunal du sud de la Côte-sous-le-Vent. Je n'y ai jamais siégé et je l'ai encore moins présidé. À l'époque, il avait pour président M. Félix Desplan, maire de Pointe‑Noire, auquel a succédé le maire de Bouillante, M. Jean-Claude Malo. En 2005, j'ai dû renoncer, pour éviter le cumul de mandats, à mes fonctions de maire de Vieux-Habitants au profit de M. Georges Clairy, qui a dès lors présidé ce syndicat intercommunal.

Mes relations avec ce syndicat se sont limitées à l'octroi d'une subvention de 2 millions d'euros afin de réparer des canalisations, suite à un éboulement, à Bouillante. Depuis ces travaux, nous ne rencontrons pas de problème d'eau dans ma commune, pas plus que sur la Basse-Terre et la Côte-sous-le-Vent en général.

Des problèmes de facturation et de mauvaise gestion sont en revanche apparus lorsque la Côte-sous-le-Vent a rejoint la communauté d'agglomération Grand Sud Caraïbe (CAGSC).

En trente-deux ans de vie politique, je n'ai jamais siégé au Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) et n'ai assisté à aucun conseil d'administration. J'ai bien sûr côtoyé M. Hernandez en tant que président du conseil général, fonction que j'ai occupée neuf ans, mais je n'ai pas une seule fois voyagé avec lui.

J'ai entendu dire que, sous l'autorité du Premier ministre M. Manuel Valls, j'avais reçu M. Hernandez et sept vice-présidents du SIAEAG, le 27 mai 2013, date de l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage en Guadeloupe. Il n'en est rien. M. Hernandez n'a jamais été mon ami.

En tant que directeur général des services du Gosier à l'époque où M. Jacques Gillot en était le maire, je n'ai siégé qu'à une seule commission d'appel d'offres, à sa demande, en raison d'un problème juridique.

N'appréciant pas certaines façons de procéder, je me méfiais de M. Hernandez. Je ne me suis rendu qu'une fois aux Journées de l'eau, mais l'ambiance m'y a paru si outrancièrement festive, dès le parking, que j'ai refusé d'y entrer, ce dont mon cabinet peut témoigner. De même, je n'ai jamais donné suite aux demandes du SIAEAG de 80 000 euros de subvention pour organiser ces festivités.

Alors que j'étais ministre, M. Hernandez m'a dit être ruiné, abandonné par ses amis. Des rumeurs commençaient déjà à circuler à l'époque. Un divorce politique m'a éloigné de M. Gillot, à qui nous avions confié, sous l'étiquette du parti Guadeloupe unie, socialisme et réalités, la présidence du conseil départemental. Quelques années plus tard, sa coalition hétéroclite m'a battu aux élections régionales de 2015. Ceux qui en faisaient partie travaillaient avec M. Hernandez, y compris l'actuel président du conseil régional.

J'apprends depuis qu'au tribunal, M. Hernandez n'a pas dénoncé ses amis proches, mais Victorin Lurel.

En avril 2014, le préfet de la Guadeloupe, M. Jacques Billant, m'a convié, en ma qualité de président du conseil régional, à une réunion, un dimanche, avec les cadres de la préfecture et les cadres techniques de la région, en vue de la création d'un syndicat unique de l'eau, dans l'idée de mettre fin aux délégations de service public (DSP) à des sociétés privées.

J'avais conseillé au préfet, préférant quant à moi une concurrence réglée à un monopole, de ne pas inclure dans ce syndicat Mme Lucette Michaux-Chevry, présidente de ce qui est aujourd'hui la CAGSC. Il ne m'a pas écouté. Le jour de la signature du protocole, elle s'est rétractée, marquant ainsi la première division entre élus.

Un 8 mai, à Basse-Terre, elle m'a déclaré que, se considérant comme propriétaire de l'eau avec MM. Joël Beaugendre et Germain Paran, elle n'adhèrerait pas au syndicat unique. Ce projet a, de fait, échoué.

J'ai menacé de demander une habilitation à remplacer les communes et les communautés d'agglomération, sans succès. L'entente n'a pas été possible.

L'État a fini par imposer récemment un très mauvais projet au Parlement. Quelques amendements cosmétiques ont tenté de mieux associer les usagers au fonctionnement du nouveau syndicat.

Je m'étonne que votre commission m'auditionne. Ne commettez pas l'erreur du tribunal qui a trouvé en moi un bouc émissaire. Écoutez les responsables directs. Le président du conseil général de l'époque dirigeait la gestion de l'eau, puisqu'il vendait l'eau brute. Pourquoi croyez-vous que tant de querelles et de différends aient surgi avec la Générale des eaux ? Parce que celle-ci a perdu le marché de la vente de l'eau brute, remporté par la Nantaise des eaux.

Mme Melet-Champrenault s'est occupée d'une affaire à ce sujet, qui n'a pas été conduite à son terme. M. Gillot devait y être entendu à propos de recrutements tenant lieu de contreparties.

Lors de mon élection au conseil régional en 2004, cette collectivité employait M. Germain Paran comme agent contractuel. M. Paran était en réalité l'homme lige de M. Joël Beaugendre, maire de Capesterre-Belle-Eau. Lors de leur campagne en 1995, comme le château d'eau de Belle-Eau-Cadeau se situe sur leur commune, ils se sont déclarés propriétaires de l'eau, ce que j'ai d'ailleurs dénoncé. À l'issue d'un procès, le préfet a dû répartir l'actif et le passif du SIAEAG, qu'avaient quitté MM. Paran et Beaugendre. Ce dernier a déclaré à ses administrés : « Vous ne payerez pas l'eau », ce qui s'est vérifié.

À ma connaissance, M. Paran n'a jamais réglé une seule facture d'eau, alors qu'il se pose en défenseur des usagers. Il a raison en ce qui concerne certains dysfonctionnements et accointances, mais il a tort de se donner le beau rôle en attaquant les élus qu'il a toujours soutenus.

Lorsque le contrat de M. Paran avec la région est arrivé à échéance en 2004, je ne l'ai pas renouvelé. Mme Michaux-Chevry l'a aussitôt recruté à la CAGSC. Après la faillite consommée de cette communauté d'agglomération, M. Beaugendre en est devenu le président.

M. Paran donne l'impression de bien connaître le dossier et se présente comme un lanceur d'alerte, mais cela me semble difficile à croire. Il répète ce que M. Hernandez a déclaré au tribunal contre moi, sans preuve.

Je ne fréquentais pas les responsables de l'eau en Guadeloupe, n'aimant pas ce milieu et ses habitudes festives. Je ne les ai côtoyés qu'une seule fois, lors d'un voyage officiel à Cuba, pour le compte de la région, dans le cadre d'une mission de coopération. À l'arrivée de Danilo Medina, président de la République dominicaine, M. Hernandez, qui possède la nationalité dominicaine, est venu montrer qu'il connaissait le ministre. Je ne suis pas sûr qu'une telle attitude soit bien perçue à Saint-Domingue.

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