Intervention de Jean Philippe Cabal

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Jean Philippe Cabal, secrétaire national « corps de commandement » de FO Pénitentiaire :

Monsieur le rapporteur, si nous répétons les mêmes choses, c'est pour une raison simple : rien n'a été réglé. En trente-deux ans de carrière, j'ai connu plusieurs mouvements de personnel. Dans les années quatre-vingt-dix, à la suite du décès de certains de nos collègues, les choses ont évolué. Mais il n'y a toujours pas de solutions.

Vous parlez de l'ordonnance de 1945. J'en entendais déjà parler en 1989. Il y a eu certes une évolution dans la prise en charge des mineurs avec la création d'établissements spécialisés mais aujourd'hui ils sont surpeuplés et des gens qui ne sont pas plus mineurs que moi y sont incarcérés.

Il n'y a aucune statistique sur les violences. Cela m'inquiète car cela veut dire que l'on dissimule la vérité.

Depuis la fin de l'année dernière, il y a un mouvement des personnels. Mais quelle est la réponse ? Le rapport de forces ? Je trouve que c'est stupide. On ne se pose pas les bonnes questions. Comment fait-on pour protéger la population pénale aujourd'hui ? Voilà une question à poser car les violences en prison ne sont pas seulement dirigées contre les personnels.

La contrôleure générale des lieux de privation de liberté vient de publier son rapport annuel, où elle souligne que la loi de programmation pour la justice ne servira à rien. Cela fait deux ans qu'il est question de vider les prisons. Un programme a été élaboré par la précédente garde des sceaux. Où en est-il ? On n'en a jamais vu le début d'application.

Vous parliez de l'évolution du statut du personnel. Bien sûr qu'il doit évoluer. Force ouvrière a son idée là-dessus et publiera une plaquette revendicative à ce sujet. Il faut rendre de l'autorité aux personnels pénitentiaires. Rappelons que plus de 60 % des personnels ont le bac alors que 36 % des policiers n'ont pas le bac. Il faut arrêter d'opposer les niveaux de recrutement. Il y a des pistes à étudier. Pour les personnels administratifs, il y a eu un recrutement sud et un recrutement nord mais je ne sais pas si cela a contribué à augmenter les embauches car visiblement cela a été abandonné.

Pourquoi n'arrive-t-on pas à trouver de réponses ? Notre ministre de tutelle et le directeur de l'administration pénitentiaire sont pourtant là pour ça. Cela fait des années qu'il est question de classification des établissements en fonction du profil des détenus. Un régime extrêmement sécuritaire réclame une loi adaptée. Comment se fait-il qu'un détenu très violent condamné à une lourde peine capable de passer à l'acte ait pu se retrouver dans une unité de vie familiale à Condé-sur-Sarthe ? Désormais, les familles sont fouillées dans ce centre pénitentiaire. Mais jusqu'à quand ? La réaction de la population pénale ne va pas tarder.

Si vous voulez rendre de l'autorité au personnel, il faut qu'il ait des moyens légaux et législatifs à sa disposition. Depuis la loi de 2009, pour des raisons de conformité avec le droit européen, on ne peut plus fouiller les détenus alors que certains devraient l'être. Certes, des fouilles systématiques ne s'imposent pas sur une personne incarcérée parce qu'elle n'a pas payé sa pension alimentaire, mais il ne faut pas oublier l'existence du phénomène des « mules ». Les gens moins dangereux sont menacés par les plus dangereux qui les forcent à faire entrer des téléphones ou de la drogue en détention. Quant aux chiens, bien sûr qu'il en faut pour détecter les stupéfiants. Cela implique là encore une évolution législative.

Par ailleurs, il a été question de méthodes d'évaluation et de primes. Je dois dire que je n'en ai jamais touché alors que j'ai été chef d'établissement pendant quinze ans. La rémunération au mérite pour certaines catégories de personnel, et pas seulement les chefs d'établissement, existe depuis 2007. Des objectifs sont fixés et, à la fin de l'année, une évaluation permet de voir s'ils ont été atteints. C'est le management par objectifs qui a été institué par l'administration française au milieu des années 2000. Je ne vois donc pas en quoi cette rémunération au mérite serait quelque chose nouveau. La vraie nouveauté, ce serait d'avoir les budgets nécessaires pour la mettre en œuvre. Il y a bien des indemnités majorées mais comme il n'y a pas d'argent, il n'y a aucune majoration.

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