Intervention de Joseph Paoli

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Joseph Paoli, secrétaire national adjoint en charge de la direction interrégionale de Bordeaux du SPS :

Nous avons déjà participé à une commission d'enquête sur les quartiers et établissements pénitentiaires pour mineurs. La question du coût avait notamment été abordée : il s'élève certes à 700 euros par jour par détenu mineur. Le débat a déjà eu lieu, néanmoins, et des solutions ont été apportées. C'est un sujet problématique dont il faut se saisir, y compris sous l'angle de l'action des surveillants et des éducateurs. Nous avons formulé nos propositions pour réaliser des économies.

Dans ce débat, toutes les questions sont pertinentes, y compris celle de l'attractivité du métier de surveillant. La politique « pro-détenus » que j'évoquais ne correspond pas à un simple sentiment, mais à un constat. Les agressions sont très nombreuses – jusqu'à 4 000 par an – et les incidents quotidiens : insultes, crachats, etc. La politique de gestion des détenus décidée par le Gouvernement, qui s'impose aux directeurs d'établissement via les directeurs interrégionaux, répond à un objectif sacro-saint : l'ordre public. Lorsqu'un policier, un gendarme ou toute personne dépositaire de l'autorité publique est atteint physiquement, la réponse pénale est immédiate ; ce n'est pas le cas dans la pénitentiaire. Les réponses disciplinaires ne sont pas toujours en adéquation avec la gravité des faits commis à l'encontre des surveillants, ce qui nuit à leur travail – qu'ils exercent déjà en mode dégradé et en sous-effectif.

Au moins faut-il qu'une réponse soit apportée immédiatement lorsqu'un surveillant est agressé, afin d'éviter qu'il n'ait à ouvrir le lundi à celui qui l'a agressé le vendredi. On nous répond qu'un transfert d'urgence n'est pas toujours possible le vendredi en raison du week-end et qu'il faut attendre le lundi, mais, une fois le lundi venu, le transfert, nous dit-on, est devenu moins urgent et peut attendre le mercredi. Certes, les détenus coupables peuvent être placés au quartier disciplinaire, mais ils ont mis au point une technique pour y échapper : une fois qu'ils s'y trouvent, ils appellent le médecin en larmes et menaçant de se suicider, suite à quoi le médecin prononce l'incompatibilité de leur placement en quartier disciplinaire et leur renvoi en cellule. Là encore, sans doute faudra-t-il revoir le système.

Nous ne souhaitons pas opposer les détenus aux surveillants mais oui, nous avons le sentiment que la politique menée est plus favorable aux détenus : il est question de leur installer des cabines téléphoniques et de baisser le prix des cantines, par exemple. Voilà pourquoi nous estimons que l'on s'occupe davantage des fauteurs de trouble – je parle notamment des ingérables. Comment voulez-vous que nous conservions notre autorité si aucune réponse n'est apportée aux insultes que nous recevons ? Certes, notre métier consiste à se faire insulter toute la journée et nous l'avons choisi. Il arrive cependant un moment où il faut apporter une réponse. On nous opposera l'argument des détenus condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité, qui n'ont rien à perdre : n'oublions pas l'aspect pécuniaire, qui peut être une solution, les détenus étant gênés lorsque l'on touche à l'argent.

Autre exemple de cette politique pro-détenus : la contrôleure générale des lieux de privation de liberté estime qu'il serait bon d'autoriser les téléphones, notamment pour permettre les écoutes, et quitte à installer des brouilleurs. Les budgets nécessaires sont-ils prévus ?

Il faut tout revoir, tout réorganiser. La première priorité du travail des surveillants, c'est la sécurité : celle de l'établissement, mais aussi celle des détenus et de leurs co-détenus – car les agressions et règlements de comptes entre détenus sont très fréquents. Parallèlement, on nous demande de faire de la réinsertion : soit, mais donnez-nous des effectifs ! Comment faire de la réinsertion ou du renseignement avec un surveillant pour quatre-vingt-dix détenus ? Comment repérer les détenus en voie de radicalisation dans ces conditions ?

Le renseignement pénitentiaire est un problème réel. Nous avions proposé d'y consacrer des équipes spécialisées parmi les surveillants. Prenons l'exemple de Rédoine Faïd : il était suivi par le renseignement et placé sur écoutes. Son évasion met en lumière le problème de la transmission et de l'exploitation des renseignements. Pour l'instant, les choses ne fonctionnent pas. Il ne suffit pas de créer des postes d'officier de renseignement en milieu carcéral.

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