Intervention de Vincent Beudet

Réunion du mardi 2 avril 2019 à 14h00
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Vincent Beudet, secrétaire adjoint du syndical Interco 21, CFDT Interco :

Les trois thèmes que vous avez cités, monsieur le rapporteur, sont chers aux policiers municipaux : les conditions de travail, la situation statutaire et la situation opérationnelle.

Les conditions de travail des policiers municipaux se dégradent, la délinquance ayant changé de visage ces dernières années. Les agressions commises à l'encontre de nos collègues se multiplient. Ces violences peuvent survenir lors d'opérations d'encadrement périphérique des mouvements de contestation ou d'interventions de répression et de prévention de la délinquance quotidienne. L'assassinat d'une de nos collègues par un terroriste en janvier 2015 à Montrouge révèle que les policiers municipaux sont devenus des cibles.

Au quotidien, les policiers municipaux font preuve d'un engagement toujours plus marqué vis-à-vis des usagers. Ils sont soumis à une pression hiérarchique accrue, pour répondre aux décisions politiques. Les urgences sécuritaires, qui affectent fortement la vie de nos concitoyens, méritent bien sûr d'être traitées. Cependant, elles ne doivent plus être le fil conducteur de politiques publiques menées au coup par coup.

Depuis quelques années, les rapports des citoyens avec les policiers municipaux se sont profondément transformés. La population reconnaît et apprécie majoritairement le travail de ces agents, qui œuvrent dans la proximité et connaissent parfaitement les territoires.

Les policiers municipaux travaillent en service de jour, de nuit, ou en horaires décalés. Ils officient les week-ends et les jours fériés. Ces emplois du temps atypiques ont de nombreux effets délétères sur leur santé. Dans les grandes collectivités, les policiers municipaux sont devenus les primo-intervenants en matière de police de la route et de délinquance du quotidien. Face à un besoin de sécurité important, les effectifs croissent rapidement. Cela génère des difficultés dans certaines collectivités paraissant moins attractives en termes de moyens et de salaires. Il serait souhaitable de réfléchir à un dispositif de rémunération qui s'appliquerait de façon identique dans l'ensemble des collectivités métropolitaines et ultramarines.

À long terme, l'accès à la profession pourrait être facilité par la création d'un cursus de sécurité dans les filières éducatives technologiques et générales. Le dispositif des « cadets de la République » nous paraît en être un bon exemple.

Les prérogatives dévolues aux policiers municipaux par la loi du 15 avril 1999 ne sont plus, à notre avis, en adéquation avec la réalité des missions qu'ils exercent au quotidien. Le traitement morcelé des affaires lancées par les policiers municipaux ne permet pas de suivre efficacement les problématiques de délinquance sur le plan local. Dans un objectif d'amélioration, notre organisation a saisi le ministère de l'Intérieur afin que de nouvelles prérogatives judiciaires soient attribuées à l'ensemble des policiers municipaux. Le code de procédure pénale pourrait être modifié en ce sens, en son article 16 pour les directeurs, en excluant les crimes et délits en bande organisée, en son article 20 pour les chefs de service et brigadiers-chefs principaux, ainsi qu'en son article 21-1 pour les gardiens et brigadiers.

Dans le cadre de la police de sécurité quotidienne, certaines collectivités ont conclu avec les représentants de l'État des contrats territoriaux de sécurité. L'organisation des services de police municipale s'en trouve impactée. En effet, des effectifs sont alors quotidiennement affectés à des patrouilles pédestres mixtes commandées par les forces étatiques. Cet engagement sur des missions de sécurité publique nécessiterait une homogénéisation du niveau d'engagement de la force armée, des compétences judiciaires et des modes d'intervention. Généralement, cette situation est perçue comme gratifiante par les personnels concernés. Toutefois, cette expérimentation s'effectue sans compensation pour les collectivités ni prise en charge financière par l'État.

Les conventions de coordination qui ont été mises en place sont, de notre point de vue, plutôt déséquilibrées. Elles placent les policiers municipaux et leurs responsables en situation de subordination vis-à-vis de l'État. Celui-ci manifeste un faible engagement dans ces conventions, mais y gagne un regard sur le niveau d'activité opérationnelle des polices municipales.

La coordination entre les policiers municipaux et les forces de sécurité de l'État s'améliorerait considérablement si l'interopérabilité des réseaux radio était généralisée, sans être limitée aux fréquences d'urgence. Il serait en outre souhaitable de créer et de développer des centres de supervision urbains d'agglomération interopérables entre les forces de l'État et les polices municipales.

La confiance entre toutes les forces de sécurité existe. Pourrait-il en être autrement, étant donné les nombreux moyens de contrôle des polices municipales mis en place par le législateur ?

L'équipement de protection individuelle actuellement accessible aux policiers municipaux nous paraît conforme à la réalisation de leurs missions, telles qu'elles sont prévues par les textes législatifs et réglementaires. Pour autant, nous constatons que de nombreux policiers municipaux sont engagés sur des missions de protection des lieux de culte, par exemple. Dans ce cas particulier, il nous paraît nécessaire qu'ils soient formés et dotés d'armes longues. Quant aux agents engagés sur des grands rassemblements récréatifs ou sportifs, ils doivent être dotés de l'équipement nécessaire pour neutraliser tout acte hostile vis-à-vis de la population. L'harmonisation des équipements de protection, doublée d'une dotation obligatoire, constitue un impératif : gilets protégeant des balles et des lames, casques de protection et boucliers. L'armement de calibre 9 millimètres doit être mis en place afin de garantir la sécurité des effectifs sur le terrain.

D'un point de vue statutaire, les policiers municipaux sont en demande d'une véritable reconnaissance financière. Celle-ci pourrait être immédiatement satisfaite en faisant passer l'indemnité spéciale de fonction de 20 % à 27 % du traitement brut pour les agents de catégorie C, en rendant obligatoire le versement intégral de cette prime pour toutes les catégories, en intégrant cette prime dans le calcul des droits à pension de retraite, et enfin en supprimant les quotas de nomination pour l'accès aux catégories B et A.

En réponse à une demande forte des agents du cadre d'emploi des chefs de service, un changement d'appellation du grade est indispensable. À titre d'exemple, les appellations de nos collègues sapeurs-pompiers – lieutenant, capitaine, commandant – pourraient nous inspirer.

Les directeurs connaissent un déroulement de carrière en deux grades. Nous souhaitons attirer votre attention sur le manque d'attractivité de ce cadre d'emploi, caractérisé par une forte limitation de la grille indiciaire. Même si les promotions internes sont possibles, elles sont généralement assez difficiles à obtenir. En effet, peu de communes peuvent se permettre de recruter un titulaire de l'examen professionnel, en raison des conditions de quota nécessaires à sa nomination. Quant aux promotions à l'ancienneté, elles restent impossibles. Nous souhaitons que soient supprimés les quotas d'effectifs, ou que soit pris en considération l'ensemble de l'effectif commandé. Un changement d'appellation de grade nous paraît également nécessaire.

Une inquiétude prévaut quant au recours aux contractuels prévu dans le projet de loi de réforme du cadre statutaire des agents publics. Les collectivités territoriales pourraient ainsi recruter par contrat des agents extérieurs à la profession. Notre fédération y voit une perspective inacceptable. Rappelons que la filière de la police municipale a mis trente ans à se construire. La mise en œuvre de contractuels de catégorie A ou B ferait, de fait, régresser notre profession.

Nous pourrions aussi évoquer, lors de nos échanges, la forfaitisation de certains délits ou encore la question des agents de surveillance de la voie publique.

Quant à la formation, elle devrait être dispensée via un tronc commun à toutes les forces de sécurité. Une école pourrait être en outre dédiée à la police municipale.

Enfin, pour la fédération CFDT Interco, le développement des services de police municipale, encouragé par l'État, doit s'accompagner de la mise en place d'une structure de contrôle et d'audit desdits services.

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