La commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale auditionne les représentants de syndicats de la police municipale.
La réunion commence à quatorze heures.
Nous poursuivons les auditions de la commission d'enquête en recevant des syndicats de police municipale représentés au sein de la commission consultative des polices municipales. Je souhaite donc la bienvenue aux représentants des fédérations FO Police municipale, FA-FPT Police municipale, UNSA, CGT Police municipale et CFDT Interco.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relatif aux commissions d'enquête, je vous demanderai, messieurs, de prêter le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.
(Les personnes auditionnées prêtent serment.)
Messieurs, je souhaiterais vous voir aborder trois principaux points. Tout d'abord, quelle relation entretient la police municipale avec les forces de sécurité de l'État ? Ensuite, appelez-vous de vos vœux une réforme du statut des policiers municipaux ? Enfin, quelle appréciation portez-vous sur les équipements mis à votre disposition, notamment dans le cadre du maintien de l'ordre ?
Pour répondre à votre première question, monsieur le rapporteur, il n'existe pas de complémentarité systématique, sur le terrain, entre les policiers municipaux et les forces de sécurité de l'État. Les conventions de coordination ou les conventions de coordination renforcées ne sont, globalement, guère satisfaisantes. La plupart du temps, elles ne sont pas appliquées, ou très insuffisamment. Parfois même, elles ne sont pas connues de nos partenaires étatiques.
Nous ne ressentons pas un manque de confiance de la part des forces de sécurité de l'État, mais une méconnaissance de notre métier et de nos prérogatives, qui nourrit une certaine méfiance. En effet, nous ne partageons pas nécessairement les mêmes notions en matière de sécurité publique. En outre, l'échange d'informations est souvent unilatéral.
Pour renforcer la coordination entre les forces nationale et municipale, il me semble primordial de mieux faire connaître notre métier à nos partenaires. Dans le cadre de nos formations, nous effectuons des stages d'observation dans des commissariats ou des brigades de gendarmerie. Il serait intéressant que les forces de sécurité de l'État procèdent de même au sein de la police municipale.
Nos rapports avec le procureur de la République mériteraient également d'être renforcés, comme c'est le cas pour le commandant de brigade de gendarmerie.
En ce qui concerne le statut, la priorité serait de faire passer les policiers municipaux en catégorie B. En effet, la professionnalisation croissante de notre métier nous fait dépasser le cadre de simples agents d'exécution. Nous souhaiterions également obtenir une bonification d'une annuité tous les cinq ans pour le calcul de notre pension de retraite, à l'instar de nos collègues des forces de sécurité de l'État. En d'autres termes, nous devrions bénéficier d'un statut particulier au sein de la fonction publique territoriale.
Les équipements dont peuvent être dotés les policiers municipaux sont largement suffisants – encore faut-il que les maires aient les moyens de les acquérir. À cet égard, un financement spécifique de l'État devrait être mis en place. J'ajoute que certains équipements devraient devenir obligatoires pour les policiers municipaux, comme c'est le cas, par exemple, pour les pompiers.
Enfin, les brigades cynophiles seraient utiles à notre profession, notamment pour la recherche de personnes, d'explosifs et de stupéfiants. La présence de chien est dissuasive pour les délinquants, mais peut aussi constituer un moyen d'approche intéressant pour la police de proximité. Malheureusement, il manque un cadre légal permettant à la police municipale de recourir à des brigades canines.
Les trois thèmes que vous avez cités, monsieur le rapporteur, sont chers aux policiers municipaux : les conditions de travail, la situation statutaire et la situation opérationnelle.
Les conditions de travail des policiers municipaux se dégradent, la délinquance ayant changé de visage ces dernières années. Les agressions commises à l'encontre de nos collègues se multiplient. Ces violences peuvent survenir lors d'opérations d'encadrement périphérique des mouvements de contestation ou d'interventions de répression et de prévention de la délinquance quotidienne. L'assassinat d'une de nos collègues par un terroriste en janvier 2015 à Montrouge révèle que les policiers municipaux sont devenus des cibles.
Au quotidien, les policiers municipaux font preuve d'un engagement toujours plus marqué vis-à-vis des usagers. Ils sont soumis à une pression hiérarchique accrue, pour répondre aux décisions politiques. Les urgences sécuritaires, qui affectent fortement la vie de nos concitoyens, méritent bien sûr d'être traitées. Cependant, elles ne doivent plus être le fil conducteur de politiques publiques menées au coup par coup.
Depuis quelques années, les rapports des citoyens avec les policiers municipaux se sont profondément transformés. La population reconnaît et apprécie majoritairement le travail de ces agents, qui œuvrent dans la proximité et connaissent parfaitement les territoires.
Les policiers municipaux travaillent en service de jour, de nuit, ou en horaires décalés. Ils officient les week-ends et les jours fériés. Ces emplois du temps atypiques ont de nombreux effets délétères sur leur santé. Dans les grandes collectivités, les policiers municipaux sont devenus les primo-intervenants en matière de police de la route et de délinquance du quotidien. Face à un besoin de sécurité important, les effectifs croissent rapidement. Cela génère des difficultés dans certaines collectivités paraissant moins attractives en termes de moyens et de salaires. Il serait souhaitable de réfléchir à un dispositif de rémunération qui s'appliquerait de façon identique dans l'ensemble des collectivités métropolitaines et ultramarines.
À long terme, l'accès à la profession pourrait être facilité par la création d'un cursus de sécurité dans les filières éducatives technologiques et générales. Le dispositif des « cadets de la République » nous paraît en être un bon exemple.
Les prérogatives dévolues aux policiers municipaux par la loi du 15 avril 1999 ne sont plus, à notre avis, en adéquation avec la réalité des missions qu'ils exercent au quotidien. Le traitement morcelé des affaires lancées par les policiers municipaux ne permet pas de suivre efficacement les problématiques de délinquance sur le plan local. Dans un objectif d'amélioration, notre organisation a saisi le ministère de l'Intérieur afin que de nouvelles prérogatives judiciaires soient attribuées à l'ensemble des policiers municipaux. Le code de procédure pénale pourrait être modifié en ce sens, en son article 16 pour les directeurs, en excluant les crimes et délits en bande organisée, en son article 20 pour les chefs de service et brigadiers-chefs principaux, ainsi qu'en son article 21-1 pour les gardiens et brigadiers.
Dans le cadre de la police de sécurité quotidienne, certaines collectivités ont conclu avec les représentants de l'État des contrats territoriaux de sécurité. L'organisation des services de police municipale s'en trouve impactée. En effet, des effectifs sont alors quotidiennement affectés à des patrouilles pédestres mixtes commandées par les forces étatiques. Cet engagement sur des missions de sécurité publique nécessiterait une homogénéisation du niveau d'engagement de la force armée, des compétences judiciaires et des modes d'intervention. Généralement, cette situation est perçue comme gratifiante par les personnels concernés. Toutefois, cette expérimentation s'effectue sans compensation pour les collectivités ni prise en charge financière par l'État.
Les conventions de coordination qui ont été mises en place sont, de notre point de vue, plutôt déséquilibrées. Elles placent les policiers municipaux et leurs responsables en situation de subordination vis-à-vis de l'État. Celui-ci manifeste un faible engagement dans ces conventions, mais y gagne un regard sur le niveau d'activité opérationnelle des polices municipales.
La coordination entre les policiers municipaux et les forces de sécurité de l'État s'améliorerait considérablement si l'interopérabilité des réseaux radio était généralisée, sans être limitée aux fréquences d'urgence. Il serait en outre souhaitable de créer et de développer des centres de supervision urbains d'agglomération interopérables entre les forces de l'État et les polices municipales.
La confiance entre toutes les forces de sécurité existe. Pourrait-il en être autrement, étant donné les nombreux moyens de contrôle des polices municipales mis en place par le législateur ?
L'équipement de protection individuelle actuellement accessible aux policiers municipaux nous paraît conforme à la réalisation de leurs missions, telles qu'elles sont prévues par les textes législatifs et réglementaires. Pour autant, nous constatons que de nombreux policiers municipaux sont engagés sur des missions de protection des lieux de culte, par exemple. Dans ce cas particulier, il nous paraît nécessaire qu'ils soient formés et dotés d'armes longues. Quant aux agents engagés sur des grands rassemblements récréatifs ou sportifs, ils doivent être dotés de l'équipement nécessaire pour neutraliser tout acte hostile vis-à-vis de la population. L'harmonisation des équipements de protection, doublée d'une dotation obligatoire, constitue un impératif : gilets protégeant des balles et des lames, casques de protection et boucliers. L'armement de calibre 9 millimètres doit être mis en place afin de garantir la sécurité des effectifs sur le terrain.
D'un point de vue statutaire, les policiers municipaux sont en demande d'une véritable reconnaissance financière. Celle-ci pourrait être immédiatement satisfaite en faisant passer l'indemnité spéciale de fonction de 20 % à 27 % du traitement brut pour les agents de catégorie C, en rendant obligatoire le versement intégral de cette prime pour toutes les catégories, en intégrant cette prime dans le calcul des droits à pension de retraite, et enfin en supprimant les quotas de nomination pour l'accès aux catégories B et A.
En réponse à une demande forte des agents du cadre d'emploi des chefs de service, un changement d'appellation du grade est indispensable. À titre d'exemple, les appellations de nos collègues sapeurs-pompiers – lieutenant, capitaine, commandant – pourraient nous inspirer.
Les directeurs connaissent un déroulement de carrière en deux grades. Nous souhaitons attirer votre attention sur le manque d'attractivité de ce cadre d'emploi, caractérisé par une forte limitation de la grille indiciaire. Même si les promotions internes sont possibles, elles sont généralement assez difficiles à obtenir. En effet, peu de communes peuvent se permettre de recruter un titulaire de l'examen professionnel, en raison des conditions de quota nécessaires à sa nomination. Quant aux promotions à l'ancienneté, elles restent impossibles. Nous souhaitons que soient supprimés les quotas d'effectifs, ou que soit pris en considération l'ensemble de l'effectif commandé. Un changement d'appellation de grade nous paraît également nécessaire.
Une inquiétude prévaut quant au recours aux contractuels prévu dans le projet de loi de réforme du cadre statutaire des agents publics. Les collectivités territoriales pourraient ainsi recruter par contrat des agents extérieurs à la profession. Notre fédération y voit une perspective inacceptable. Rappelons que la filière de la police municipale a mis trente ans à se construire. La mise en œuvre de contractuels de catégorie A ou B ferait, de fait, régresser notre profession.
Nous pourrions aussi évoquer, lors de nos échanges, la forfaitisation de certains délits ou encore la question des agents de surveillance de la voie publique.
Quant à la formation, elle devrait être dispensée via un tronc commun à toutes les forces de sécurité. Une école pourrait être en outre dédiée à la police municipale.
Enfin, pour la fédération CFDT Interco, le développement des services de police municipale, encouragé par l'État, doit s'accompagner de la mise en place d'une structure de contrôle et d'audit desdits services.
Je souhaiterais, pour commencer, retracer un rapide historique de la police en France. La police municipale est la première police française qui ait existé, bien avant 1945. Elle a été quelque peu délaissée depuis l'après-guerre. Il a fallu attendre les années 1990 pour qu'une nouvelle attention et des prérogatives étendues lui soient accordées. Si nous sommes qualifiés de troisième force de sécurité du pays, ce n'est pas sans raison. Malheureusement, les moyens ne nous sont pas donnés pour remplir pleinement ce rôle.
Par « police municipale », on entend la police du maire. Or, en fonction des maires et des communes, les prérogatives et les équipements des policiers municipaux sont disparates. Il en découle une véritable inégalité sur le territoire. Aussi une priorité doit-elle être donnée à l'uniformisation du volet social, de la rémunération et des équipements, à l'image de ce qui a été réalisé pour la sérigraphie des voitures, les cartes professionnelles ou encore les tenues de travail des policiers municipaux.
J'en viens à nos relations avec la police nationale ou la gendarmerie. Des échanges d'informations ont lieu, mais à la seule condition que les policiers municipaux ou la direction de la police municipale fassent l'effort de les solliciter. Je travaille dans la quatrième ville de France, j'ai vingt et un ans d'ancienneté dans la police et j'ai été affecté précédemment dans quatre communes. Au fil de ce parcours, j'ai pu constater de vraies disparités dans la transmission des informations.
Une première piste pourrait consister dans des radios communes. Ce projet avait été évoqué il y a quelques années. Il ne s'agirait pas pour la police municipale d'être mêlée aux affaires de la police nationale, mais de pouvoir échanger avec cette dernière sur des informations urgentes, ne serait-ce que pour assurer la protection et la sécurité de ses agents.
En fonction des collectivités où ils sont affectés, les policiers municipaux n'ont pas tous les mêmes attributions. Ces disparités sont patentes face au mouvement des « gilets jaunes ». Il importe de bien différencier le rétablissement de l'ordre et le maintien de l'ordre public tel qu'ils sont définis par le code de la sécurité intérieure et le code général des collectivités territoriales. Certains maires omettent malheureusement cette nuance.
Concernant les équipements, nous pouvons regretter que l'ensemble de la police municipale ne soit pas dotée d'équipements de protection et d'armes létales. Il est vrai que l'armement de nos agents a fortement progressé ces dernières années. Aujourd'hui, plus de la moitié des policiers municipaux de France sont armés, mais cette proportion reste insuffisante. J'espère que cette audition sera l'occasion non seulement de nous entendre, mais aussi, et surtout, de nous écouter.
Mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions pour cette audition. Malgré nos demandes répétées, nous déplorons que le ministre de l'intérieur n'ait toujours pas jugé utile de nous rencontrer depuis sa nomination. Nous identifions la cause de cette volonté évidente d'ignorer nos demandes. Nous l'avons en effet informé que, pour Force ouvrière, aucune discussion n'était envisageable sur un quelconque projet relatif à la sécurité publique tant que nous n'obtiendrons pas, au préalable, un calendrier de négociation sur le volet social des policiers municipaux et des gardes champêtres. La pugnacité est dans la culture militante de Force ouvrière. C'est pourquoi nous avons proposé à l'ensemble des organisations syndicales de constituer un front unitaire, en vue de parvenir à l'ouverture de négociations sur cette question.
Chacun reconnaît aujourd'hui la police municipale comme la troisième force de police du pays. Force ouvrière y voit la reconnaissance de la compétence de nos collègues au quotidien, ainsi que de leur capacité à se mobiliser, très souvent, en primo-intervenants. Pour Force ouvrière, la reconnaissance de la police municipale en tant que telle n'est pas de mise. En effet, dès lors que l'on considère que deux catégories professionnelles effectuent des missions similaires sur un objectif commun, l'on doit tendre vers une équité en termes de volets sociaux. Or nous sommes plus que loin du compte, et nous faisons l'objet d'une fin de non-recevoir depuis des années.
Bien entendu, nous sommes favorables à tout projet visant à améliorer l'efficience des forces de sécurité, en développant notamment la coproduction de sécurité, mais à condition que soient pris en compte l'humain et le social. Nous considérons que depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs n'ont cessé d'augmenter les prérogatives et les domaines de compétence et d'intervention des policiers municipaux, sans leur octroyer le volet social correspondant. Sous prétexte de professionnalisation, nous n'avons cessé de voir s'accroître les contraintes et les risques liés à l'exercice de nos missions, avec notamment une hausse exponentielle des cycles de travail en 24 heures sur 24, 365 jours par an. Ces contraintes supplémentaires n'ont pas fait l'objet d'une véritable prise en compte dans les salaires ni dans les retraites.
La professionnalisation des policiers municipaux, l'extension de leurs prérogatives et de leur champ de compétence, ainsi que l'accroissement des contraintes et des risques auxquels ils sont soumis, n'ont jamais été compensés par une revalorisation salariale significative. Les revendications sociales légitimes portées depuis plus de vingt ans par Force ouvrière et par l'ensemble des organisations professionnelles n'ont pas été entendues.
Le refus d'intégrer l'indemnité mensuelle spéciale de fonction dans le calcul des droits à pension de retraite des policiers municipaux – à la différence de ce qui se pratique pour la police nationale – pèse lourdement dans le calcul de leur pension de retraite. Ceci ne leur permet pas de bénéficier d'un départ à 57 ans, alors qu'ils relèvent de la catégorie active, faute d'une pension de retraite décente. Nous ne tolérons plus cette inégalité de traitement, vécue comme une véritable discrimination, qui conduit nombre de nos collègues à percevoir une retraite bien souvent inférieure à 1 000 euros par mois. Les policiers municipaux et les gardes champêtres refusent d'être les parents pauvres des forces de sécurité.
L'État n'a de cesse de se décharger de certaines de ses missions sur les polices municipales, tout en persistant à refuser d'ouvrir des négociations sur le volet social de ces agents. D'ailleurs, monsieur Fauvergue, votre rapport rédigé conjointement avec Mme Thourot sur le continuum de sécurité laisse sous-entendre, pour le moins, que la police municipale a une implication renforcée dans la sécurité publique. Cela semble répondre à la volonté du président de la République qui, comme il l'a annoncé le 22 mai 2018, souhaite « faire mieux avec les polices municipales ». Visiblement, FO n'a pas la même vision du « mieux » que le Président de la République. Faire mieux, pour Force ouvrière, c'est tendre vers une meilleure considération des policiers municipaux en diminuant les inégalités de traitement entre les différents services de police. À titre d'exemple, à échelons équivalents, un brigadier de police municipale perçoit une rémunération brute de 1 700 euros, alors qu'un brigadier de police nationale perçoit 2 300 euros, soit une différence de 600 euros qui atteint 900 euros compte tenu de la prime de risque, de l'indemnité de sujétion spéciale de 27 % du traitement brut pour la police nationale et de l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions de 20 % pour les policiers municipaux. Un nageur de police nationale de catégorie B perçoit une rémunération brute supérieure à celle d'un directeur de police municipale de catégorie A – sans compter que les policiers municipaux voient leur pension de retraite amputée du montant de la prime de risque.
Il importe donc que, dans une même logique que pour les policiers nationaux, le cadre d'emploi des agents de police municipale soit intégré en catégorie B dans un corps opérationnel de la police municipale. Il importe également de revaloriser les fonctions d'encadrement, de conception et de direction. Aussi, nous proposons que le cadre d'emploi des chefs de service de police municipale soit intégré en catégorie A dans un nouveau corps d'encadrement opérationnel. Il convient, en outre, de rendre attractif le cadre d'emploi des directeurs de police municipale en créant un corps de conception et de direction revalorisé, avec un indice terminal hors échelle de la catégorie A.
Aujourd'hui, les plus importantes polices municipales sont placées sous la direction de contractuels ou de cadres en détachement de la police, de la gendarmerie ou d'autres administrations. Dans certains cas, c'est illégal, puisque la police municipale ne peut être placée que sous la responsabilité d'un directeur de police municipale statutaire. Il ne peut s'agir d'un contractuel partisan qui bénéficie souvent, déjà, d'une pension de retraite confortable, que l'on affuble d'un titre ronflant de directeur de la sécurité ou de la tranquillité publique, et qui a pour seul objectif de mettre la police municipale non pas au service de la population mais, bien trop souvent, au service des ambitions électoralistes du maire. Dans d'autres cas, le recours au détachement constitue une injustice envers les lauréats du concours et les directeurs statutaires qui possèdent les compétences nécessaires pour occuper ces postes de direction.
En termes de régime indemnitaire, nous proposons que l'actuelle indemnité mensuelle spécifique de fonctions soit remplacée par une prime de risque au taux unique de 25 % du salaire indiciaire, soumise à cotisations auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Son attribution deviendrait statutaire, la prime n'étant plus liée à l'exercice des missions mais aux risques liés à l'exercice de missions de sécurité publique. Bien entendu, il n'apparaît pas concevable que le coût induit de ces mesures soit supporté uniquement par les communes, celles-ci ayant déjà subi de fortes baisses de dotations ces dernières années. Ainsi, la complémentarité en matière de sécurité doit inclure une participation financière de l'État, voire des régions et des départements.
Vous avez donc compris, mesdames et messieurs les députés, que pour Force ouvrière, il ne sera pas question d'aborder d'autres sujets que le volet social des policiers municipaux devant cette commission d'enquête. Fidèles à nos habitudes, c'est la parole de nos mandants que nous porterons lors de cette audition. À ce jour, pour les policiers municipaux et gardes champêtres Force ouvrière, mais aussi pour une très forte majorité de nos collègues, la préoccupation majeure est bien la revendication du volet social.
Nous ferons un seul écart à ce principe, en réaffirmant l'urgente nécessité de recadrer le rôle, les missions, l'uniforme et les moyens techniques des agents de surveillance de la voie publique (ASVP) et des agents opérateurs de vidéoprotection. Il convient, selon nous, de légiférer pour donner à ces personnels un véritable statut et encadrer strictement leurs missions, qui doivent rester constantes par rapport à celles d'aujourd'hui. En cela, il faut veiller particulièrement à leur interdire toute immixtion dans les missions dévolues exclusivement aux forces de police. Pour la sécurité de ces agents, il importe, selon FO, que leur activité soit départie de tout aspect sécuritaire. Nous déplorons que les signalements au préfet ou au procureur de la République de recours illégaux à des ASVP pour effectuer des missions de police municipale ne soient pas ou très peu suivis d'effet.
En préambule, je tenais à rappeler quelques événements passés. En effet, ce n'est pas la première fois que nous sommes auditionnés par une commission d'enquête, à l'Assemblée nationale comme au Sénat. C'est même notre lot quotidien, qui fait partie de nos fonctions. En 2013, déjà, le ministre de l'intérieur nous a assuré être conscient que nous attendions depuis longtemps des avancées pour notre métier. Des rapports et des études se sont succédé depuis près de dix ans, aboutissant pour la plupart aux mêmes conclusions, mais non suivis d'effet. En 2019, nous voilà à nouveau devant une commission d'enquête, sans rien voir se concrétiser. Autant dire que nos collègues nourrissent de très fortes attentes, largement partagées par les différentes organisations syndicales en dépit de quelques nuances d'approches.
Monsieur le rapporteur, vous nous avez soumis trois interrogations principales, à commencer par les relations qu'entretiennent la police municipale et les forces de sécurité de l'État. Ce sujet est marqué par de grandes disparités.
Nous souffrons tout d'abord de disparités internes, propres à notre filière. Chaque collectivité s'administrant et organisant la police municipale librement, les moyens de protection et de défense de nos collègues ne sont pas identiques entre les services, même si ces agents remplissent les mêmes missions.
Ces dernières années, nos services ont fait preuve d'une très forte implication. La situation de sécurité intérieure a accru la difficulté d'exercice des policiers municipaux. À titre d'exemple, les importants rassemblements de personnes organisés par les collectivités demandent une mobilisation nettement renforcée de nos agents. Les moyens dont nous disposons n'ont pas évolué en conséquence, à tel point que nous sommes obligés de rappeler des collègues sur leur temps de repos.
Ces disparités de moyens ne sont plus acceptables. La Fédération autonome est depuis bien longtemps en première ligne pour demander que l'armement soit généralisé et qu'il ne relève pas uniquement du choix du maire. En effet, dès l'instant où les missions confiées aux agents sont similaires, les obligations le sont également. La politique locale de sécurité influe certes quelque peu sur les priorités, mais les obligations faites aux agents sont les mêmes quels que soient les territoires. Ils sont soumis aux mêmes codes de déontologie, aux mêmes textes et aux mêmes lois. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une action de police, dès l'instant où elle relève de nos missions et de nos fonctions. Pourtant, il est envisagé de créer une police municipale à Paris avec des agents non armés ! Sachez aussi que 96 % des services de police municipale comptent moins de 9 agents, et que 38 % disposent d'un seul agent. Nos collègues exercent pourtant des missions similaires à celles qu'endossent de grands services, notamment par leur présence sur la voie publique. Ces situations ne sont plus acceptables.
Ces disparités valent également en matière de traitement. En vertu du principe de libre administration, les collectivités peuvent instaurer des régimes indemnitaires pour leurs agents. Toutes ne le font pas. En mission, tous les policiers municipaux ne sont pas payés de la même façon, à ancienneté égale. Ces disparités de traitement se poursuivent lors de la retraite.
En outre, le traitement réservé aux policiers municipaux est sans commune mesure avec celui dont bénéficient les forces de sécurité de l'État. Sachant que nous exerçons des missions communes avec ces dernières sur la voie publique, il n'est pas tolérable que les dotations en matériel, le traitement et la reconnaissance attribués à nos agents ne soient similaires à ceux des policiers nationaux.
Ces iniquités sont vécues douloureusement par nos collègues. Ceux-ci ne remettent aucunement en question les missions qui leur sont confiées. Au contraire, ils les revendiquent et sont fiers de les mener à bien, pour la protection de leurs concitoyens. Cependant, il est normal et logique qu'ils fassent l'objet d'une égalité de traitement de la part de leurs employeurs comme de l'État. Ce dernier porte en effet une très forte responsabilité dans la situation actuelle. Nous assistons depuis des années à un jeu de dupes dans lequel l'État et l'Association des maires de France (AMF) se renvoient les responsabilités, et où rien n'avance. Ceci ne saurait durer plus longtemps.
La mise en place de la police de sécurité du quotidien porte au jour les disparités que je viens de décrire de façon toujours plus prégnante. Nous voyons ainsi des collègues exercer les mêmes missions que les forces de sécurité de l'État, dans le cadre de patrouilles communes, avec toutefois des armements différents et des modes d'engagement – d'ouverture du feu, si nécessaire – distincts. La légitime défense ne s'applique pas de la même façon pour les agents municipaux et nationaux. La police municipale a été tenue à l'écart des réformes.
Pourquoi traiter à part les policiers municipaux, alors qu'ils sont primo-intervenants et peuvent, du reste, être confrontés à des situations auxquelles ils n'ont pas été formés ? Les formations doivent évoluer pour s'adapter à leurs besoins et aux missions qu'ils exercent aujourd'hui. Des référentiels nationaux existent et sont appliqués pour nos collègues des forces de sécurité de l'État. Il serait intéressant que nous puissions en bénéficier. Prenons l'exemple des cynotechniciens. La commission consultative des polices municipales a rouvert ce dossier en 2014. Comment expliquer que cinq ans plus tard, il n'ait pas été possible d'effectuer les quelques modifications rédactionnelles permettant d'accueillir des chiens en police municipale ? Aujourd'hui, nos collègues et leurs employeurs exercent, à cet égard, dans des conditions juridiques non sécurisées.
Nous demandons de longue date une doctrine d'emploi de la police municipale, c'est-à-dire un mode d'emploi qui soit lisible par tous, qui soit annexé aux conventions de coordination et qui ne puisse pas être remis en question par une alternance de direction au sein d'une collectivité. Chaque élu a sa sensibilité. Néanmoins, ce qui relève de la loi et des obligations des policiers municipaux, de par leur assermentation, ne saurait être remis en cause.
Les problématiques de mode de recrutement ont déjà été évoquées. Nos collègues vivent comme une véritable frustration le blocage des carrières induit par des entrées de grades, par voie de détachement ou via des emplois réservés. Nous éprouvons une réelle difficulté à promouvoir nos collègues et à faire évoluer nos cadres d'emploi. Il faut agir dans ces domaines.
Nous attendons du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) qu'il fasse évoluer ses pratiques et ses formations. En dépit d'un ressenti pour le moins mitigé de nos collègues à son égard, nous nous devons de reconnaître que cette structure fonctionne et sait, parfois, nous apporter satisfaction. Elle doit néanmoins améliorer certains volets de son action.
L'exercice de notre métier au quotidien est toujours plus difficile, ce qui justifie les attentes de reconnaissance exprimées par nos agents. La société qui nous environne est devenue très compliquée – nous en faisons l'expérience dans les collectivités confrontées à des manifestations tous les samedis. Cette réalité doit être prise en compte. La réponse passe notamment par le suivi psychologique de nos collègues exposés à des situations de crise et à des violences. Il n'existe pas de dispositif général et pérenne à cet égard, destiné à la police municipale. Certaines collectivités se sont emparées du sujet, d'autres pas. Il importe de mettre en œuvre un outil qui puisse facilement être sollicité par les collectivités, si nécessaire. Comme l'a souligné un rapport du Sénat, les suicides existent aussi en police municipale. Ils sont certes moins nombreux que parmi les forces de sécurité de l'État, mais tout suicide est un de trop.
Nous rencontrons aussi des difficultés managériales. C'est un domaine dans lequel nous avons besoin de progresser.
L'image de la profession se dégrade. Après l'immense moment de communion entre la police et la population que furent les manifestations du 11 janvier 2015, en réponse aux attentats qui venaient de frapper le pays, nous constatons que l'attitude de nos concitoyens peut varier du tout au tout à notre égard. Les agents le ressentent d'autant plus difficilement qu'ils donnent quotidiennement le meilleur d'eux-mêmes pour assurer la sécurité dans les villes.
Enfin, je déplore la défiance des forces de police vis-à-vis de la justice. Lorsqu'ils sont eux-mêmes victimes, nos collègues ne comprennent pas toujours les peines infligées aux auteurs des faits incriminés. Ils ont aussi les plus grandes difficultés à convaincre des victimes de déposer plainte, alors que les auteurs des délits concernés ont déjà été relâchés, dans l'attente d'une procédure ultérieure.
Pas plus que les précédentes, cette commission d'enquête ne résoudra l'ensemble des problèmes très réels que vous avez soulevés. Nous tenterons d'agir, à notre mesure, sur la question spécifique des moyens. Je précise d'ailleurs que cette commission a été demandée par le groupe UDI, Agir et Indépendants.
À de nombreuses reprises, vous avez établi des comparaisons entre les polices municipale et nationale. C'est l'occasion de rappeler que la police municipale dépend du maire, et non, de prime abord, de l'État. Vous vous tournez vers l'État pour obtenir des solutions. Peut-être pourra-t-il en fournir certaines, grâce à une nomenclature générale. Soyez cependant conscients que les propositions que formule l'État suscitent traditionnellement des levées de boucliers des maires, qui revendiquent leur indépendance et tiennent à leur pouvoir, à juste titre. Alice Thourot et moi en avons fait l'expérience au sujet de l'armement de la police municipale. Aussi faudra-t-il trouver des compromis.
S'il peut être intéressant d'établir des comparaisons, il ne faut pas oublier que les situations ne sont jamais identiques. Il est vrai que dans certains cas, les policiers municipaux, tout comme les policiers nationaux, sont devenus des cibles. Néanmoins, les réalités vécues par ces agents ne sont pas de même nature.
À titre d'exemple, le recrutement des forces de sécurité de l'État s'effectue au niveau national, ce qui induit des effets défavorables pour les agents concernés : un gardien de la paix, après son recrutement va passer dix, quinze voire vingt-cinq ans en région parisienne. Un policier municipal, quant à lui, est recruté directement sur le lieu de son emploi, là où il désire travailler. Le travail des uns et des autres n'est pas non plus identique. Vous avez évoqué le besoin de doter de matériel lourd les policiers municipaux, en raison de leur qualité de primo-intervenants. Les policiers municipaux peuvent être rapidement au contact, tout comme certains gardiens de la paix ou gendarmes, sans avoir les équipements ad hoc. Je ne suis pas certain qu'il faille, pour autant, généraliser ces équipements lourds.
Dans le cadre de notre mission, Alice Thourot et moi avons proposé de ne pas intervenir sur les qualifications judiciaires, conformément aux demandes d'un certain nombre de syndicats et de policiers municipaux. Ces derniers nous ont fait valoir qu'à la différence de leurs collègues de la police nationale, ils ne souhaitaient pas passer leurs journées dans des bureaux, à travailler sur des dossiers transmis par le Parquet. Dans une ville de 70 000 habitants, les « pièces parquet » représentent un stock et un flux de quelque 5 000 dossiers. Je doute que les maires souhaitent voir la police municipale s'en emparer.
À mon tour, messieurs, de vous poser deux questions. Préconisez-vous toujours la création d'une école nationale pour la police municipale ? Par ailleurs, le problème des caméras-piétons est-il enfin résolu ?
Une école de police municipale pourrait effectivement être mise en place, sous l'égide du CNFPT. Comme l'affirment tous nos collègues, des troncs communs pourraient être instaurés.
Je partage vos propos, monsieur le président, selon lesquels les policiers municipaux et nationaux ne font pas le même métier. Selon nous, la qualification d'agent de police judiciaire adjoint (APJA) suffit largement pour intervenir dans le cadre de la police du maire. J'ajoute que certaines qualifications nous ont été attribuées pour intervenir en cas d'infraction au code de la route. Ainsi, seul un officier de police judiciaire ou un chef de service de police municipale APJA peut décider de la mise en fourrière d'un véhicule.
Afin d'assurer une meilleure coordination avec les services de l'État et de soulager au mieux ces derniers, nous pourrions être autorisés à recevoir des plaintes en tant qu'APJA dans certains domaines, comme le tapage ou le dépôt sauvage d'ordures.
Nous établissons bien une distinction entre la police du maire et celle de l'État. C'est la raison pour laquelle nous ne réclamons pas un matériel démesuré. Vous observez, monsieur le président, que nous nous tournons vers l'État pour réclamer des moyens. Je rappelle que si nous sommes aujourd'hui devant vous, c'est à votre invitation. Par ailleurs, seul l'État a la possibilité de contraindre les maires à entreprendre certaines actions. Ainsi, une loi a été nécessaire pour que les policiers municipaux soient dotés d'une tenue et d'une sérigraphie uniformes sur l'ensemble du territoire. Dans ces conditions, il est normal que nous sollicitions l'État.
Monsieur le président, je ne partage pas pleinement votre approche de la protection des policiers municipaux et de l'armement obligatoire. Nos collègues sont primo-intervenants dans les grandes collectivités comme en milieu rural. En de nombreux endroits, les commissariats de police sont réduits au strict minimum et les gendarmeries regroupées affichent un temps d'intervention compris entre 15 et 20 minutes. De fait, les policiers municipaux sont bien souvent les primo-intervenants, dans des collectivités ou des intercommunalités. Ils exercent des surveillances tous les week-ends, souvent 24 heures sur 24. C'est pourquoi, à l'instar de la majorité de mes collègues, j'estime que l'armement est indispensable pour les policiers municipaux.
La police municipale est un sujet politique qui ressurgit dans les débats avant chaque échéance électorale. Outre les points traditionnellement évoqués alors, que soit les caméras ou la meilleure organisation des services, nous tenons à l'armement et à la protection de nos collègues, indispensables en milieu urbain comme en milieu rural.
Notez que notre rapport propose d'armer les polices municipales, sauf avis contraire du maire. J'en viens aux caméras-piétons : fonctionnent-elles actuellement ?
À Orléans, où la police municipale en a été équipée, ces caméras fonctionnent.
Ces caméras fonctionnent, mais encore faut-il que les maires en acquièrent !
J'apporterais quelques précisions sur l'école de police car il se trouve que je siège au conseil national d'orientation du CNFPT. Sa commission consacrée à la sécurité travaille à la mise en œuvre de cinq centres de formation spécifiquement dédiés à la police municipale. Il s'agira bien d'écoles de police, gérées avec l'efficacité et la rigueur que l'on reconnaît au CNFPT. Elles comprendront notamment des centres de tir et des plateaux d'évolution. Il fut un temps où nous formions à l'îlotage dans l'arrière-salle de restaurants… Fort heureusement, la situation s'est nettement améliorée. Ces formations se déroulent désormais dans les communes, en doublon avec des agents rompus à cette technique. Nous franchirons un pas supplémentaire avec la création de ces cinq écoles de formation dédiées à la police municipale, dont certaines ouvriront leurs portes dès 2019.
M. Jean-Michel Fauvergue cède la présidence à Mme Aude Bono-Vandorme, vice-présidente de la commission d'enquête.
Monsieur Beudet, vous avez évoqué la possibilité de forfaitiser certains délits. Quelles priorités identifiez-vous en la matière ?
Monsieur Ratel, vous avez observé que certaines conventions de collaboration avec la police nationale étaient mal connues et non appliquées. Pourriez-vous en citer quelques exemples concrets ? Lors de votre intervention, monsieur Quevilly, vous avez pointé des carences d'équipement. Là encore, vous serait-il possible d'en donner des illustrations ?
Monsieur Golfier, vous en avez appelé à la convergence de certaines procédures entre la police nationale et la police municipale, afin de faciliter le quotidien de cette dernière. À quelles procédures faites-vous précisément référence ?
Dans votre déclaration liminaire, monsieur Lefèvre, vous avez affirmé que vous n'entendiez évoquer ici que le volet social de la police municipale. Le spectre de notre commission d'enquête étant plus large, j'espère que nous aurons l'occasion de vous écouter sur d'autres sujets. Je ne nie pas pour autant l'importance du volet social dont il sera certainement question dans les futures réformes de la fonction publique et des retraites. C'est pourquoi notre commission a fait le choix de se concentrer sur les missions et les moyens des forces de sécurité.
La forfaitisation de certains délits nous éviterait de rédiger des rapports qui encombrent véritablement les services de l'État. Elle pourrait concerner une première commission d'infraction ou de délit. Je pense notamment au squat, au tapage, à l'usage de certains stupéfiants ou encore aux dépôts sauvages d'ordures.
Je nuancerais les propos du président lorsqu'il affirme que les pouvoirs de la police municipale dépendent d'abord du maire, et qu'il n'y a pas lieu d'établir de comparaison directe entre les forces nationale et municipale. La situation est plus contrastée. J'en prendrai pour exemple la ville de Toulouse. En 2018, 80 % des interventions recensées dans le territoire toulousain ont été effectuées par la police municipale, en raison d'une carence cruciale de policiers nationaux. Le discours appelant à bien distinguer les polices nationale et municipale trouve donc ses limites. Dans bien des cas, il est heureux que l'on puisse s'appuyer sur la police municipale pour remplir des missions qui ne lui étaient pas a priori dévolues.
Concernant les carences d'équipement, je mentionnerais les gilets pare-balles, les boucliers, les casques, les tonfas, les bâtons télescopiques et bien d'autres. Nous souhaitons que, comme pour les gilets pare-balles et les radios, l'État contribue au financement de ces équipements via le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Comme chacun sait, les dotations attribuées par l'État aux collectivités territoriales connaissent une forte baisse. Les mairies en pâtissent au premier chef. Une aide supplémentaire de l'État pourrait permettre aux maires de mieux équiper leurs policiers municipaux.
Ainsi que l'a souligné le président, le maire possède des pouvoirs de police et les applique à sa guise. Toutefois, souhaite-t-il disposer d'une police municipale d'action ou une police « fantôme » ? Je n'hésite pas à affirmer que dans certaines collectivités, les policiers municipaux sont assignés au rôle de « majorettes ». Ils doivent être visibles mais surtout se garder d'intervenir en cas de problème. Les maires doivent prendre conscience que la police municipale est assermentée, agréée et semi-étatisée. Elle doit être dotée des moyens nécessaires pour exercer pleinement ses missions.
Vous m'interrogez, monsieur le rapporteur, sur la possible convergence des procédures d'intervention de la police municipale et des forces de sécurité de l'État. Dès lors que nous opérons ensemble sur la voie publique, sur des missions partagées, nous avons besoin de référentiels d'intervention communs. La police municipale a une culture propre, tandis que les forces de l'État – police nationale ou gendarmerie – ont la leur. Ces cultures, dispensées dans nos écoles respectives, répondent aux besoins spécifiques auxquels nous faisons face au quotidien. Pour intervenir efficacement, encore ces forces doivent-elles bien se connaître. Longtemps, les policiers municipaux se sont vu attribuer des armes assez différentes de celles de leurs collègues nationaux. Une convergence est en cours pour les armes de poing : ainsi aurons-nous le même type d'armes de calibre 9 millimètres. En outre, les référentiels de formation sont identiques.
La question porte surtout sur les référentiels de comportement lors des interventions, par exemple. Il est demandé aux différentes forces de police de s'associer et d'intervenir régulièrement sur le terrain – c'est d'ailleurs tout l'esprit de la police de sécurité du quotidien. Cependant, ces agents n'appliquent pas tous le même référentiel, les approches diffèrent en matière de légitime défense : en cas de grande difficulté, certains agents peuvent ouvrir le feu, d'autres pas. Il y a là une incohérence. Le partage d'informations est également capital. Si l'on entend confier une mission commune à des agents issus de corps de police différents, ils doivent pouvoir intervenir à un degré égal. Sinon, chacun doit procéder à ses patrouilles isolément.
Pour autant, les formations n'ont pas nécessairement lieu d'être partagées. La police municipale reste marquée par une dimension territoriale déterminante. En tant que police du quotidien, elle possède des capacités – présence sur la voie publique, contact avec la population – que les polices d'État ont perdues car elles ont été conduites à exercer d'autres missions. Notre culture doit être préservée, sans quoi l'existence même de la police municipale pourrait être remise en cause. Nous devons tenir notre place, tout en nous adaptant aux évolutions de notre environnement en matière de délinquance, de criminalité et de terrorisme. Chacun doit être en capacité d'exercer au mieux ses missions, dans le cadre de ses prérogatives. Il serait absurde que la police municipale devienne un succédané des forces de l'État. Nous tenons à la spécificité de notre mission, dont nous connaissons l'utilité et dont nous savons combien elle apporte à nos concitoyens. Néanmoins, nous devons pouvoir intervenir, dans certaines circonstances, dans des conditions similaires à celles des forces nationales.
Je reviendrais sur les cinq centres de formation auxquels a fait référence Patrick Lefèvre. Les formations de policiers municipaux dispensées par les CNFPT sont largement perfectibles. Osons le dire : les agents s'y ennuient. C'est le cas des gardiens brigadiers, et plus encore des chefs de service. Pour une large part, les formateurs sont d'anciens gendarmes ou des policiers nationaux à la retraite, opérant pour des sociétés privées. Les directions des CNFPT ne se plient pas aux décrets imposant de suivre des cursus de formation précis. Si les futurs centres ne sont qu'une transposition des modules actuels des CNFPT, ils seront inutiles.
Nous plaçons de grands espoirs dans ces centres, à condition qu'ils aient à leur tête de véritables directeurs de police municipale, et non des individus « parachutés ». De façon générale, l'UNSA est d'ailleurs opposé à de telles passerelles, ou en appelle tout au moins à les limiter. Il faut être conscient qu'il existe aujourd'hui deux fonctions publiques territoriales, l'une qui doit se soumettre à tous les concours et examens professionnels pour évoluer, l'autre qui en est totalement dispensée. Un brigadier-chef principal qui aspire à devenir chef de service peut voir ses espoirs brisés par l'arrivée impromptue d'un policier national ou d'un gendarme. De telles situations créent inévitablement des tensions au sein des unités. Sachant que les gendarmes et les policiers nationaux doivent soumettre leurs souhaits de détachement à une commission, il faudrait s'assurer que ces mouvements ne nuisent pas à l'évolution des brigadiers-chefs principaux ou des chefs de service ayant une certaine ancienneté.
Dans les dix ans à venir, 65 % du personnel de la fonction publique territoriale fera une demande de droit à pension. Notre profession avance en âge et a besoin de sang neuf. Elle a aussi besoin de s'inscrire dans des cursus sécurisés. Pourquoi ne pas proposer aux jeunes universitaires de nous rejoindre, comme c'est le cas pour la police nationale et la gendarmerie ?
À l'instar de Vincent Beudet, j'en appelle à la généralisation des amendes forfaitaires. En particulier, l'établissement d'un procès-verbal pour défaut de permis de conduire ou défaut d'assurance est d'une immense lourdeur pour la police municipale. Malheureusement, il n'est pas suivi d'effet après sa transmission aux autorités. Pourquoi ne pas instaurer une amende forfaitaire, avec immobilisation du véhicule ?
L'intervention conjointe de policiers municipaux et nationaux doit nécessairement être précédée d'une formation. À ce sujet, nous avons transmis à votre commission un document traitant de l'emploi des policiers municipaux dans le rétablissement et le maintien de l'ordre lors des manifestations des « gilets jaunes ». De nombreux maires ont acheté du matériel de protection à cet effet – casques, boucliers… – et les policiers municipaux ont parfois été plus nombreux sur le terrain que leurs collègues nationaux pour assurer le maintien de l'ordre. Or ces agents municipaux n'étaient pas formés à ce type d'intervention. En outre, la légitime défense change totalement de nature lorsqu'on se trouve en unité constituée sur le terrain.
Nous espérons en outre que l'armement des policiers municipaux sera généralisé.
Enfin, pourquoi ne pas généraliser les compétences des policiers municipaux à d'autres codes ? Cela résoudrait la question de la qualification judiciaire. Je rappelle qu'autrefois, les commandants des compagnies républicaines de sécurité étaient compétents, article 1er du code de la route, pour relever les infractions telles que les conduites sous l'empire d'un état alcoolique. Nous pourrions nous en inspirer. En revanche, les policiers municipaux ne souhaitent pas prendre les plaintes.
Le problème de fond de la police municipale me semble résider dans la méconnaissance de ses missions par tous les acteurs, y compris par ses propres agents.
Lorsque j'étais maire de Cavaillon, ville de 26 000 habitants, j'ai doublé les effectifs de la police municipale. La délinquance a diminué de moitié en quatre ans. Ceci a été rendu possible par un excellent partenariat avec la police nationale. Notre réussite était subordonnée à l'acceptation par cette dernière d'une telle collaboration. Souvent aussi, le commandant de police fait toute la différence. Ce constat m'amène à l'interrogation suivante : ne devrait-on pas confier à la police municipale des missions différentes selon la taille de la collectivité où elle opère ? Le rôle des policiers municipaux n'est pas nécessairement le même à Cavaillon et dans un village voisin de 5 000 habitants. L'armement lui-même dépend du type de mission exercée par les policiers municipaux ou à la taille de leur commune.
Au-delà des considérations électorales, les maires voient avant tout dans la police municipale un levier de lutte contre la délinquance. En fonction des villes, la police nationale dispose de moyens plus ou moins importants. Les missions de la police municipale s'adaptent en conséquence. À Cavaillon par exemple, nous n'avions d'abord, le dimanche, qu'un équipage de police nationale. J'ai donc dû mettre en place la police municipale ce même jour.
Par ailleurs, la ville de Cavaillon a obtenu sans difficulté l'autorisation du procureur de la République de se doter d'une brigade canine, comptant un chien destiné à la recherche de stupéfiants et un chien d'attaque. Aussi, je ne vois pas à quels problèmes de réglementation vous faites référence dans ce domaine, monsieur Golfier.
En tant qu'adjointe au maire en charge de la sécurité, j'ai eu le bonheur de m'occuper d'une police municipale de 100 agents. Et le 11 janvier 2015 m'a laissé un souvenir indélébile.
Les missions d'une police municipale et d'une police nationale sont différentes et complémentaires. L'ensemble ne fonctionne bien que si elles entretiennent une relation de confiance. J'en suis intimement convaincue.
Vous avez préconisé un tronc commun de formation destiné à toutes les forces de sécurité. Il est évident que les interventions de la police municipale évoluent. Il lui est demandé d'être présente dans les grands rassemblements sportifs ou festifs et dans les manifestations, en appui – j'insiste sur ce terme – des forces de police. Si toutefois vos prérogatives se rapprochaient trop de celles de la police nationale, l'État pourrait avoir la tentation de diminuer les effectifs de cette dernière. Il faut être conscient de ce risque.
J'affirme avec force que les collectivités, quelle que soit leur taille, ont besoin d'une bonne police municipale. Celle-ci ne peut fonctionner efficacement que si ses missions sont bien identifiées, sont complémentaires à celles de la police nationale, et si ces deux forces s'inscrivent dans une relation de confiance.
J'ai été adjointe au maire de Pau, auprès d'André Labarrère qui a créé une police municipale au terme de son mandat. Ses effectifs se sont ensuite considérablement développés sous la mandature de François Bayrou. L'approche du maire a d'ailleurs évolué vis-à-vis de la police municipale, sous l'effet des événements tragiques qu'a connus notre pays. La police de sécurité du quotidien est venue compléter le dispositif.
Tout comme Mme Firmin Le Bodo, j'estime que les polices municipale et nationale sont éminemment complémentaires, et qu'il est indispensable qu'elles travaillent ensemble. La ville de Pau a fait le choix de doter sa police d'une brigade canine, et non la police nationale. Nous avons également développé la police municipale de nuit, pour apporter un soutien et un appui à la police nationale qui avait moins les moyens de se rendre dans les quartiers. Une question cependant : que se passerait-il si, à l'avenir, un maire voulait réduire ses forces de police municipale ?
La police municipale souffre d'un manque de reconnaissance, malgré son rôle essentiel de police de proximité. Comment pourrions-nous y remédier ? Par ailleurs, messieurs, quelle est votre position sur la qualification judiciaire des policiers municipaux ?
Les policiers municipaux pourront bientôt accéder aux fichiers du système national des permis de conduire (SNPC) et du système d'immatriculation des véhicules (SIV). Une expérimentation de ce dispositif s'achève dans onze communes. Auriez-vous besoin d'accéder à d'autres bases de données afin d'accroître votre efficacité opérationnelle ?
Par ailleurs, messieurs, quels atouts et quels points d'amélioration présente selon vous la police de sécurité du quotidien, un an après sa mise en œuvre ? Comment en faire un outil de prévention de la délinquance ?
L'article L. 211-18 du code rural prévoit que l'usage des chiens pour effectuer des missions de sécurité est réservé à la police nationale, à la gendarmerie, aux douanes, à l'armée et aux services publics de secours. Il suffirait d'ajouter la police municipale à cette liste pour que le problème soit résolu.
La ville de Cavaillon a acquis deux chiens, qui opèrent quotidiennement dans la recherche de stupéfiants avec la police nationale. C'est cette dernière, il est vrai, qui en a déposé la demande auprès du procureur de la République. Qu'importe : c'est un moyen supplémentaire d'efficacité pour tous les habitants.
Il n'en reste pas moins que la loi ne prévoit pas l'usage de chiens en police municipale. La situation que vous décrivez est le fruit d'un consensus. Un précédent ministre de l'Intérieur nous avait d'ailleurs confirmé que l'on ne pouvait remettre en cause l'existence de brigades canines en police municipale. Légalement, toutefois, celles-ci n'existent pas. Dans un même ordre d'idées, je pourrais citer de nombreux endroits où des agents de surveillance de la voie publique effectuent des missions qui leur sont formellement interdites, sans que les autorités ne s'en émeuvent.
J'aimerais revenir sur les propos du président Jean-Michel Fauvergue relatifs à la libre administration des communes. Cette libre administration peut-elle permettre à un maire d'envoyer des agents de police municipale sans arme ni moyen de réplique ou de défense, la nuit, dans des quartiers réputés hautement sensibles, là où même la police nationale ne se rend que rarement ou à grand renfort de personnel ? Des obligations minimales d'équipement ne pourraient-elles pas être imposées aux maires qui souhaitent recruter des policiers municipaux ?
Monsieur Bouchet, vous préconisez une gradation des missions et des moyens de police municipale en fonction de divers critères, dont le nombre d'habitants. L'idée me paraît intéressante. La Suisse a d'ailleurs mis en place un dispositif de ce type. Peut-être faudrait-il réfléchir à un règlement d'emploi de la police municipale qui se déclinerait selon des critères fixés par l'État. Aujourd'hui, personne ne conteste la libre administration des collectivités territoriales. Elle s'exerce dans le cadre des lois de la République, lesquelles sont fixées par le Parlement. À ce titre, les parlementaires sont fondés à instaurer un certain nombre de critères. Ils l'ont fait pour d'autres cadres d'emploi, en matière de prise de charge de la petite enfance par exemple. Ainsi, un maire qui crée une crèche est soumis à un certain nombre d'obligations.
Madame Poueyto, j'ai eu l'occasion de dialoguer avec le maire de Pau, notamment sur la question de l'armement. Je crois pouvoir dire qu'il a été sensible à notre discours, ainsi qu'aux événements malheureux qui ont frappé notre territoire. Je me réjouis qu'il ait décidé de développer son service de police. Il se dirige, en outre, vers une solution qui intéresse particulièrement notre fédération : la police municipale intercommunale. La délinquance, en effet, ne s'arrête pas aux portes des communes. Il me semble important d'encourager les maires à développer des polices municipales intercommunales. Il ne s'agit pas là de retirer du pouvoir aux maires, mais de les inciter à adopter une vision territoriale des problématiques de sécurité.
Quant au redéploiement des effectifs de police nationale, l'État a franchi depuis bien longtemps le stade de la tentation que vous évoquez, madame Firmin-Le Bodo. C'est d'ailleurs fort compréhensible. L'État redéploie ses forces sur des missions qu'il juge prioritaires : la grande police judiciaire, le renseignement, le maintien de l'ordre, la police de l'air et des frontières. Le parent pauvre est la sécurité publique de proximité, essentiellement assurée par des policiers municipaux.
Si le maire possède des pouvoirs de police, l'intercommunalité n'en détient pas forcément. Il importerait donc de trouver une solution juridique permettant la mise en place de polices municipales intercommunales.
La solution est dans les mains des parlementaires.
Une police intercommunale a été mise en place à Pau, de même qu'un centre de supervision urbain assurant une vidéoprotection, en complément et en appui de la police nationale. Cette mutualisation des services et des moyens n'empêche pas les maires de garder leurs prérogatives.
Chaque village peut s'équiper d'une ou deux caméras, tandis que le centre de supervision urbain peut être commun et financé par l'intercommunalité.
De notre point de vue, la police municipale n'a pas d'autre mission que de mettre en œuvre la police du maire. Ses missions sont clairement définies, indépendamment de la taille des communes. Qu'il soit à la tête d'une grande ville ou d'une petite commune, un maire a les mêmes pouvoirs et les mêmes devoirs. Pour lever une confusion, je précise d'ailleurs que je n'évoquais pas le recours à des chiens en appui des unités de police nationale, mais pour concourir aux missions de la police municipale.
Pour ce qui est des conventions de coordination, il est indéniable que le travail en commun repose sur des relations de confiance. Sur le terrain, les rapports humains sont plus ou moins harmonieux. Les conventions de coordination ont le mérite de mettre ces sujets au clair.
Je travaille dans un département rural, l'Eure, dans une commune classée en zone de sécurité prioritaire bien qu'elle ne compte que 5 600 habitants. Notre équipement équivaut largement à celui d'une grande police municipale. Il fut même un temps où nous disposions d'un chien. Pour autant, la convention de coordination, garante d'une action stable et pérenne au-delà des changements de direction, n'était pas connue du commandant de brigade. Plus étonnant encore, celui-ci n'a pas été destinataire de la nouvelle convention de coordination renforcée ayant été signée. Elle est pourtant primordiale, notamment en ce qu'elle institue des échanges d'informations et la communication d'éléments en temps réel en cas de danger. À notre demande, nous recevons une synthèse des travaux menés dans le cadre de cette convention. En effet, nous avons besoin d'une vision d'ensemble de la sécurité publique pour organiser nos patrouilles et servir l'État au mieux.
Monsieur Ratel, voyez-vous un intérêt à l'uniformisation des conventions de coordination à l'échelle nationale ?
Je n'y vois pas d'intérêt, car ces conventions se définissent au niveau local, en tenant compte des spécificités des territoires.
Le ministère de l'Intérieur s'est emparé du dossier des brigades canines en 2014 et devrait proposer un texte à ce sujet. Cela permettra de mettre en place des référentiels de formation, qui font défaut aujourd'hui.
Je relève d'une collectivité des Hauts-de-Seine qui expérimente l'accès aux fichiers auxquels vous avez fait référence, madame Bono-Vandorme. Nous en sommes très satisfaits, au-delà de quelques ajustements qui s'avèrent nécessaires, comme la possibilité pour plusieurs agents – et non un seul – de consulter les données. Demain, nous espérons accéder au fichier des personnes recherchées ainsi qu'au fichier des objets et des véhicules signalés, qui présentent pour nous un intérêt au quotidien. Maintenant que nous pouvons identifier le propriétaire d'un véhicule, nous devons savoir si son conducteur est recherché. Les contrôles routiers sont des opérations très dangereuses, susceptibles de dégénérer sans préavis. De nombreux actes de violence sont commis à l'occasion de ces contrôles, pour des infractions a priori banales. Nos collègues de l'État en font également les frais.
J'ai fait une proposition de loi sur l'accès au fichier des objets et des véhicules signalés. Peut-être faudra-t-il la reprendre.
Aujourd'hui, nous avons essentiellement besoin de moyens qui facilitent notre travail au quotidien. Nous ne cherchons aucunement à prendre la place de l'État. Nous sommes au contraire attachés à la spécificité de notre mission et au service que nous rendons à nos concitoyens. Nos conditions d'exercice peuvent être améliorées. Nous ne souhaitons pas consacrer plus de temps que nécessaire à la rédaction de procédures. La forfaitisation de certains délits peut constituer une piste de simplification en la matière, entre autres exemples. Plus nous serons accaparés par des tâches procédurales, moins nous serons présents sur la voie publique. Or ce sont bien les policiers municipaux que nos concitoyens côtoient dans les rues de nos villes, et non les policiers nationaux ou les gendarmes, qui sont occupés à d'autres activités.
Monsieur Bouchet, vous préconisez que l'armement et les moyens des policiers municipaux soient fonction de la taille de la commune où ils opèrent. Considérez-vous qu'une petite commune soit moins affectée qu'une grande par l'insécurité ? L'actualité le dément malheureusement : pensons, par exemple, aux actes terroristes qui ont frappé Saint-Étienne-du-Rouvray. Il n'y a pas de petite ou de grande commune au regard de l'insécurité et du terrorisme, pas plus qu'il n'y a de petits ou de grands policiers municipaux au gré de la taille des communes.
Madame Poueyto, vous vous interrogez sur la proportion des effectifs de police nationale et de police municipale dans certaines communes. Les maires ont amplement recruté des policiers municipaux ces derniers temps. En dix ans, le nombre de ces agents est passé de 19 000 à près de 23 000. Cette croissance témoigne d'un véritablement besoin, pour pallier le désengagement dont fait preuve l'État en matière de sécurité dans les communes. Les maires sont obligés de compenser le manque d'effectifs de la police nationale par un recours accru aux policiers municipaux, bien que les moyens et les prérogatives des uns et des autres ne soient pas identiques.
Gardons-nous de croire que l'État a toujours rempli parfaitement son rôle à l'égard de la sécurité publique, mission pourtant régalienne. Certes, les maires disposent de pouvoirs de police municipale, mentionnés dans le code général des collectivités territoriales. Ils recourent aux policiers municipaux pour les faire appliquer, dans un cadre précis : l'ordre, la tranquillité et la salubrité publics. Les forces peuvent être complémentaires, mais à aucun moment la police municipale n'a vocation à se substituer à la police nationale, dans quelque condition que ce soit, et quelle que soit la taille des communes.
Je regrette que le rapport sur les polices municipales remis par Jean Ambroggiani en 2009 n'ait pas eu de suite. Il pointait déjà les difficultés dont nous faisons état aujourd'hui. Du reste, la plupart des revendications que nous relayons sont portées par nos collègues depuis deux voire trois décennies. Durant toutes ces années, les gouvernements se sont succédé et le Parlement s'est renouvelé, sans que la situation ait progressé. Il est temps d'agir.
Les problématiques autrefois propres aux grandes villes se retrouvent aujourd'hui sur l'ensemble du territoire. Je pourrais citer, en guise d'illustration, un village de 300 habitants de la Côte-d'Or qui est en proie à des trafics de stupéfiants.
La ville de Portes-lès-Valence, où j'exerce, expérimente l'accès direct des policiers municipaux aux fichiers des permis de conduire et des immatriculations de véhicules. Nous attendions ces fichiers depuis une quinzaine d'années. Ils nous ont été ouverts en août ou septembre, mais le dispositif ne fonctionne que depuis une semaine. J'ai constaté, à ma grande surprise, que nous n'avions accès qu'à un fichier restreint mentionnant l'identité du propriétaire d'un véhicule et les caractéristiques de ce dernier, sans historique. Il nous est donc impossible de savoir, par exemple, si le véhicule est en règle au regard du contrôle technique. Par ailleurs, l'utilisation du fichier des permis de conduire est très complexe. La requête échoue, par exemple, si l'on omet de mentionner l'un des prénoms d'un individu. Nous espérons que ces freins techniques seront levés. Plus encore, nous souhaitons accéder très rapidement aux fichiers des personnes recherchées ainsi que des objets et véhicules signalés.
Dans mon exposé liminaire, j'ai évoqué la nécessité de doter d'armes longues les policiers municipaux participant à la protection des lieux de culte. Ce propos semble avoir surpris certains d'entre vous. Sachez que, dans une grande ville du Nord, cette mission n'est pas remplie par la police nationale. La police municipale doit donc s'en charger, ce qui pose un réel problème de sécurité et interroge plus largement sur les missions attribuées à nos collègues. Nul ne saurait nier qu'aujourd'hui, les synagogues, les églises et les mosquées sont des cibles potentielles d'actes terroristes.
Madame Firmin Le Bodo, je précise que le tronc commun de formation que je préconise ne serait pas une formation complète dispensée à l'ensemble des policiers, nationaux et municipaux. Il s'agirait plutôt d'un module partagé grâce auquel les uns et les autres adopteraient le même discours lorsqu'ils interviennent sur une situation.
Je ne nie aucunement qu'il existe des problématiques délinquantes dans les zones rurales comme dans les secteurs urbains et périurbains. La délinquance a de multiples visages, y compris dans les communes rurales : vignes vendangées illégalement, vergers vidés de leurs fruits, vols de matériel agricole... S'y ajoute une petite délinquance du quotidien, dont les auteurs ont préféré quitter des zones urbaines surveillées au profit de secteurs ruraux plus éloignés des regards. Pour autant, des critères pourraient aider à graduer les effectifs de policiers devant être engagés sur les différents territoires. La taille de la population ne serait qu'un indicateur parmi d'autres, aux côtés, notamment, de la situation de délinquance de la commune.
L'intercommunalité vient justement en aide aux petites communes, sans retirer aux maires leurs prérogatives en matière de police.
Monsieur Quevilly, je ne méconnais pas le désengagement de l'État que vous pointez. Néanmoins, même si la police nationale se développait de manière conséquente, elle ne remplirait pas les mêmes missions que la police municipale au quotidien, dans les quartiers, au plus près des citoyens. La délinquance se transforme et investit les territoires de façon nouvelle. La police doit se mettre au diapason de ces évolutions de la société. De ce point de vue, le rôle de la police municipale est incontournable.
En réponse à David Quevilly, je précise que la ville de Saint-Étienne-du-Rouvray compte 28 000 habitants. Elle ne peut donc être considérée comme une petite commune.
Dans la mesure où la police municipale intervient en complément d'une police nationale parfois déficiente, nous devons nous interroger sur les moyens que déploie l'État pour assurer la sécurité. Autant le maire d'une ville de 28 000 habitants a les moyens d'agir, autant son homologue d'une commune de 300 habitants peut se trouver démuni face à l'apparition de trafics de stupéfiants. Toutes les mairies n'ont pas la même capacité à traiter des situations dont devrait, en toute logique, s'emparer la police nationale ou la gendarmerie.
Monsieur Golfier, vous avez recommandé l'adoption de référentiels comportementaux communs aux policiers municipaux et nationaux pour certaines interventions. Arrive-t-il que des stages ou des formations soient organisés en commun ? Serait-il intéressant de les systématiser ?
Madame Poueyto, je reconnais que le développement des polices intercommunales peut être une solution intéressante pour aider les petites communes.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, les policiers municipaux effectuent des stages d'observation en brigades de gendarmerie ou dans les commissariats. Ils peuvent également prendre part à des stages en école de police nationale.
Il existera toujours une police des maires et une police de l'État, et les policiers municipaux resteront toujours complémentaires aux forces de sécurité nationales. Un tronc commun de formation permettrait justement de consolider cette complémentarité. Par exemple, qu'attend de nous un officier de police judiciaire dans l'identification d'un individu ? Il arrive que deux unités interviennent ensemble après un accident de la route. Elles doivent avoir appris à se comprendre, jusque dans leurs gestes. Nous devons aussi savoir neutraliser l'arme d'un collègue qui serait tombée au sol. Sur ce type de sujets, des petites formations communes seraient utiles.
Serait-il souhaitable qu'en zone de police ou en zone de gendarmerie, les policiers municipaux et nationaux effectuent régulièrement une formation ou un exercice d'intervention en commun ?
Je ne pense pas que cela se pratique aujourd'hui, mais ce serait intéressant.
Vous nous avez interrogés sur la qualification judiciaire des policiers municipaux. Aujourd'hui, la même qualification est appliquée à l'ensemble des agents de police municipale, depuis les directeurs jusqu'aux gardiens. Tous sont des agents de police judiciaire adjoints, en vertu de l'article 21-1 du code de procédure pénale.
Nous ne demandons pas à obtenir la qualification d'officiers de police judiciaire pour collecter des « pièces parquet » ou prendre des plaintes, au détriment de notre présence sur la voie publique. En revanche, nous en appelons à un dispositif plus hiérarchisé. La logique de forfaitisation des délits va en ce sens. Prenons une problématique simple, le dépôt sauvage. Aujourd'hui, cette infraction donne lieu à des rapports ou à des procès-verbaux que la police municipale transmet à l'État – et qui, reconnaissons-le, encombrent les services nationaux. La police municipale devrait pouvoir traiter ce type de situation. Les directeurs de police municipale pourraient ainsi être officiers de police judiciaire, tandis que les chefs de service seraient agents de police judiciaire au titre de l'article 20 du code de procédure pénale, et ce, dans un cadre bien délimité. Notez que ce sujet ne fait plus débat parmi les syndicats de police de l'État qui relèvent de notre fédération.
La réunion s'achève à seize heures.
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Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale
Réunion du mardi 2 avril 2019 à 14 heures
Présents. – Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Rémi Delatte, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Olivier Gaillard, Mme Josy Poueyto, M. Joaquim Pueyo, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon
Excusée. - Mme Brigitte Kuster