Mesdames et messieurs les députés, nous vous remercions pour cette audition. Malgré nos demandes répétées, nous déplorons que le ministre de l'intérieur n'ait toujours pas jugé utile de nous rencontrer depuis sa nomination. Nous identifions la cause de cette volonté évidente d'ignorer nos demandes. Nous l'avons en effet informé que, pour Force ouvrière, aucune discussion n'était envisageable sur un quelconque projet relatif à la sécurité publique tant que nous n'obtiendrons pas, au préalable, un calendrier de négociation sur le volet social des policiers municipaux et des gardes champêtres. La pugnacité est dans la culture militante de Force ouvrière. C'est pourquoi nous avons proposé à l'ensemble des organisations syndicales de constituer un front unitaire, en vue de parvenir à l'ouverture de négociations sur cette question.
Chacun reconnaît aujourd'hui la police municipale comme la troisième force de police du pays. Force ouvrière y voit la reconnaissance de la compétence de nos collègues au quotidien, ainsi que de leur capacité à se mobiliser, très souvent, en primo-intervenants. Pour Force ouvrière, la reconnaissance de la police municipale en tant que telle n'est pas de mise. En effet, dès lors que l'on considère que deux catégories professionnelles effectuent des missions similaires sur un objectif commun, l'on doit tendre vers une équité en termes de volets sociaux. Or nous sommes plus que loin du compte, et nous faisons l'objet d'une fin de non-recevoir depuis des années.
Bien entendu, nous sommes favorables à tout projet visant à améliorer l'efficience des forces de sécurité, en développant notamment la coproduction de sécurité, mais à condition que soient pris en compte l'humain et le social. Nous considérons que depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs n'ont cessé d'augmenter les prérogatives et les domaines de compétence et d'intervention des policiers municipaux, sans leur octroyer le volet social correspondant. Sous prétexte de professionnalisation, nous n'avons cessé de voir s'accroître les contraintes et les risques liés à l'exercice de nos missions, avec notamment une hausse exponentielle des cycles de travail en 24 heures sur 24, 365 jours par an. Ces contraintes supplémentaires n'ont pas fait l'objet d'une véritable prise en compte dans les salaires ni dans les retraites.
La professionnalisation des policiers municipaux, l'extension de leurs prérogatives et de leur champ de compétence, ainsi que l'accroissement des contraintes et des risques auxquels ils sont soumis, n'ont jamais été compensés par une revalorisation salariale significative. Les revendications sociales légitimes portées depuis plus de vingt ans par Force ouvrière et par l'ensemble des organisations professionnelles n'ont pas été entendues.
Le refus d'intégrer l'indemnité mensuelle spéciale de fonction dans le calcul des droits à pension de retraite des policiers municipaux – à la différence de ce qui se pratique pour la police nationale – pèse lourdement dans le calcul de leur pension de retraite. Ceci ne leur permet pas de bénéficier d'un départ à 57 ans, alors qu'ils relèvent de la catégorie active, faute d'une pension de retraite décente. Nous ne tolérons plus cette inégalité de traitement, vécue comme une véritable discrimination, qui conduit nombre de nos collègues à percevoir une retraite bien souvent inférieure à 1 000 euros par mois. Les policiers municipaux et les gardes champêtres refusent d'être les parents pauvres des forces de sécurité.
L'État n'a de cesse de se décharger de certaines de ses missions sur les polices municipales, tout en persistant à refuser d'ouvrir des négociations sur le volet social de ces agents. D'ailleurs, monsieur Fauvergue, votre rapport rédigé conjointement avec Mme Thourot sur le continuum de sécurité laisse sous-entendre, pour le moins, que la police municipale a une implication renforcée dans la sécurité publique. Cela semble répondre à la volonté du président de la République qui, comme il l'a annoncé le 22 mai 2018, souhaite « faire mieux avec les polices municipales ». Visiblement, FO n'a pas la même vision du « mieux » que le Président de la République. Faire mieux, pour Force ouvrière, c'est tendre vers une meilleure considération des policiers municipaux en diminuant les inégalités de traitement entre les différents services de police. À titre d'exemple, à échelons équivalents, un brigadier de police municipale perçoit une rémunération brute de 1 700 euros, alors qu'un brigadier de police nationale perçoit 2 300 euros, soit une différence de 600 euros qui atteint 900 euros compte tenu de la prime de risque, de l'indemnité de sujétion spéciale de 27 % du traitement brut pour la police nationale et de l'indemnité spéciale mensuelle de fonctions de 20 % pour les policiers municipaux. Un nageur de police nationale de catégorie B perçoit une rémunération brute supérieure à celle d'un directeur de police municipale de catégorie A – sans compter que les policiers municipaux voient leur pension de retraite amputée du montant de la prime de risque.
Il importe donc que, dans une même logique que pour les policiers nationaux, le cadre d'emploi des agents de police municipale soit intégré en catégorie B dans un corps opérationnel de la police municipale. Il importe également de revaloriser les fonctions d'encadrement, de conception et de direction. Aussi, nous proposons que le cadre d'emploi des chefs de service de police municipale soit intégré en catégorie A dans un nouveau corps d'encadrement opérationnel. Il convient, en outre, de rendre attractif le cadre d'emploi des directeurs de police municipale en créant un corps de conception et de direction revalorisé, avec un indice terminal hors échelle de la catégorie A.
Aujourd'hui, les plus importantes polices municipales sont placées sous la direction de contractuels ou de cadres en détachement de la police, de la gendarmerie ou d'autres administrations. Dans certains cas, c'est illégal, puisque la police municipale ne peut être placée que sous la responsabilité d'un directeur de police municipale statutaire. Il ne peut s'agir d'un contractuel partisan qui bénéficie souvent, déjà, d'une pension de retraite confortable, que l'on affuble d'un titre ronflant de directeur de la sécurité ou de la tranquillité publique, et qui a pour seul objectif de mettre la police municipale non pas au service de la population mais, bien trop souvent, au service des ambitions électoralistes du maire. Dans d'autres cas, le recours au détachement constitue une injustice envers les lauréats du concours et les directeurs statutaires qui possèdent les compétences nécessaires pour occuper ces postes de direction.
En termes de régime indemnitaire, nous proposons que l'actuelle indemnité mensuelle spécifique de fonctions soit remplacée par une prime de risque au taux unique de 25 % du salaire indiciaire, soumise à cotisations auprès de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Son attribution deviendrait statutaire, la prime n'étant plus liée à l'exercice des missions mais aux risques liés à l'exercice de missions de sécurité publique. Bien entendu, il n'apparaît pas concevable que le coût induit de ces mesures soit supporté uniquement par les communes, celles-ci ayant déjà subi de fortes baisses de dotations ces dernières années. Ainsi, la complémentarité en matière de sécurité doit inclure une participation financière de l'État, voire des régions et des départements.
Vous avez donc compris, mesdames et messieurs les députés, que pour Force ouvrière, il ne sera pas question d'aborder d'autres sujets que le volet social des policiers municipaux devant cette commission d'enquête. Fidèles à nos habitudes, c'est la parole de nos mandants que nous porterons lors de cette audition. À ce jour, pour les policiers municipaux et gardes champêtres Force ouvrière, mais aussi pour une très forte majorité de nos collègues, la préoccupation majeure est bien la revendication du volet social.
Nous ferons un seul écart à ce principe, en réaffirmant l'urgente nécessité de recadrer le rôle, les missions, l'uniforme et les moyens techniques des agents de surveillance de la voie publique (ASVP) et des agents opérateurs de vidéoprotection. Il convient, selon nous, de légiférer pour donner à ces personnels un véritable statut et encadrer strictement leurs missions, qui doivent rester constantes par rapport à celles d'aujourd'hui. En cela, il faut veiller particulièrement à leur interdire toute immixtion dans les missions dévolues exclusivement aux forces de police. Pour la sécurité de ces agents, il importe, selon FO, que leur activité soit départie de tout aspect sécuritaire. Nous déplorons que les signalements au préfet ou au procureur de la République de recours illégaux à des ASVP pour effectuer des missions de police municipale ne soient pas ou très peu suivis d'effet.