Je débuterai mon propos par la présentation de l'IGPN, une direction méconnue, même si nous en parlons beaucoup ces derniers temps. Rares sont ceux, en effet, qui connaissent la diversité des missions et le fonctionnement de cette inspection.
Lorsque nous prononçons les quatre lettres « IGPN », viennent immédiatement à l'esprit deux expressions qui collent à l'inspection générale de manière quasi indélébile : « le cimetière des éléphants » et « les bœufs-carottes ». Il en existe même une troisième, mais je vous en parlerai plus tard.
Ces deux expressions mettent en avant deux types de mission qui ont longtemps caractérisé l'IGPN et l'Inspection générale des services de la préfecture de police (IGS). D'une part, les inspections conduites par les anciens, qui forts de leur longue expérience professionnelle, sont venus finir leur carrière à l'IGPN. L'IGPN a été créée en 1969, il s'agit donc d'une direction bien ancrée dans la police nationale. À ces anciens, étaient confiées les missions d'inspecter les services et de réaliser des études de fond.
D'autre part, l'activité d'enquête attribuée à des policiers, auxquels on prêtait volontiers l'art de faire mijoter ceux de leurs collègues qui se trouvaient placés sur la sellette ; d'où les termes de « bœufs-carottes ». J'ouvre là une parenthèse pour vous préciser l'origine de ce terme. Même s'il est vrai que les inspecteurs font mijoter leurs collègues lors des interrogatoires, il s'agissait en réalité du plat du jour qui était offert aux gardés à vue à la préfecture de police, après la Seconde Guerre mondiale. Pour mémoire, l'IGS a été créée en 1914 par Célestin Hennion, et les policiers de cette inspection avaient une culture de la garde à vue.
Voilà la genèse de cette expression un peu folklorique qui a même inspiré une série télévisée. L'IGPN est par ailleurs souvent stigmatisée comme la police des polices par les médias, alors même qu'elle n'a pas vocation à prononcer des sanctions, conformément aux textes fondateurs.
En 2013, l'IGPN a fait l'objet d'une refonte initiée par ma prédécesseuse. Elle exerce le contrôle des directions et des services de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la préfecture de police ; elle a compétence sur l'ensemble du territoire de la police nationale. Elle exerce une mission générale d'inspection, d'études, d'audits et de conseil. Elle est chargée, par délégation du directeur général et du préfet de police, du pilotage du contrôle interne et de la maîtrise des risques de la police nationale. Elle contrôle le suivi de la mise en œuvre des sanctions prononcées par l'autorité disciplinaire. Elle diligente des enquêtes judiciaires, d'initiative ou sur instruction de l'autorité judiciaire. Elle diligente des enquêtes administratives sur l'ensemble des agents relevant de l'autorité du directeur général de la police nationale, du directeur général de la sécurité intérieure et du préfet de police. Elle analyse, propose et évalue les règles et les pratiques professionnelles relatives à la déontologie. Elle apporte un service de conseil juridique dans ces domaines en matière de procédure d'enquête, et elle porte une mission de conseil en management et en organisation. Elle participe à des missions conjointes avec l'Inspection générale de l'administration (IGA) ou d'autres services de l'inspection. Le champ d'action de l'IGPN est donc large et ne peut être réduit à sa seule fonction d'enquête.
Fin 2018, 293 agents étaient affectés à l'IGPN, dont 118 enquêteurs répartis au sein de l'unité centrale de coordination des enquêtes et des huit délégations de l'IGPN couvrant l'ensemble du territoire national.
L'IGPN n'est pas composée uniquement de policiers : 219 policiers, 66 agents administratifs, 7 agents contractuels et consultants, un conseiller du tribunal administratif détaché et 6 apprentis.
Il s'agit d'une instance au service de l'institution et de l'ensemble de ceux qui la composent, dont la vocation est d'améliorer le fonctionnement des services et de faire de la déontologie un facteur de performance. Il s'agit donc bien d'une direction qui sert l'intérêt général, et singulièrement celui des usagers ; elle n'est pas le bras armé de la DGPN, qui n'interfère en aucune façon dans la manière dont nous conduisons nos enquêtes. Nous jouons un rôle d'accompagnateur, de facilitateur, mais également de régulateur au service de chaque policier. Nous contribuons à fortifier le lien police-population, dans la mesure où notre activité est à la fois transparente et accessible à chaque citoyen.
Nous formons une communauté dynamique d'hommes et de femmes réunis autour de valeurs communes et d'objectifs partagés. Ces valeurs sont, d'ailleurs, consignées dans une charte – que je vous remettrai. Il s'agit de l'exemplarité, de l'expertise, de l'éthique, de la responsabilité et de l'objectivité ; valeurs choisies par l'ensemble des personnes qui composent l'IGPN, après une réflexion commune. Quant aux objectifs, ils figurent dans une feuille de route et ont également fait l'objet d'un travail collectif.
Il ne suffit pas d'avoir des idées, des projets, de l'ambition, il faut aussi agir concrètement. À cet égard, l'IGPN a considérablement élargi le panel de ses activités, et a développé de nouveaux outils qui faisaient défaut à la police nationale.
En 2013, lors de la fusion de l'IGPN et l'IGS, nous avons créé une unité de coordination des enquêtes, en ouvrant des délégations au sein des territoires – la dernière étant située à Pointe-à-Pitre concerne la Guyane et les Antilles. Nous avons ainsi démontré notre souci de proposer un traitement égal à chacun de nos agents et d'harmoniser les pratiques en matière disciplinaire.
Dans ce but, nous avons développé un outil informatique, OSADIS. C'est un outil partagé de suivi de l'activité disciplinaire, actuellement en cours de déploiement, qui nous permettra d'avoir une vision globale de l'ensemble des sanctions et des suivis disciplinaires – du droit disciplinaire appliqué au sein de la police nationale.
Nous avons créé, en 2013, une mission appui-conseil (MAC) dans le domaine du management, qui procède de la même volonté d'améliorer le fonctionnement des services et les conditions de travail des agents. Nous accompagnons le chef de service dans l'analyse et la résolution des difficultés de nature managériale et organisationnelle, nous proposons des appuis méthodologiques à la conduite de projets, afin d'aider les collègues, porteurs de projets, à concevoir et mettre en œuvre des réformes lourdes ou complexes, tout en organisant une conduite du changement et, surtout, en tenant compte du bien-être des agents dans leur quotidien.
La mission appui-conseil tire sa compétence du savoir-faire des consultants, puisque nous avons recruté des consultants issus de cabinets privés dont le domaine de compétence est le management et le changement. Nous avons mis en place deux dispositifs expérimentaux qui sont en dialogue opérationnel à la direction départementale de sécurité publique (DDSP) 78, et nous travaillons sur du management innovant pour trouver de nouveaux outils pouvant améliorer le management des services de police.
Cette réflexion est issue des problématiques que nous avons rencontrées en 2016, dans les services territoriaux. Tout le monde se souvient de la grogne des policiers, de leur malaise. C'est pour répondre à ces difficultés que nous avons proposé des outils de management innovants ; ils sont en cours de développement – le changement prend du temps.
En 2016, a été créé le dispositif « Améliorer la maîtrise des activités et des risques » (AMARIS), en vue d'aider les directions à améliorer le contrôle interne et à sécuriser davantage les policiers dans l'exercice de leur fonction. Nous diffusons, à partir des expériences réalisées sur le territoire, des fiches mémo ou des fiches alerte.
Les services de police font remonter les problématiques, les difficultés rencontrées au quotidien, comme, par exemple une garde à vue qui a dépassé la durée légale. Nous avons été alertés à plusieurs reprises sur cette question. Nous avons donc élaboré une fiche mémo pour rappeler à tous les policiers, de manière simple et facile à retenir, qu'il y a des cases à cocher lorsqu'une personne est en garde à vue et qu'il ne faut surtout pas passer à côté. Ces fiches mémo, qui ne font pas doublon avec les notes de service, permettent aux policiers de revoir, en une page, tout le processus qu'il convient de respecter afin de travailler en sécurité.
Le renforcement du contrôle interne a conduit à développer une autre activité, celle de l'audit interne (IFACI), qui a pour objectif de s'assurer de la robustesse des dispositifs de contrôle interne mis en place. C'est ainsi qu'a été créé, en 2016, le cabinet des inspections et des audits. Nous travaillons avec l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) ou sous le pilotage de l'IGA, sur demande du ministre, sur des études les plus diverses, et le rapport final fait l'objet de recommandations, avant restitution au commanditaire.
Le directeur général souhaite que nous accompagnions la direction ou le service concerné dans la réalisation des préconisations – ce que nous avons fait pour la création de la direction centrale de la formation et du recrutement de la police nationale (DCFRPN). Nous contrôlons également, de manière inopinée, les services d'accueil des commissariats, sur tout le territoire. C'est ainsi que, une centaine de fois par an, nos auditeurs se présentent, de façon anonyme, au motif de déposer plainte, et contrôlent ces services.
Nous assurons également une mission d'audits internes, réalisée par des agents qui ont suivi une formation de haut niveau à l'IFACI. Ils mènent des audits métiers ou des audits comptables et budgétaires. La plateforme de signalement, l'une des mesures phares de la réforme de 2013, est destinée aux usagers. Sa création fait suite à une réflexion que nous avons menée sur la façon de faire remonter les réclamations des citoyens aux services de police, et d'établir une relation police-population. Ouverte sur le site internet du ministère de l'intérieur, la plateforme permet à tout citoyen de déposer une réclamation aux services de police sur le comportement d'un policier ou, d'une manière plus générale, sur la police nationale. En 2018, 3 916 signalements ont été déposés, en augmentation, bien entendu, depuis novembre 2018 et le mouvement des Gilets jaunes.
Un autre dispositif de signalements a été déployé sous l'appellation de SIGNAL-DISCRI, cette fois à l'usage des policiers. Ce dispositif a vu le jour de part la volonté du directeur général et du préfet de police de placer la prévention de la lutte contre les discriminations et le harcèlement au sein des services de police, au premier plan. Tout policier estimant vivre une situation de harcèlement ou discriminatoire peut déposer sur cette plateforme ses remarques et ses questions. Près de 450 signalements ont été déposés cette année. Nous devons protection et aide à nos agents. Ainsi, par le biais de cette plateforme, nous pouvons les orienter vers un service de police compétent, diligenter des enquêtes administratives, et dans les cas les plus graves de harcèlement ou de discrimination avéré, l'IGPN se saisit directement des enquêtes.
Nous disposons, au titre de la transparence et de l'obligation de rendre compte, de deux outils, que sont, d'une part, le traitement du suivi de l'usage de l'arme (TSUA), qui est déployé depuis 2012 dans les services de police, et qui nous permet de connaître exactement le nombre de tirs qui ont été effectués à partir des cinq catégories d'armes suivantes : les armes de poing, les armes longues, les lanceurs de balles de défense (LBD), les grenades de désencerclement et les pistolets à impulsion électrique. Chaque policier qui utilise son arme, au travail ou durant son trajet domicile-travail – il doit avoir, bien entendu, un lien avec le service – est tenu de faire une déclaration sur cette application. Même si ce n'est que déclaratif, cela nous permet de collecter des données fiables sur l'usage qui est fait des armes dans les services de police.
Plus récemment, en 2018, nous avons installé, fondée sur la méthode du TSUA, une application visant à recenser les particuliers blessés – ceux qui ont plus de huit jours d'incapacité totale de travail (ITT) – ou décédés lors d'une mission de police. Je citerai l'exemple, qui malheureusement arrive parfois, de l'individu qui se jette par la fenêtre lors d'une perquisition.
Enfin, l'IGPN s'adonne à une activité importante de conseils, qui correspond à une posture orientée vers les bénéficiaires. Le cabinet de l'analyse, de la déontologie et de la règle est le cadre prédisposé à cette fonction pour laquelle un magistrat de l'ordre administratif est détaché – les sollicitations étant de plus en plus nombreuses. Nous sommes à la disposition de tout agent et service de police qui se posent des questions de déontologie, qu'elles soient relatives au port de tatouage, de la barbe, ou autre. Les questions sont posées de manière très naturelle et nous y répondons de manière très directe.
L'IGPN est une direction moderne. Nous avons réalisé un sondage auprès du personnel, en vue de mesurer le degré de bien-être de nos agents, et 91 % des policiers se disent satisfaits, voire fiers d'avoir été affectés et de travailler à l'IGPN. Ce sondage va être à nouveau réalisé cette année. Ces chiffres nous permettent d'affirmer que, malgré la difficulté du métier, nos personnels l'exercent dans de bonnes conditions.
L'IGPN est une direction moderne qui a vocation à satisfaire le droit des usagers, en mettant tout en œuvre pour améliorer le fonctionnement de l'institution police nationale avec une logique d'accompagnement, d'aide et de soutien, d'études et de propositions, d'analyses et de préconisations, dans le respect de l'éthique, de la déontologie et de la règle.