Intervention de Brigitte Jullien

Réunion du jeudi 16 mai 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Brigitte Jullien, cheffe de l'Inspection générale de la police nationale :

Nous vous les transmettrons dès notre retour dans les services. Vous souhaitez donc les rapports sur la formation et les cycles horaires – car vous m'avez interrogée sur le temps de travail ? Nous avons en effet travaillé durant dix-huit mois sur le sujet du temps de travail et des cycles horaires dans la police nationale.

En 2016, le malaise des policiers s'exprime, nous recevons leurs doléances relatives à leur travail au quotidien, à leurs missions et à l'immobilier, notamment. Des réponses ont été apportées et une étude a été lancée sur la vacation forte et le changement des cycles de travail, la fatigue des cycles horaires et le travail de nuit pouvant être l'une des raisons du malaise des policiers.

Nous avons répondu partiellement à ce malaise en accordant, dans un certain nombre de services de police, la « vacation forte », qui est une modification du cycle de travail 4X2 : quatre jours de travail, deux jours de repos. Ce nouveau cycle horaire a été mis en place de manière empirique par les services de police, malgré une modification générale d'emploi qui accorde le principe de ce dispositif à tous les services de police qui le souhaitent.

Il est certain que, dans la volonté d'apporter des solutions aux policiers, nous n'avions pas mesuré l'impact de cette organisation du travail. Or, si elle améliore le confort des policiers, et notamment leur situation personnelle, elle a nécessité un renfort important des services.

Fin 2017, le directeur général, après consultation des organisations syndicales, a proposé un moratoire, et a confié à l'IGPN une étude sur l'impact de la vacation forte. Nous avons rendu nos travaux en mars 2019. Pour mener cette étude, nous avons mobilisé douze auditeurs de l'IGPN durant dix-huit mois, qui ont rendu un travail de qualité, qui aidera certainement le directeur général à prendre des décisions.

Le cycle de travail 4X2, actuellement en place dans les services de police (4 jours de travail, 2 jours de repos ou 2 jours de travail, 2 après-midi, 2 matinées, 2 jours de repos), ne permet au policier que de bénéficier d'un week-end sur six – pour huit heures de travail journalier –, soit seize week-ends par an. La vacation forte instaure un cycle de vingt et un jours, le policier bénéficiera donc d'un week-end sur deux – et travaillera neuf heures et demie lors du changement d'équipe au lieu de huit heures pour le 4X2.

Pour limiter le dispositif de la vacation forte, préconisée par les organisations syndicales et validé par l'administration, celle-ci a proposé un cycle 4X2 compressé, moins coûteux en personnels et permettant aux policiers de bénéficier d'un week-end sur trois. On est ainsi passé à deux possibilités notamment pour police secours et les brigades de nuit.

En effet, la vacation forte nécessite + 8,66 % d'effectifs supplémentaires pour avoir le même nombre d'agents patrouillent sur la voie publique. Je prends un exemple : une circonscription où quatre patrouilles de police secours sont nécessaires le matin, perd, avec la vacation forte, entre une et deux patrouilles par vacation, par jour, si les effectifs ne sont pas renforcés. Bon nombre de chefs de service ont dû faire appel à des policiers d'autres unités pour compléter les effectifs passant en vacation forte. Alors que, pour le dispositif 4X2 compressé, aucun policier supplémentaire n'est nécessaire.

De sorte que nous sommes assez critiques sur la vacation forte, pour des raisons opérationnelles. En revanche, tous les indicateurs du bien-être au travail, de qualité de vie des policiers passent au vert. Nous avons envoyé un questionnaire à tous les policiers passés en vacation forte. 60 % ont répondu et tous sont en faveur de la vacation forte – nous avons d'ailleurs constaté une baisse des arrêts maladies. Malheureusement, la perte du potentiel opérationnel et la nécessité d'effectifs supplémentaires ne plaident pas en faveur de la vacation forte. C'est la raison pour laquelle nous avons préconisé, dans notre rapport, l'arrêt de la vacation forte dans les unités de jour, pour la remplacer par un cycle 4X2 compressé. S'agissant des unités de nuit, les études ont démontré que les policiers qui travaillaient quatre nuits d'affilée étaient totalement inefficaces la quatrième nuit. Nous préconisons alors la vacation forte qui est tout à fait adaptée au travail de nuit car elle permet de travailler trois nuits.

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