Intervention de Philippe Lutz

Réunion du mardi 21 mai 2019 à 14h30
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Philippe Lutz, inspecteur général de la police nationale et directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale :

Le dispositif des cadets est effectivement important. Je partage tout à fait votre sentiment quant à la fonction d'apprentissage que revêt leur formation : pendant un an, une co-formation est assurée par la police et l'éducation nationale.

Le constat est assez clair : nous avons de plus en plus de mal à trouver des volontaires. Dans certaines zones, nous en trouvons sans difficulté, par exemple dans les Hauts-de-France et outre-mer. Ailleurs, notamment dans la région parisienne, à Lyon ou encore à Bordeaux, c'est vraiment très difficile : soit il n'y a pas de volontaires, soit leur niveau est extrêmement faible. Pour exprimer de manière un peu triviale l'analyse que nous faisons du phénomène, les considérations des postulants sont assez largement alimentaires. Ils entrent dans la police pour passer le concours de gardien de la paix et leur niveau est assez faible. À cet égard, le dispositif des cadets de la République est un véritable acte de promotion sociale : nous remettons à niveau les élèves dans un certain nombre de domaines. Ils peuvent ainsi passer le concours de gardien de la paix en même temps que les adjoints de sécurité (ADS). Toutefois, il est vrai que la rémunération qu'ils touchent pendant un an n'a rien à voir avec celle de ces derniers. Un ADS peut envisager de louer un appartement, ne serait-ce qu'un studio ; la rémunération d'un cadet ne le lui permettra pas. C'est une véritable difficulté. Nous essayons de trouver des solutions avec la DCPN et, dans les salons que nous organisons, nous valorisons beaucoup le dispositif, mais il est très clair que nous rencontrons des difficultés.

En ce qui concerne votre question sur la police de demain, il existe à la DGPN un pôle de prospective, qui est chargé d'y travailler avec l'ensemble des directions, notamment avec la DCPN. L'objectif est notamment de s'intéresser aux métiers en tension et à ce que j'allais appeler les « métiers d'avenir » – mais ce qui touche aux sujets « cyber », par exemple, ce n'est pas l'avenir : c'est le présent. Les modalités de recrutement seront sans doute différentes, nous devrons y réfléchir. On sait très bien que, pour tout ce qui concerne le numérique, l'administration a beaucoup de mal à recruter.

Faut-il continuer à spécialiser des personnes qui ont déjà été recrutées ? Ma direction doit conduire un important travail de repérage, avant de travailler sur des modalités de concours différentes – modification que nous pourrions envisager, mais qui suppose ensuite qu'il en soit tenu compte dans les carrières. Cela peut être plus compliqué, mais c'est tout à fait envisageable. Du reste, nous avons commencé à le faire pour les gardiens de la paix. On pourrait aussi travailler sur les diplômes ou les formations rares détenus par nos 4 000 gardiens de la paix qui vont entrer en école l'année prochaine. On sait, par exemple, que certains ont des diplômes d'ingénieur – il n'y en a pas 100 ou 150, mais cela existe. Certains ont aussi des masters de nature intéressante. Il est vrai qu'ils devront avant tout faire un véritable travail de gardien de la paix, mais nous devons les repérer, nous demander comment assurer une sorte de tutorat, en liaison avec les directions, et leur permettre de s'épanouir, pour le bien de l'institution elle-même. Il me semble qu'il s'agit là d'un champ qui doit être exploré en matière de recrutement : celui-ci ne doit pas être seulement une procédure administrative.

Nous recrutons des gens ayant des profils très différents. Ce matin, nous avons fait adopter, en comité technique ministériel, un texte relatif à la création d'un deuxième concours interne de gardien de la paix. Actuellement, le concours interne est réservé aux adjoints de sécurité et aux gendarmes auxiliaires. L'expérience montre que nous n'arrivons pas à recruter les 50 % d'adjoints de sécurité prévus à l'interne : une partie des postes est reportée sur le concours externe. En effet, les adjoints de sécurité n'ont pas toujours le niveau nécessaire. Surtout, le vivier est assez limité. Une part non négligeable des adjoints de sécurité choisit ainsi d'intégrer la fonction publique territoriale, notamment les polices municipales. De fait, quand vous êtes adjoint de sécurité, que vous habitez à Périgueux et que la police municipale de cette ville – s'il y en a une – ouvre des postes, même si le salaire d'un gardien de la paix est supérieur à celui d'un policier municipal, et quand bien même le métier serait aussi plus intéressant car il présente des défis plus importants, dès lors que vous avez 80 % de chances de vous retrouver affecté en région parisienne pendant au minimum cinq ans, le calcul est assez vite fait : la majorité des candidats vont préférer la proximité géographique avec leur famille et leurs amis.

Le deuxième concours que j'évoquais sera ouvert – comme c'est la règle dans la fonction publique – à tous les agents de catégorie C. Cela va nous permettre d'obtenir des profils différents, ce qui peut être intéressant. Le concours sera aussi accessible aux fonctionnaires territoriaux, y compris à ceux venant de la sécurité – par exemple des employés des polices municipales. C'est un véritable enjeu que de travailler sur l'intégration de compétences un peu différentes. La semaine dernière, nous avons travaillé sur la composition du jury du concours de commissaire de police. Nous avons insisté sur l'importance cruciale d'avoir des profils différents, compte tenu des évolutions dans le domaine de la sécurité, de ce que sera la police de demain : les évolutions, y compris celles des compétences, sont considérables et de plus en plus rapides. Nous avons donc tout intérêt à avoir des profils aussi variés que possible, même si, de prime abord, ils peuvent apparaître comme un peu décalés.

En ce qui concerne la PSQ, nous avons beaucoup travaillé sur la formation. Nous avons intégré la PSQ à la formation initiale, en liaison avec la DCSP et la préfecture de police. Nous sommes d'ailleurs en train de revoir, avec le nouveau DCSP, cette formation qui avait démarré l'année dernière, avec une approche en partie différente. Lors du lancement de la formation à la PSQ, on s'était beaucoup appuyé sur ce qui était fait dans les Bouches-du-Rhône. L'idée était, d'abord, de proposer une formation socle de trois jours expliquant ce qu'est la PSQ, comment se déroulent les réunions de quartier, de quelle nature est le partenariat, comment on peut s'attacher à résoudre les problèmes ; ensuite, de travailler localement avec les services pour faire des formations sur mesure – même si je n'aime pas trop ce terme. Quoi qu'il en soit, nous avons travaillé, par exemple dans l'Essonne, sur une formation de quinze jours en unité, c'est-à-dire que l'ensemble de la chaîne hiérarchique – je me répète peut-être mais c'est vraiment très important – était réuni durant quinze jours pour travailler sur la PSQ et l'intervention dans les quartiers. Le simple fait d'apprendre à se connaître dans ce cadre et de comprendre les impératifs de chacun n'est pas neutre. Par exemple, intervenir aux Tarterêts peut ne pas apparaître comme très difficile aux yeux de certains, mais sembler au contraire extrêmement compliqué pour d'autres. Il est donc important, dès le départ, dans ces formations, d'avoir le point de vue de chacun et de faire en sorte qu'il soit décliné au niveau local.

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