Intervention de Didier Jammes

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 10h00
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Didier Jammes, président de l'association indépendante des forces de l'ordre pour la protection et la prévention (IFOPP) :

Nous sommes une toute jeune association, puisque nous l'avons créé en 2017. Opérationnelle depuis peu, elle amorce son développement.

L'association est née de la réunion de trois mondes : le monde médical que je représente, puisque j'ai eu l'honneur de faire partie du groupe médical d'intervention du RAID pendant dix ans, période au cours de laquelle j'ai eu le plaisir de travailler avec le commissaire Evdokimoff, présent à mes côtés, et le monde de l'assurance, représenté par Virginie Montagu. Nous sommes partis de notre expérience de terrain, de mon expérience médicale et de ma découverte de l'univers de la police.

En tant que médecin, on est un confident et j'ai assisté à des drames psychologiques et sociaux touchant des fonctionnaires et leurs familles, particulièrement lorsqu'ils sont mis en cause. Il ne vous a pas échappé, et l'actualité récente le prouve, que ces mises en cause sont malheureusement de plus en plus fréquentes. Cette association a été créée dans le but de « protéger ceux qui nous protègent », un slogan certes un peu « choc » mais correspondant à la réalité et que nous allons pouvoir décliner sur le thème de la protection fonctionnelle.

Permettez-moi une analogie avec le monde de la médecine. Imaginez que, dans le climat de judiciarisation médiatique actuel, moi, médecin réanimateur en salle de déchocage d'urgence vitale, avant d'effectuer chacun des gestes où je peux décider de la vie ou de la mort de quelqu'un, une épée de Damoclès soit suspendue au-dessus de ma tête, que je sois filmé, soumis à la pression des familles, des amis, de témoins plus ou moins bienveillants. Imaginez que si je commettais la moindre erreur ou, a fortiori, une faute, éventualité à laquelle aucun humain ne saurait échapper, je puisse me retrouver dans les heures qui suivent dans le bureau du directeur de mon hôpital avant d'être, dès le lendemain, convoqué par un juge qui pourrait me mettre en examen, voire m'emprisonner. Si tel était le cas, nous n'aurions plus beaucoup de médecins dans les hôpitaux. Eh bien, l'association est née du constat d'une présomption de culpabilité de la part des forces de l'ordre, dans la mesure où l'instantanéité de la réponse les prive des droits de la défense les plus élémentaires, les plonge dans le drame et dans l'isolement. Si on y ajoute une grande naïveté et une grande méconnaissance par les collègues des systèmes de protection, on aboutit à des drames.

La situation dans le monde médical est bien différente puisque si je commets une faute ou une erreur professionnelle, c'est mon hôpital qui est attaqué devant le tribunal administratif, ma responsabilité individuelle ou pénale ne pouvant être mise en cause, à de rares exceptions près, s'il est avéré dès le départ qu'un crime a été commis. Parfois, le médecin n'est même pas convoqué et l'affaire se règle entre avocats. L'administration de la santé a d'ailleurs délégué la protection fonctionnelle à des assureurs privés.

L'association est donc née pour combler un vide juridique, en vue de rétablir la présomption d'innocence pour nos collègues, de leur donner tout simplement le droit de se défendre. Elle a pour membres fondateurs Ange Mancini et d'autres figures de la police. Elle est dotée d'un comité d'éthique, et est capable de donner accès à une assurance multirisque adaptée, innovante, répondant aux trois piliers dont nos collègues ont besoin dans ces situations : l'assistance juridique, normalement assurée par la protection fonctionnelle mais malheureusement très souvent absente pour de multiples raisons ; une assistance financière destinée à compenser les pertes de salaires dues aux suspensions, souvent aléatoires et pas toujours contradictoires, et un volet psycho-social, car dans mes fonctions de médecin, j'ai assisté à ces drames. J'ai vu des familles s'écrouler en quelques heures ou quelques jours autour d'un homme ou d'une femme souvent issu d'une famille de policiers ou d'une famille de gendarmes. Une assistance de gestion de crise est destinée à une interface avec les médias. Nous prévoyons également des gardes d'enfants, pour les premiers jours, et un système de nettoyage de l'e-réputation sur le web et les réseaux sociaux. C'est souvent la double peine, en effet : alors que beaucoup ne sont finalement pas condamnés après, en moyenne, 24 mois de procédure, il restera pendant des années des traces indélébiles de leur mise en cause sur le web. Nous leur proposons un produit qui est coûteux pour nettoyer le web et les réseaux sociaux et permettre à ceux qui ont quitté la police, la gendarmerie ou la police municipale, de retrouver un travail.

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