En tant que directeur des opérations et de l'emploi, je suis chargé de toute la partie opérationnelle de la gendarmerie dans l'ensemble de ses domaines : police administrative, police judiciaire, maintien de l'ordre et renseignement. La gendarmerie déploie son action sur trois types de territoires. Tout d'abord, un territoire physique, classique : celui des brigades de gendarmerie ; ensuite, sur un territoire numérique qui est de plus en plus connu et sur lequel des infractions peuvent être également commises ; et enfin un troisième territoire qui est le territoire des mobilités, celui des 8 millions de personnes qui, tous les jours – dans des mouvements pendulaires ou saisonniers –, se déplacent sur notre territoire. La gendarmerie doit s'organiser pour répondre à ses missions sur ces trois types de territoires.
Concernant le territoire physique, 74 % des forces de gendarmerie exercent leurs missions dans des territoires urbains ou périurbains. Sur 34 000 gendarmes en brigade, seuls 12 300 servent dans des unités rurales. Notre politique principale est celle de la police de sécurité du quotidien (PSQ) avec cette notion de contact qui implique de renforcer notre présence et notre visibilité sur les territoires. Comment fait-on ?
Tout d'abord, par une organisation du service qui nous permet de bien concilier les capacités d'intervention, d'investigation et de contact avec la population. La primauté pour nous c'est l'intelligence territoriale, c'est-à-dire l'adaptation locale à l'ensemble de ces missions.
Nous appliquons également un principe de concentration des moyens. Une vingtaine de départements ont ainsi été jugés prioritaires et nous y portons un effort particulier en y renforçant nos capacités d'intervention, en densifiant les partenariats et en multipliant les contacts avec les populations. Bien entendu, et je crois que cela vous tient à cœur, les partenariats avec les polices municipales sont pour nous un objectif prioritaire. 8 000 policiers municipaux servent en zone gendarmerie et nous portons un effort particulier sur le lien avec ces polices municipales.
Le deuxième territoire est le territoire numérique. Les progrès technologiques sont un moyen pour la gendarmerie de se déployer de manière plus active sur le territoire. L'outil Néogend nous permet aujourd'hui de travailler en mobilité, d'être moins dans les bureaux, de manière à pouvoir être plus au dehors, au contact de la population. Tous les outils, toute la doctrine que nous mettons en œuvre, visent à renforcer ce travail en mobilité. Nous employons également des structures nouvelles pour entrer en contact de manière informatique ou immatériel avec la population : c'est la mise en œuvre d'une brigade numérique qui est disponible 24 heures sur 24 pour échanger avec la population. Cela doit nous permettre de mettre en place des outils dématérialisés et d'éviter les papiers et les écritures. Évidemment dans ce domaine-là, la nouvelle procédure pénale numérique sur laquelle nous travaillons avec la police nationale et le ministère de la justice doivent nous permettent de mieux travailler en mobilité. J'insiste, dans ce domaine, sur la notion d'interopérabilité. Aujourd'hui les outils informatiques sont de plus en plus vastes et les logiciels, auxquels on demande de prendre en compte une multitude d'éléments, conduisent parfois à l'échec. Il me semble donc préférable de travailler sur l'interopérabilité entre les systèmes, afin qu'ils soient adaptés à chacun des intervenants et donc plus performants.
Le troisième territoire, celui des mobilités, concerne 8,3 millions d'actifs qui effectuent chaque jour des trajets sur route, par le train, dans les airs et éventuellement sur l'eau. Nous devons être en mesure de prendre en compte tout le spectre de ce qui peut advenir sur ce territoire, c'est-à-dire la lutte contre le terrorisme – car les terroristes se déplacent également sur la route –, la délinquance itinérante – notre champ d'action traditionnel –, le contrôle de l'immigration irrégulière et, évidemment, la lutte contre l'insécurité routière. Pour travailler sur ce territoire, nous avons mis en place, au sein de la DOEGN, un centre national de sécurité des mobilités. Il nous permet de travailler en partenariat avec les opérateurs de transport et d'échanger de l'information, de récolter un maximum de données pour être certains de pouvoir intervenir efficacement.
Bien entendu, pour agir sur ces trois territoires, nous devons être en état de pouvoir gérer les crises, ce qui implique un outil de commandement adapté. Vous vous êtes rendus, monsieur le rapporteur, au Centre des opérations de la gendarmerie, qui procède à des opérations d'envergure sur l'ensemble du territoire. Il a vocation à être décliné aux échelons régionaux afin qu'il y ait une conduite de proximité des opérations. La gestion des crises doit conduire à travailler sur les meilleures techniques de maintien de l'ordre afin d'offrir aux escadrons de gendarmerie mobile une capacité de manœuvre sur le terrain qui soit comparable à celle dont disposent les brigades. Évidemment, nous avons besoin d'équipements adéquats, tant pour les gendarmes mobiles que pour les gendarmes départementaux.
Quant à la réserve opérationnelle, elle doit nous permettre, lorsque nous sommes en difficulté, de revenir à un rapport de forces qui nous soit favorable. Dans la situation actuelle, nous montrons que nous sommes capables de faire face à des chocs.
Je voudrais évoquer l'augmentation constante de la violence dans notre société. Le nombre des blessés entre 2014 et 2018, dans nos rangs, a augmenté de 30 %. Nous avons aujourd'hui environ une vingtaine de blessés par jour. Malgré cela, sur l'année 2018, le nombre de cas d'usage des armes a diminué de 11 % par rapport à 2017 ce qui est pour moi le signe d'une force maîtrisée. Les résultats opérationnels sont significatifs : 85 % d'armes saisies en plus, 5 % de gardes à vue en plus et une hausse de 21 % des saisies des avoirs criminels. Le rythme d'emploi de la gendarmerie mobile dans ce contexte tendu est très élevé et depuis le 1er janvier 2019, le maintien de l'ordre représente 43 % de l'activité de la gendarmerie mobile alors qu'il y a encore quelques années, la gendarmerie mobile effectuait 75 % de son temps en renfort de la gendarmerie départementale et en sécurisation de nos espaces. La gendarmerie mobile est donc fortement engagée.
Nous sommes capables de faire face à des pics d'activité. Pour la journée du 8 décembre nous avons engagé 65 500 gendarmes sur l'ensemble du territoire. Sur la séquence « Gilets jaunes », nous avons procédé à 1 809 interpellations et 1 711 gardes à vue, et près de 6 500 gendarmes sont allés renforcer nos camarades policiers dans le cadre de la coopération opérationnelle dans les agglomérations et les territoires. La gendarmerie mobile a donc une capacité de réactivité forte.
Pour faire face à cela, l'entretien de la robustesse doit être développé. Nous sommes dans une société qui a besoin de dialogue mais qui est de plus en plus violente, et nous devons démontrer la robustesse de nos gendarmes. Cette robustesse, cet esprit de corps et cette cohésion viennent bien entendu de notre organisation, de la vie en caserne, d'un encadrement de contact en permanence auprès des hommes, de cette cohésion liée à notre statut militaire et de notre organisation territoriale. Cette organisation nous permet de faire face à ces situations difficiles.
Notre capacité d'innovation doit également être développée et encouragée. Pour nous, cela se matérialise par le travail en mobilité et par la mise en place de matériels adaptés à nos besoins telle la captation d'images et l'utilisation de drones.