Avant de répondre à vos questions, je voudrais soumettre à votre analyse quelques points que je considère comme fondamentaux. La direction des soutiens et des finances (DSF) est effectivement la direction en charge de l'économie des moyens de la gendarmerie, c'est-à-dire que ses missions s'articulent autour de la recherche de la meilleure allocation possible des ressources. Cette recherche s'applique aussi bien aux effectifs – je dispose pour cela d'une sous-direction de l'organisation et des effectifs, qui conçoit les normes d'organisation des unités et la politique des effectifs – qu'aux problématiques immobilières – traitées par la sous-direction de l'immobilier et du logement – qu'aux ressources financières qui relèvent de la sous-direction administrative et financière. Ces trois domaines sont étroitement liés entre eux. Bien que le périmètre de la DSF ait beaucoup évolué depuis une dizaine d'années, avec notamment en 2014 la création du service de l'achat des équipements et de la logistique (SAELSI) et des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI), je dispose toujours d'un ensemble de leviers cohérent pour faire fonctionner et accompagner la transformation d'un réseau territorial dense de 3 100 unités, relais puissant des politiques publiques liées à la sécurité et à la cohésion des territoires. Ce réseau s'étend en métropole, en Outre-mer, mais aussi dans des territoires urbains, suburbains et périurbains (74 % des forces de gendarmerie y exercent leur mission) ainsi que dans les périmètres ruraux.
La gendarmerie maintient ses effectifs même si des dissolutions d'unités ont pu être[CJ1] prononcées dans le passé. L'existence et le maillage territorial de ce réseau d'unités remonte à 1720. Il est toutefois parfaitement compatible avec l'innovation et la transformation en matière d'action territoriale.
L'enjeu pour la gendarmerie nationale est constant : maintenir dans les territoires de métropole et d'outre-mer un haut niveau de service public et de sécurité en accompagnant un environnement humain, social et administratif en mutation. Cela impose de tenir compte des évolutions démographiques, puisque la zone gendarmerie, depuis 2012, a absorbé un million d'habitants supplémentaires ce qui représente approximativement les deux tiers de l'augmentation de la croissance démographique en France. Sous l'impulsion des lois de décentralisation et de modernisation, la gendarmerie cherche à adapter son dispositif pour adhérer aux caractéristiques de sa zone de compétence. Les évolutions récentes des métropoles et des communes nouvelles impactent effectivement notre organisation territoriale.
Concernant la présence sur les territoires et la police de sécurité du quotidien (PSQ), la gendarmerie a rationalisé ces dernières années son dispositif territorial. Elle a fermé des unités aux locaux souvent vétustes et inadaptés, ou encore situés en zone de police nationale, tout en maintenant ses effectifs, y compris dans les territoires ruraux. De nouveaux dispositifs, tel l'outil NEOGEND, automatisent le travail des personnels et améliorent la présence et le contact sur le terrain. Par exemple, 227 dispositifs d'appui interdépartemental sont instaurés dans 44 groupements de gendarmeries départementales : ils concernent plus de 2 500 militaires et permettent désormais de s'affranchir du cloisonnement des limites départementales pour assurer la continuité de l'action de la gendarmerie. Autre exemple, les brigades territoriales de contact : les 41 brigades territoriales de contact dans les secteurs les plus isolés renforcent la présence visible de la gendarmerie et le lien avec la population. Dernier exemple, depuis le 1er juin dernier : l'expérimentation de brigades multimissions sur quatre sites. Cela ouvre la réflexion sur le décloisonnement opérationnel des moyens et des compétences jusque-là répartis entre les unités territoriales pour la sécurité publique générale, les unités motorisées pour la sécurité routière et les unités de recherche pour la police judiciaire.
La gendarmerie doit donc concilier les contraintes liées à ses implantations territoriales – qu'il n'est pas question de remettre en cause – avec celles résultant de la mobilité quotidienne des personnes et des biens. L'organisation du service se pense désormais en termes de décloisonnement, d'expérimentation, de déconcentration et d'intelligence locale. Un large pouvoir d'initiative est, dans ce cadre, laissé aux commandants territoriaux pour organiser leurs unités, pour renforcer leur efficacité opérationnelle et rompre avec les logiques de guichets pour aller vers le citoyen.
L'immobilier est un sujet important et la clé de voûte de ce dispositif. Le logement qui est concédé par nécessité absolue de service rend possible l'application des sujétions imposées par le statut militaire des gendarmes, notamment l'obligation de servir en tout temps et en tout lieu, c'est-à-dire une obligation de disponibilité qui emporte des contraintes supérieures à celles prévues pour des corps civils. Ce n'est pas le temps de travail des militaires qui est encadré, mais leur temps de repos, et ce dernier ne comprend pas de majoration particulière pour le travail de nuit ou le dimanche. Ce caractère structurant du logement explique les efforts consentis pour améliorer l'immobilier domanial.
Nous avons connu un effondrement des investissements immobiliers puisque le budget d'investissement qui s'élevait à 618 millions d'euros en autorisations d'engagement en 2007, a connu un point historiquement bas à 6 millions d'euros en 2013, soit un centième du budget de 2007. Le parc est composé d'environ 34 000 logements domaniaux sur 76 000 logements (le différentiel, ce sont des logements locatifs [TSL(SD2]qui sont entrés dans un cycle de vieillissement). Ce retard d'entretien doit être comblé.
Les budgets d'investissement sont en hausse depuis 2015, année où un plan d'urgence de l'immobilier de la gendarmerie a été doté de 80 millions d'euros. Alors que la dotation était donc de 6 millions d'euros en 2013, puis de 12 millions en 2014, ce plan a permis de relancer une dynamique de réhabilitation que nous cherchons à préserver tout en développant la protection des casernes. Pour 2019, ce budget est de 105 millions d'euros.
Des efforts ont aussi été réalisés dans d'autres domaines. Pour les véhicules – qui représentent un point essentiel compte tenu du maillage territorial de la gendarmerie – les acquisitions de ces dernières années, oscillent entre 2 700 et 3 000 véhicules, pour un parc total de 31 000 véhicules, toutes catégories confondues. C'est un chiffre comparable à celui de la police nationale. Ces acquisitions nous ont permis d'enclencher une phase de diminution de l'âge moyen de notre parc opérationnel qui avait beaucoup vieilli entre 2012 et 2017. Depuis 2018, l'âge moyen a diminué puisqu'on est passé de 8,2 années en 2017 à 7,4 en 2018. Les efforts de ces dernières années ont ainsi permis d'inverser la tendance enregistrée depuis le début des années 2010.
Le deuxième secteur prioritaire est celui du renforcement des unités territoriales et la mise en œuvre de la police de sécurité du quotidien. Les effectifs augmentent : 2 500 effectifs entre 2018 et 2022, plus 135 effectifs fléchés pour le renseignement territorial, ce qui fait un total de 2 635 effectifs prévus sur la période du quinquennat. Ces effectifs supplémentaires vont permettre de renforcer les départements prioritaires et notamment ceux qui n'avaient pas bénéficié de renforts malgré la hausse continue de la population dans la zone de compétence de la gendarmerie. C'est un axe fort qui permet d'accompagner les départements prioritaires ou ceux qui avaient du retard par rapport à l'accroissement de la population.
L'outre-mer est également une priorité importante. Là aussi, nous avons des dynamiques démographiques qu'il faut accompagner par des effectifs supplémentaires.
Nous continuons de consacrer également des effectifs à l'outil de formation. On a créé tout récemment une nouvelle école de gendarmerie à Dijon après en avoir fermé quatre à la fin des années 2000.
Enfin, nous renforçons les soutiens qui avaient été diminués dans les années passées, notamment pendant la période de révision générale des politiques publiques, en particulier en matière d'immobilier.
Nous pouvons aussi nous appuyer sur un budget important consacré à la réserve opérationnelle puisque l'année dernière nous avons pu notifier 78 millions d'euros de crédits de réserve opérationnelle, alors qu'ils étaient de 41 millions en 2014, de 52 millions en 2015 et de 66 millions en 2016. L'effort est donc maintenu.
Il s'agit de faits significatifs qui interviennent dans un contexte où la contrainte budgétaire s'est renforcée et où la gendarmerie ne s'exonère pas des objectifs de redressement des comptes publics. Le respect de la loi de finances initiale est un impératif, et comme vous le savez, nous avons pris des mesures de pilotage pour tenir cet engagement, notamment au cours de l'année 2018. « Commander c'est choisir » et je dois admettre qu'en 2018, nous avons beaucoup choisi, en particulier pour maîtriser la trajectoire des dépenses de masse salariale.
La cause n'est pas à rechercher dans une mauvaise gestion, mais plutôt dans les limites de la construction budgétaire, qui s'appuie sur l'observation du passé, lequel ne se répète pas toujours, et sur des hypothèses prospectives, qui elles aussi ne se vérifient pas toujours. L'impact anticipé [TSL(SD3]des départs en retraite ou des mesures nouvelles ne se vérifie pas forcément lors de l'exécution. Pour améliorer nos prévisions et notre modèle de construction budgétaire, des travaux importants ont été conduits ces derniers mois. Ils sont partagés avec le secrétaire général du ministère de l'Intérieur et la direction du budget. [TSL(SD4]Je suis tout à fait confiant dans notre capacité collective à parvenir à davantage « sincériser » notre budget, comme en atteste d'ailleurs la démarche qui a consisté à diminuer la mise en réserve des crédits puisqu'elle est passée de 8 % en 2017 à 3 % en 2018 avant d'être reconduite à ce même niveau 2019. Je considère que tous ces points vont dans le bon sens.